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<b>CHAPITRE I</b><br><br><p>La voie qui peut être exprimée par la parole<a href="#ancrage_01-1"><small><sup><span id="lien_01-1"> (1)</span></sup></small></a> n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé<a href="#ancrage_01-2"><small><sup><span id="lien_01-2"> (2)</span></sup></small></a> n’est pas le Nom éternel. </p><p>(L’être) sans nom<a href="#ancrage_01-3"><small><sup><span id="lien_01-3"> (3)</span></sup></small></a> est l’origine du ciel et de la terre ;avec un nom, il est la mère de toutes choses.</p><p>C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment<a href="#ancrage_01-4"><small><sup><span id="lien_01-4"> (4)</span></sup></small></a> exempt de passions, on voit son essence spirituelle<a href="#ancrage_01-5"><small><sup><span id="lien_01-5"> (5)</span></sup></small></a> ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée<a href="#ancrage_01-6"><small><sup><span id="lien_01-6"> (6)</span></sup></small></a>. </p><p>Ces deux choses<a href="#ancrage_01-7"><small><sup><span id="lien_01-7"> (7)</span></sup></small></a> ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_01-1"><span id="ancrage_01-1">(1)</span></a> H : Le second mot <i>tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道</span> a le sens de <i>yen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">言</span>, « dire, énoncer »(C) : <i>kheou-tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">口道</span>, « exprimer à l’aide de la bouche, de la parole. » <i>Sou-tseu-yeou : </i>Il y a deux voies (deux Tao), l’une ordinaire,qui est la voie de la justice, des rites, de la prudence ; elle peut être énoncée par la parole et son nom peut être nommé. L’autre est la <i>Voie</i> (le Tao) sublime dont parle <i>Lao-tseu</i> (B). Cette <i>Voie</i>, qui plane au-dessus du siècle, n’a ni forme, ni couleur, ni nom. Si on la cherche des yeux, on ne la voit pas ; si on prête l’oreille,on ne l’entend pas : c’est pourquoi elle n’est pas susceptible d’être énoncée par la parole, ni désignée à l’aide d’un nom. </p><br><p><a href="#lien_01-2"><span id="ancrage_01-2">(2)</span></a> <i>Liu-kie-fou : </i>Tous les objets sensibles ont un nom qui peut être nommé ; mais il vient un temps où ce nom, dérivé de leur forme ou de leur nature, vient à disparaître. Ce n’est pas un nom éternel. </p><br><p><a href="#lien_01-3"><span id="ancrage_01-3">(3)</span></a> G, <i>Ting-i-tong</i> dit : Il y a des éditeurs qui mettent un repos après <i>wou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無名</span>. <i>yeou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有名</span>, « ce qui n’a pas de nom, ce qui a un nom ; » d’autres le mettent après <i>wou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無</span> et <i>yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有</span>, et entendent le <i>non-être</i> et l’<i>être</i>. Cependant <i>Lao-tseu</i> dit dans le chapitre <span class="sc">xxxii</span> : <i>Tao-tchhang-wou-ming</i>. <i>Chi-tchi</i>, <i>yeou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道常無名。。。姶制。有名。</span> « Le Tao est éternel et sans nom. — Lorsqu’il a commencé à se répandre (E : littéral. « <i>à se diviser</i> pour former les êtres »), il a eu un nom. » On voit par là qu’il faut préférer la première ponctuation. </p><p>E : Les expressions <i>wou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無名</span>, « ce qui n’a pas de nom, »<i>yeou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有名</span>, « ce qui a un nom, » indiquent le <i>Tao</i> (considéré à deux époques différentes). <i>Ibid</i>. L’essence du <i>Tao</i> est vide et incorporelle. Lorsque les créatures n’avaient pas encore commencé à exister, on ne pouvait le nommer. Mais lorsqu’une influence divine et transformatrice leur eut donné le mouvement vital, alors ils sont sortis du <i>non-être</i> (du Tao) et le <i>non-être</i> a reçu son nom des êtres. (Tous les êtres sont venus de lui ; c’est pourquoi, dit <i>Ho-chang-kong</i>,le plus ancien commentateur, on l’a appelé le <i>Tao</i> ou la <i>Voie</i>. Cf. ch. <span class="sc">xxv</span>). Ce principe vide et immatériel est né avant le ciel et la terre ; c’est ainsi qu’il est l’origine du ciel et de la terre. Dès qu’il s’est manifesté au dehors, toutes les créatures sont nées de lui ; c’est ainsi qu’il est la mère de tous les êtres. </p><br><p><a href="#lien_01-4"><span id="ancrage_01-4">(4)</span></a> G, <i>Ting-i-tong : </i>Il y a des éditeurs (par exemple H) qui mettent un repos après <i>tchhang-wou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常無</span>, <i>tchhang-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常有</span>,et entendent <i>l’éternel non-être, l’éternel être ; </i>d’autres (et c’est le plus grand nombre) lisent <i>tchhang-wou-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常無欲。</span> « être constamment sans désirs, » <i>tchhang-yeou-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常有欲。</span> avoir constamment des désirs. » J’ai suivi cette ponctuation. (St. Julien.)</p><br><p><a href="#lien_01-5"><span id="ancrage_01-5">(5)</span></a> A : Si l’homme est constamment exempt de passions, il pourra voir (B) ce qu’il y a de plus subtil, de plus profond dans le Tao. </p><br><p><a href="#lien_01-6"><span id="ancrage_01-6">(6)</span></a> Littéralement : « On voit ses bornes, on lui voit des bornes. » H : Le mot <i>kiao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徼</span> veut dire <i>bornes, limites</i>, c’est-à-dire les bornes, les limites du Tao. <i>Pi-ching : </i>Lorsque les hommes sont constamment aveuglés par les passions, ils prennent l’<i>être</i> pour le <i>non-être</i>. Ils croient voir le Tao dans les formes grossières et bornées des êtres qui émanent de lui.</p><p><i>Li-si-tchaï</i> explique un peu autrement ce passage : le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">妙</span>, « subtil, imperceptible, » désigne la <i>grande Voie</i>, le <i>non-être ; </i>le mot <i>kiao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徼</span> désigne la <i>petite Voie</i>, <i>siao-tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">小道</span>, c’est-à-dire l’<i>être</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有</span>. Cette interprétation est conforme à celle de <i>Tchin-king-youen</i>, « On appelle <i>kiao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徼</span> un petit chemin, <i>siao-lou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">小路</span>, qui se trouve à côté d’une grande voie, <i>ta-tao-pien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">大道邊</span>.</p><br><p><a href="#lien_01-7"><span id="ancrage_01-7">(7)</span></a> Les commentateurs (par exemple B) qui lisent <i>wou, ming-thien-ti-tchi-chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無。名天地之姶</span> (le <i>non-être</i> se nomme l’origine du ciel et la terre), au lieu de <i>wou-ming</i>, <i>thien-ti-tchi-chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無名。天地之姶</span> (ce qui est sans nom est l’origine du ciel et de la terre), et <i>yeou, ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有。名</span>, etc. (l’<i>être</i> se nomme la mère de tous les êtres), au lieu de <i>yeou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有名</span> etc. (ce qui a un nom, c’est-à-dire le Tao ayant un nom est la mère de tous les êtres), font rapporter <i>ces deux choses</i> à <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無</span>, <i>wou</i> (au non-être) et à <i>yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有</span>, (à l’être) ; d’autres (par exemple F), aux mots <i>miao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">妙</span>, « ce qui est invisible par sa subtilité, » et à <i>kiao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徼</span>, « bornes, limites. » Ils arrivent au même sens, c’est-à-dire qu’ils entendent par <i>ces deux choses</i>, le <i>non-être</i> et l’<i>être</i>.</p><p><i>Wang-pi</i> (D) croit que les mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">此两者</span> <i>thseu-liang-tche</i>, « ces deux choses, » se rapportent aux mots <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">姶</span>, « l’origine, » et <i>mou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">母</span>, « la mère, » qui se trouvent dans le second paragraphe de ce chapitre. Enfin <i>Ho-chang-kong</i> (A) les fait rapporter aux expressions <i>yeou-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有欲</span>, avoir des désirs, des passions, » <i>wou-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無欲</span> « ne pas avoir de désirs, de passions. » Ces deux choses, dit-il, sortent ensemble du cœur de l’homme. L’homme qu’on nomme <i>sans désirs</i> se conserve constamment, l’homme qu’on nomme <i>ayant des désirs</i> périt infailliblement.</p><p>Cette dernière interprétation ne peut s’accorder avec les douze mots qui terminent le chapitre. </p><br>
<b>CHAPITRE II</b><br><br><p>Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale)<a href="#ancrage_02-1"><small><sup><span id="lien_02-1"> (1)</span></sup></small></a> alors la laideur (du vice) <i>a paru</i>.</p><p>Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien,alors le mal <i>a paru</i>.</p><p>C’est pourquoi<a href="#ancrage_02-2"><small><sup><span id="lien_02-2"> (2)</span></sup></small></a> l’être et le <i>non-être</i> <a href="#ancrage_02-3"><small><sup><span id="lien_02-3"> (3)</span></sup></small></a> naissent l’un de l’autre. </p><p>Le difficile et le facile<a href="#ancrage_02-4"><small><sup><span id="lien_02-4">  (4)</span></sup></small></a> se produisent mutuellement.</p><p>Le long et le court<a href="#ancrage_02-5"><small><sup><span id="lien_02-5">  (5)</span></sup></small></a> se donnent mutuellement leur forme. </p><p>Le haut et le bas<a href="#ancrage_02-6"><small><sup><span id="lien_02-6">  (6)</span></sup></small></a> montrent mutuellement leur inégalité. </p><p>Les tons et la voix<a href="#ancrage_02-7"><small><sup><span id="lien_02-7"> (7)</span></sup></small></a> s’accordent mutuellement. </p><p>L’antériorité et la postériorité<a href="#ancrage_02-8"><small><sup><span id="lien_02-8"> (8)</span></sup></small></a> sont la conséquence l’une de l’autre. </p><p>De là vient que le saint homme fait son occupation du <i>non-agir</i><a href="#ancrage_02-9"><small><sup><span id="lien_02-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><p>Il fait consister ses instructions dans le silence. </p><p>Alors tous les êtres se mettent en mouvement<a href="#ancrage_02-10"><small><sup><span id="lien_02-10"> (10)</span></sup></small></a>, et il ne leur refuse rien. </p><p>Il les produit<a href="#ancrage_02-11"><small><sup><span id="lien_02-11"> (11)</span></sup></small></a> et ne se les approprie pas.</p><p>Il les perfectionne et ne compte pas sur eux<a href="#ancrage_02-12"><small><sup><span id="lien_02-12"> (12)</span></sup></small></a>.</p><p>Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas<a href="#ancrage_02-13"><small><sup><span id="lien_02-13"> (13)</span></sup></small></a>.</p><p>Il ne s’attache pas à ses mérites ; c’est pourquoi ils ne le quittent point<a href="#ancrage_02-14"><small><sup><span id="lien_02-14"> (14)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_02-1"><span id="ancrage_02-1">(1)</span></a> E : Dans la haute antiquité, tous les peuples avaient de la droiture, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’équité. Ils s’aimaient les uns les autres, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’humanité. Ils étaient sincères, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’honnêteté. Ils tenaient leurs promesses, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent la fidélité dans les paroles. En voici la raison : tous les peuples étaient également bons et vertueux ; c’est pourquoi ils ne savaient pas distinguer les différentes nuances de vertus (littéralement, « ils ne savaient pas que le beau <i>moral</i> et le bien, <span class="lang-grc" lang="grc"><i>to kalon, to duathon</i></span>, fussent différents »). Mais, dans les siècles suivants, l’apparition du vice leur apprit, pour la première fois, à reconnaître la beauté morale ; l’apparition du mal leur apprit, pour la première fois, à reconnaître le bien. Quand le siècle fut dépravé davantage, le beau et le bien parurent avec plus d’éclat. </p><br><p><a href="#lien_02-2"><span id="ancrage_02-2">(2)</span></a> E : Les comparaisons qui suivent ont pour but de montrer que la beauté morale et le vice, le bien et le mal se font ressortir mutuellement par leur opposition (littéralement, « se donnent mutuellement leur forme » ), et montrent mutuellement leur inégalité,leur différence. </p><p>B : <i>Lao-tseu</i> veut dire que, dès qu’on voit le beau moral, on reconnaît l’existence du vice (littéralement, « du laid » ). Dès qu’on remarque le bien, on reconnaît l’existence du mal. L’homme doit tenir son cœur dans l’obscurité et renouveler sa nature ; oublier le beau moral et le vice, le bien et le mal. S’il ne songe plus au beau moral, alors il n’y aura plus pour lui d’actions vicieuses ; s’il ne songe plus au bien, alors il n’y aura plus pour lui d’actions mauvaises. </p><br><p><a href="#lien_02-3"><span id="ancrage_02-3">(3)</span></a> A : En voyant l’<i>être</i> on se fait une idée du <i>non-être</i>. </p><p>B : Le <i>non-être</i> produit l’<i>être ; </i>l’<i>être</i> produit le <i>non-être</i>. <i>Ibid</i>. Les <i>êtres</i>, ne pouvant subsister éternellement, finissent par retourner au <i>non-être</i>. </p><br><p><a href="#lien_02-4"><span id="ancrage_02-4">(4)</span></a> B : S’il n’y avait pas de choses difficiles, on ne pourrait faire des choses faciles (ce sont les choses difficiles qui font juger des choses faciles) ; s’il n’y avait pas de choses faciles, comment arriverait-on à faire des choses difficiles ? Le facile résulte du difficile ; le difficile résulte du facile. </p><br><p><a href="#lien_02-5"><span id="ancrage_02-5">(5)</span></a> B : On reconnaît qu’une chose est courte en la comparant à une chose longue, <i>et vice versa</i>. <i>Liu-kie-fou : </i>Lorsqu’on a vu la longueur de la jambe d’une cigogne, on reconnaît combien est courte la patte d’un canard, <i>et vice versa</i>. </p><br><p><a href="#lien_02-6"><span id="ancrage_02-6">(6)</span></a> B : Si je monte sur une hauteur et que je regarde au-dessous de moi, je remarque combien la terre est basse. Si je suis dans une plaine et que je lève les yeux, je suis frappé de la hauteur d’une montagne. </p><br><p><a href="#lien_02-7"><span id="ancrage_02-7">(7)</span></a> B : Sans la connaissance des tons on ne pourrait faire accorder les voix (on ne pourrait reconnaître l’accord harmonieux des voix) ; sans la voix on ne pourrait former des tons.</p><p>Suivant C, ce passage s’appliquerait à la voix et à l’écho qui y répond du sein d’une vallée profonde. </p><br><p><a href="#lien_02-8"><span id="ancrage_02-8">(8)</span></a> B : En voyant que cet homme marche devant moi, je reconnais qu’il me précède et que je le suis ; en le voyant après moi, je reconnais que je le précède et qu’il me suit. Le rang postérieur résulte du rang antérieur ; le rang antérieur résulte du rang postérieur. </p><br><p><a href="#lien_02-9"><span id="ancrage_02-9">(9)</span></a> E : Le saint homme se sert du Tao pour convertir le monde. Ses occupations, il les fait consister dans le <i>non-agir ; </i>ses instructions,il les fait consister dans le <i>non-parler</i>, le silence (c’est-à-dire (C) qu’il instruit par son exemple et non par des paroles). Il cultive le principal et ne s’appuie point sur l’accessoire. Le monde se convertit et l’imite. Ceux qui ne sont pas vertueux réforment leurs habitudes, et la vertu éminente passe dans les mœurs. </p><br><p><a href="#lien_02-10"><span id="ancrage_02-10">(10)</span></a> A : Chacun d’eux <i>se met en mouvement</i> (pour naître) ; il ne leur refuse rien et n’arrête pas leur développement. E : Tous les êtres <i>naissent</i> en invoquant l’appui du saint homme. Il peut leur fournir tout ce dont ils ont besoin, et ne les repousse pas. </p><br><p><a href="#lien_02-11"><span id="ancrage_02-11">(11)</span></a> E : Il peut les faire naître et ne les regarde pas comme étant sa propriété. </p><br><p><a href="#lien_02-12"><span id="ancrage_02-12">(12)</span></a> E : Il peut les faire (ce qu’ils sont), mais jamais il ne compte sur eux pour en tirer profit. </p><br><p><a href="#lien_02-13"><span id="ancrage_02-13">(13)</span></a> E : Quand ses mérites sont accomplis, jusqu’à la fin de sa vie, il les considère comme s’ils lui étaient étrangers, et ne s’y attache pas. A : Il ne se glorifie pas de sa capacité : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不恃其能</span></p><br><p><a href="#lien_02-14"><span id="ancrage_02-14">(14)</span></a> E : Il ne s’attache pas à son mérite, c’est pour cela qu’il a du mérite. S’il s’attachait à son mérite, s’il s’en glorifiait, il le perdrait entièrement.</p><p><i>Aliter</i> A : Le bonheur et la vertu subsistent constamment ; ils ne s’éloignent jamais de lui. </p><br>
<b>CHAPITRE III</b><br><br><p>En n’exaltant<a href="#ancrage_03-1"><small><sup><span id="lien_03-1"> (1)</span></sup></small></a> pas les sages, on empêche le peuple de se disputer.</p><p>En ne prisant pas les biens d’une acquisition difficile, on empêche le peuple de se livrer au vol<a href="#ancrage_03-2"><small><sup><span id="lien_03-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>En ne regardant point des objets propres à exciter des désirs, on empêche que le cœur du peuple ne se trouble<a href="#ancrage_03-3"><small><sup><span id="lien_03-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi, lorsque le saint homme gouverne, il vide son cœur<a href="#ancrage_03-4"><small><sup><span id="lien_03-4">  (4)</span></sup></small></a>, il remplit son ventre (son intérieur), il affaiblit sa volonté, et il fortifie ses os<a href="#ancrage_03-5"><small><sup><span id="lien_03-5">  (5)</span></sup></small></a>. </p><p>Il s’étudie constamment à rendre le peuple ignorant et exempt de désirs<a href="#ancrage_03-6"><small><sup><span id="lien_03-6">  (6)</span></sup></small></a>. </p><p>Il fait en sorte que ceux qui ont du savoir n’osent pas agir<a href="#ancrage_03-7"><small><sup><span id="lien_03-7">  (7)</span></sup></small></a>. »</p><p>Il pratique le <i>non-agir</i>, et alors il n’y a rien qui ne soit bien gouverné. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES</div><br><p><a href="#lien_03-1"><span id="ancrage_03-1">(1)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Si l’on accorde une grande estime aux sages,le peuple rougira de ne pas être traité de même, et il en viendra à disputer. Si l’on prise les biens d’une acquisition difficile, le peuple s’affligera de n’en pas avoir, et il en viendra à voler. Si l’on arrête ses regards sur les choses désirables (ce commentateur prend en bonne part les mots <i>kho-yo</i>), le peuple se croira malheureux de ne pas les posséder, et il en viendra à se livrer au désordre. Tous les hommes de l’empire savent que ces trois choses sont une calamité ;mais ce serait folie que de vouloir y renoncer tout à fait. Le saint homme ne manque jamais d’employer les sages ; seulement il ne les exalte pas. Il ne rejette pas les biens d’une acquisition difficile ;seulement il ne les prise pas. Il ne renonce pas aux choses désirables (C : il n’est point insensible comme un arbre desséché ou des cendres éteintes) ; seulement il n’y arrête pas ses regards.</p><p>E : Quoique les saints hommes de la haute antiquité employassent les sages, jamais ils ne les exaltaient. Les sages de ces temps reculés occupaient leurs charges, mais ils ne les regardaient pas comme un sujet de gloire. Ils en supportaient les fatigues, mais jamais ils n’en tiraient profit. Lorsqu’une chose n’est point une source de gloire ni de profit, comment le peuple se disputerait-il pour l’obtenir ?Dans les siècles suivants, les sages jouirent du fruit de leur réputation. La multitude eut de l’estime pour eux et s’étudia à les imiter. L’ambition naquit dans le cœur de l’homme, et l’on vit surgir pour la première fois un esprit de luttes et de combats opiniâtres. C’est pourquoi, en n’exaltant pas les sages, on empêche que le peuple ne se dispute. </p><br><p><a href="#lien_03-2"><span id="ancrage_03-2">(2)</span></a> E : Les saints rois de la haute antiquité ne manquaient jamais de se servir des richesses pour nourrir le peuple ; mais en s’efforçant de faciliter les échanges, par la voie du commerce, ils n’avaient pour but que d’aider le peuple à se procurer des habits et des aliments. Quant aux objets d’une autre sorte, comment le saint homme pourrait-il les priser ? Il se garde d’estimer les choses rares et de mépriser les choses usuelles. Il s’abstient de faire des choses inutiles, de peur de nuire à celles qui sont réellement utiles. Lorsqu’il a fourni au peuple les moyens suffisants pour s’habiller et se nourrir, le vol et les rapines se trouvent arrêtés à leur source. C’est pourquoi, en ne prisant pas les choses d’une acquisition difficile,on empêche que le peuple ne se livre au vol.</p><br><p><a href="#lien_03-3"><span id="ancrage_03-3">(3)</span></a> E : Le cœur de l’homme est naturellement calme. Lorsqu’il se trouble et perd son état habituel, c’est qu’il est ému par la vue des choses propres à exciter des désirs. C’est pourquoi, en ne regardant pas les choses propres à exciter les désirs, on empêche que le cœur ne se trouble. </p><p>Dans les passages précédents, les mots « ne pas estimer, » <i>pou-chang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不尚</span>, « ne pas priser » <i>pou-koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不貴</span>, montrent que les mots « ne pas regarder, » <i>pou-kien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不見</span>, doivent se rapporter au roi. Ce sens, que je retrouve dans la plupart des commentaires (voyez plus haut, note 1, ligne 5), paraît avoir échappé à <i>Sie-hoeï</i> (E) ; mais, pour le déterminer davantage, il est indispensable d’ajouter, d’après l’édition D (voyez les variantes de l’édition G), le mot <i>min</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">民</span> « peuple » avant <i>sin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">心</span> « cœur » : « On empêche que le cœur <i>du peuple</i> ne se trouble. »</p><p>En suivant, au contraire, le commentateur E, on serait obligé de traduire littéralement : <i>Si homo non aspiciat desiderabilia, efficiet ut (suam) cor non turbetur.</i> </p><p>Par <i>kho-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可欲</span> « desiderabilia, » C entend la réputation et le profit. A croit qu’il s’agit de la musique voluptueuse et de la beauté des femmes. </p><br><p><a href="#lien_03-4"><span id="ancrage_03-4">(4)</span></a> E : Quand le saint homme gouverne l’empire, il ferme le chemin de la fortune et des honneurs, et il éloigne les objets de luxe ; par là il apprend au peuple à étouffer ses inclinations basses et cupides et à conserver sa simplicité primitive. Il reste calme et dégagé de toute pensée, alors son cœur (le cœur du saint homme) est vide. C’est pourquoi ses esprits et sa force vitale se conservent dans son intérieur, et <i>son ventre se remplit</i>. (Ces derniers mots doivent être pris au figuré.) </p><p>A : Il expulse sa cupidité et ses désirs sensuels, et éloigne tout ce qui pourrait troubler son cœur. <i>Ibid</i>. « Il remplit son ventre, » c’est-à-dire il renferme dans son sein le Tao et conserve ses cinq esprits. </p><br><p><a href="#lien_03-5"><span id="ancrage_03-5">(5)</span></a> E : Il est humble et timide, et reste dans une inaction absolue. Alors sa volonté s’affaiblit. </p><p>C’est pourquoi sa vigueur physique ne s’use pas et ses os deviennent forts. </p><p>A : Il se rend souple et humble ; il ne cherche pas à commander aux autres. </p><br><p><a href="#lien_03-6"><span id="ancrage_03-6">(6)</span></a> E : Le cœur de l’homme est naturellement dénué de connaissance et exempt de désirs ; mais le contact des créatures le pervertit et trouble sa pureté primitive. Alors il se compromet et se perd en recherchant une multitude de connaissances et en se livrant à une foule de désirs. Les mots « il fait que le peuple n’ait ni connaissances ni désirs » signifient uniquement qu’il le ramène à son état primitif. </p><br><p><a href="#lien_03-7"><span id="ancrage_03-7">(7)</span></a> E : Celui qui a du savoir aime à créer des embarras qui agitent l’empire. Mais si l’homme connaît les inconvénients de <i>l’action</i> et les avantages du <i>non-agir</i>, il sera rempli de crainte et n’osera pas agir d’une manière désordonnée.</p><p>Le meilleur moyen de procurer la tranquillité aux hommes, c’est le <i>non-agir</i>. C’est pourquoi, lorsqu’on pratique le <i>non-agir</i> (ceci se dit du roi), tout est bien gouverné. </p><br>
<b>CHAPITRE IV</b><br><br><p>Le Tao est vide<a href="#ancrage_04-1"><small><sup><span id="lien_04-1"> (1)</span></sup></small></a> ; si l'on en fait usage, il paraît inépuisable. </p><p>Ô qu’il est profond ! Il semble le patriarche<a href="#ancrage_04-2"><small><sup><span id="lien_04-2"> (2)</span></sup></small></a> de tous les êtres. </p><p>Il émousse<a href="#ancrage_04-3"><small><sup><span id="lien_04-3"> (3)</span></sup></small></a> sa subtilité, il se dégage de tous liens, il tempère sa splendeur, il s’assimile à la poussière. </p><p>Ô qu’il est pur ! Il semble subsister éternellement<a href="#ancrage_04-4"><small><sup><span id="lien_04-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>J’ignore de qui il est fils ; il semble avoir précédé le maître du ciel.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES</div> <br><p><a href="#lien_04-1"><span id="ancrage_04-1">(1)</span></a> Ce chapitre présente de grandes difficultés ; j’ai suivi ici les interprètes D, F, qui expliquent les mots <i>pou-ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不盈</span> par « il est inépuisable. » Le même sens se retrouve dans <i>Li-si-tchaï</i> (éd. i G) : « Le Tao est tellement profond et subtil, que plus on en fait usage et plus il est inépuisable. </p><p>Tout en expliquant les mots <i>pou-ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不盈</span> par « il est inépuisable, » D n’a pas méconnu le sens littéral de ces deux mots :« Toutes les choses du monde ne pourraient, dit-il, remplir, occuper complètement son immense capacité. » « C’est un abîme sans fond (dit <i>Hong-fou</i>, éd. G) ; tous les fleuves de la terre pourraient se réunir dans son sein sans le remplir jamais. »</p><br><p><a href="#lien_04-2"><span id="ancrage_04-2">(2)</span></a> A : Le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">宗</span> veut dire « premier aïeul, patriarche. » E explique ce mot par <i>tchou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">主</span>, « maître, souverain. »</p><br><p><a href="#lien_04-3"><span id="ancrage_04-3">(3)</span></a> <i>Tsi-te-thsing</i> (édit. C) pense que le grand <i>Tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">大道</span> est le sujet des quatre verbes laisser, délier, tempérer, assimiler. H et plusieurs autres commentateurs sous-entendent, avant ces verbes, les mots <i>yeou-tao-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有道者</span>, « celui qui possède le Tao. » Il réprime la fougue de son caractère (<i>sic</i> H), il se dégage des liens (du siècle), il tempère l’éclat (de sa vertu), il s’abaisse au niveau du vulgaire, littéral. « il se rend semblable à leur poussière. »</p><p>Ces quatre membres de phrase se retrouvent dans le chapitre <span class="sc">lvi</span>,où il paraît difficile de ne pas les rapporter au sage qui possède le Tao. </p><p>Peut-être faudrait-il les retrancher dans ce chapitre où ils paraissent déplacés, soit qu’on les rapporte au Tao, soit qu’on les applique au sage qui possède le Tao. </p><br><p><a href="#lien_04-4"><span id="ancrage_04-4">(4)</span></a> La plupart des éditions portent <i>hoe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">或</span> avant <i>thsun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">存</span>. J’ai préféré la leçon <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span> « éternellement, » qui se trouve dans les variantes de l’édition G. </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE V</b><br><br><p>Le ciel et la terre n’ont point d’affection particulière<a href="#ancrage_05-1"><small><sup><span id="lien_05-1"> (1)</span></sup></small></a>.Ils regardent toutes les créatures comme le chien<a href="#ancrage_05-2"><small><sup><span id="lien_05-2"> (2)</span></sup></small></a> de paille (du sacrifice). </p><p>Le saint homme<a href="#ancrage_05-3"><small><sup><span id="lien_05-3"> (3)</span></sup></small></a> n’a point d’affection particulière ; il regarde tout le peuple comme le chien de paille (du sacrifice).</p><p>L’être qui est entre le ciel et la terre<a href="#ancrage_05-4"><small><sup><span id="lien_05-4"> (4)</span></sup></small></a> ressemble à un soufflet de forge qui est vide et ne s’épuise point, que l’on met en mouvement et qui produit de plus en plus (du vent).</p><p>Celui qui parle beaucoup (du Tao) est souvent réduit au silence<a href="#ancrage_05-5"><small><sup><span id="lien_05-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Il vaut mieux observer le milieu. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_05-1"><span id="ancrage_05-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">仁</span> (<i>vulgo</i> humanité) veut dire ici « aimer d’une affection partiale et particulière. »</p><br><p><a href="#lien_05-2"><span id="ancrage_05-2">(2)</span></a> <i>Sou-tsea-yeou : </i>Le ciel et la terre n’ont point d’affection particulière. Ils laissent tous les êtres suivre leur impulsion naturelle. C’est pourquoi toutes les créatures naissent et meurent d’elles-mêmes. Si elles meurent, ce n’est point par l’effet de leur tyrannie ;si elles naissent, ce n’est point par l’effet de leur affection particulière. De même, lorsqu’on a fait un chien avec de la paille liée,on le place devant l’autel où l’on offre le sacrifice, afin d’éloigner les malheurs (sic <i>Yen-kiun-ping</i>) ; on le couvre des plus riches ornements. Est-ce par affection ? C’est l’effet d’une circonstance fortuite. Lorsqu’on le jette dehors, après le sacrifice, les passants le foulent aux pieds. Est-ce par un sentiment de haine ? C’est aussi l’effet d’une circonstance fortuite. </p><br><p><a href="#lien_05-3"><span id="ancrage_05-3">(3)</span></a> E : Telle est la vertu du ciel et de la terre : ils sont grandement justes pour tous, et n’ont aucune affection particulière. Ils laissent les créatures se produire et se transformer elles-mêmes. Le saint homme agit de même à l’égard du peuple. Ce passage veut dire que celui qui est grandement bienveillant et affectionné pour tous, n’est bienveillant ni affectionné pour personne en particulier.</p><br><p><a href="#lien_05-4"><span id="ancrage_05-4">(4)</span></a> E : Entre le ciel et la terre, il y a un être éminemment divin. Ce passage a reçu deux interprétations. Un seul commentateur (E) rapporte au Tao les mots <i>hiu-eul-pou-khio, tong-eul-iu-tch’ou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">虚而不屈,勭而愈出</span> ; dans ce cas on est obligé de le traduire ainsi : « (Cet être, c’est-à-dire le Tao) est vide et ne s’épuise pas ; plus il se met en mouvement, et plus il se produit au dehors. »</p><p>Tous les autres commentateurs rapportent ces huit mots au soufflet de forge, et ils traduisent : « Il est vide et ne s’épuise pas ; plus on le met en mouvement, et plus il fait sortir, plus il produit du vent. »</p><br><p><a href="#lien_05-5"><span id="ancrage_05-5">(5)</span></a> E : Telle est l’essence du Tao. Il est impossible de l’épuiser par des paroles. Si vous cherchez à l’expliquer par des paroles, plus vous les multiplierez, et plus vous serez réduit à un silence absolu (litt. « vous arriverez au comble de l’épuisement » ). Mais si vous oubliez les paroles (si vous renoncez aux paroles), et si vous gardez le milieu (c’est-à-dire, si vous observez le <i>non-agir</i>), vous ne serez pas loin d’arriver au Tao. </p><br>
<b>CHAPITRE VI</b><br><br><p>L’esprit de la vallée<a href="#ancrage_06-1"><small><sup><span id="lien_06-1"> (1)</span></sup></small></a> ne meurt pas ; on l’appelle la femelle<a href="#ancrage_06-2"><small><sup><span id="lien_06-2"> (2)</span></sup></small></a> mystérieuse.</p><p>La porte<a href="#ancrage_06-3"><small><sup><span id="lien_06-3"> (3)</span></sup></small></a> de la femelle mystérieuse s’appelle la racine<a href="#ancrage_06-4"><small><sup><span id="lien_06-4"> (4)</span></sup></small></a> du ciel et de la terre.</p><p>Il est éternel<a href="#ancrage_06-5"><small><sup><span id="lien_06-5"> (5)</span></sup></small></a> et semble<a href="#ancrage_06-6"><small><sup><span id="lien_06-6"> (6)</span></sup></small></a> exister (matériellement). Si l’on en fait usage<a href="#ancrage_06-7"><small><sup><span id="lien_06-7"> (7)</span></sup></small></a>, on n’éprouve aucune fatigue. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_06-1"><span id="ancrage_06-1">(1)</span></a> L’expression <i>kou-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">谷神</span> « l’Esprit de la vallée, » désigne le Tao. G : Le mot <i>kou</i>, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">谷</span> « vallée, » se prend ici dans un sens figuré. <i>Sou-tseu-yeou</i> : Une vallée est vide et cependant elle a un corps, c’est-à-dire elle existe matériellement. Mais l’<i>Esprit de la vallée</i> est vide et immatériel (litt. et sans corps). Ce qui est vide et immatériel n’a point reçu la vie ; comment pourrait-il mourir ?L’expression <i>kou-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">谷神</span>, « l’Esprit de la vallée, » est destinée à exprimer sa vertu (la vertu du Tao). Voyez note 7, ligne 7.</p><p>L’expression <i>hiouen-p’in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄牝</span>, « la femelle mystérieuse, » sert à exprimer ses mérites. Cette <i>femelle</i> produit tous les êtres. On l’appelle <i>hiouen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄</span>, « mystérieuse, » pour dire que si l’on voit naître les êtres, on ne voit pas ce qui les fait naître. Le mot <i>hiouen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄</span>a le sens de « obscur, profond, impénétrable. » E : Tous les êtres ont reçu la vie, et, en conséquence, ils sont sujets à la mort. L’Esprit de la vallée n’est point né, c’est pourquoi il ne meurt pas. </p><br><p><a href="#lien_06-2"><span id="ancrage_06-2">(2)</span></a> E : Le mot <i>pin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">牝</span> « femelle » veut dire que le Tao est la <i>mère</i> de l’univers. </p><br><p><a href="#lien_06-3"><span id="ancrage_06-3">(3)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Cette expression veut dire que toutes les créatures sont sorties du Tao. </p><br><p><a href="#lien_06-4"><span id="ancrage_06-4">(4)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Cette expression veut dire que le ciel et la terre sont nés du Tao. </p><br><p><a href="#lien_06-5"><span id="ancrage_06-5">(5)</span></a> B : L’expression <i>mien-mien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">綿綿</span> veut dire « se continuer sans interruption. »</p><br><p><a href="#lien_06-6"><span id="ancrage_06-6">(6)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Il existe et ne peut être aperçu. <i>Wang-fou-sse : </i>Direz-vous qu’il existe (matériellement) ? Mais vous n’apercevez pas son corps. Direz-vous qu’il n’existe pas ? Mais tous les êtres sont nés de lui. C’est pour cela que <i>Lao-tseu</i> dit : Il <i>semble</i> exister. </p><br><p><a href="#lien_06-7"><span id="ancrage_06-7">(7)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Si l’homme peut imiter le Tao, quand il en ferait usage tout le jour, il ne se fatiguerait jamais. </p><p><i>Lia-kié-fou : </i>Si nous en faisons usage, et si nous le conservons,nous n’éprouverons jamais aucune fatigue. B : Cette phrase signifie qu’il faut rendre son cœur vide (c’est-à-dire le dépouiller de tout désir, de toute affection sensuelle) et pratiquer le <i>non-agir</i>. </p><p><i>Thou-thao-kien : </i>Le philosophe <i>Lié-tseu</i> donne aussi ce chapitre. Il ne dit point qu’il l’ait tiré de <i>Lao-tseu</i> et l’attribue à l’empereur <i>Hoang-ti</i>. On sait que <i>Lao-tseu</i> cite beaucoup de passages des livres appelés <i>Fen-tien</i>. C’est ce qu’on reconnaît toutes les fois qu’il dit : « C’est pourquoi le saint homme. » Par là il rappelle des axiomes ou des actions appartenant à des hommes saints de la haute antiquité.</p><p>C’est aussi ce qu’a fait Confucius en rapportant des actions ou des paroles dont il n’était pas l’auteur. </p><br>
<b>CHAPITRE VII</b><br><br><p>Le ciel et la terre ont une durée éternelle<a href="#ancrage_07-1"><small><sup><span id="lien_07-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>S’ils peuvent avoir une durée éternelle, c’est parce qu’ils ne vivent pas pour eux seuls. C’est pourquoi ils peuvent avoir une durée éternelle.</p><p>De là vient que le saint homme se met après les autres,et il devient le premier<a href="#ancrage_07-2"><small><sup><span id="lien_07-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Il se dégage de son corps, et son corps se conserve.</p><p>N’est-ce pas parce qu’il n’a point d’intérêts privés ?</p><p>C’est pourquoi il peut réussir dans ses intérêts privés<a href="#ancrage_07-3"><small><sup><span id="lien_07-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_07-1"><span id="ancrage_07-1">(1)</span></a> <i>Ho-chang-kong</i> explique l’expression <i>tch’ang-khieou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長久</span>par « vivre éternellement. » H : L’expression <i>tseu-sing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自生</span>veut dire littéralement « s’approprier sa vie, » <i>tseu-sse-khi-sing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自私其生</span> « ne vivre que pour soi. » E : Le Tao n’a point d’égoïsme. Si celui qui pratique le Tao estimait la vie et voulait en jouir pour lui seul, il ne se conformerait pas au Tao et ne pourrait <i>nourrir sa vie</i> (vivre longtemps). La meilleure voie pour nourrir sa vie, c’est de ne pas vivre pour soi seul. Celui qui ne tient pas à sa vie pratique le <i>non-agir ; </i>si vous pratiquez le <i>non-agir</i>, vos esprits se fixeront en vous et vous pourrez vivre longtemps. Celui qui tient à la vie, qui vit pour lui seul, <i>se livre à l’action</i>. Si vous <i>vous livrez à l’action</i>, vos esprits s’abandonneront à des mouvements désordonnés et ne se reposeront jamais ; par là vous détruirez vous même votre vie. Le saint homme contemple la voie du ciel et de la terre qui ne vivent point pour eux seuls (mais pour tous les êtres), et il reconnaît que quiconque cherche à vivre nuit à sa propre vie. C’est pourquoi il se met après les autres ; il se dégage de son corps, de son individualité, pour imiter le ciel et la terre qui ne vivent point pour eux seuls, et alors il occupe le premier rang et se conserve longtemps. </p><p>B : Pourquoi l’homme ne peut-il subsister éternellement comme le ciel et la terre ? C’est parce qu’il se laisse aveugler par ce qu’il voit et ce qu’il entend, parce qu’il se laisse séduire par ses sensations et ses perceptions. Son corps, qui n’est qu’une chose illusoire,l’enchaîne comme des ceps de fer ; il recherche avec trop d’ardeur les moyens de vivre, et ne sait pas étouffer les passions désordonnées ni les appétits sensuels. De là vient que le saint homme déracine et expulse les illusions du siècle ; il s’abaisse pour nourrir sa volonté, et il oublie son corps pour conserver sa pureté. Tous les hommes aiment à s’élever ; lui seul aime à s’humilier et à s’abaisser. Ils aiment à se faire grands ; lui seul cherche à paraître mou et faible. Ils disputent tous le premier rang ; il se retire comme par pusillanimité. Il se met lui-même après les autres et les place avant lui. C’est pourquoi les hommes l’honorent et le placent au premier rang. </p><p>Les hommes recherchent avidement les affaires ; lui seul il diminue ses désirs. Ils estiment leur personne ; lui seul oublie son corps. Ils désirent la vie ; lui seul apprend à mourir. Il ne fait aucun cas de la vie ; c’est pourquoi la mort ne peut l’atteindre. </p><br><p><a href="#lien_07-2"><span id="ancrage_07-2">(2)</span></a> B : L’expression « placer sa personne après les autres » veut dire « se courber, s’humilier devant eux. » L’expression <i>waï-khi-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">外其身</span>, litt. mettre sa personne en dehors <i>de soi</i>, veut dire « oublier son corps (C : oublier <i>le moi</i>). » Il s’incline devant les autres et ne prend point le premier rang ; c’est pourquoi les autres lui rendent la place qu’il mérite, et il occupe le premier rang. Il oublie son corps et le regarde comme s’il lui était étranger ; c’est pourquoi il peut se conserver longtemps. </p><br><p><a href="#lien_07-3"><span id="ancrage_07-3">(3)</span></a> C : Il se dépouille de tout intérêt privé et rougirait d’être seul un saint homme. Mais cette humilité même fait voir qu’il est un saint homme ; c’est par là que, sans le vouloir, il peut voir <i>réussir ses intérêts privés</i>. E : Le saint homme n’a point d’égoïsme ; il n’a nul désir de réussir dans ses intérêts privés ; c’est pour cela qu’il y réussit. S’il avait ce désir, il aurait de l’égoïsme. Jamais on n’a vu personne qui, ayant de l’égoïsme, ait pu réussir dans ses intérêts privés. </p><p>Les mots <i>tch’ing-khi-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">成其私</span>, « réussir dans ses intérêts privés, » sont l’explication des mots : <i>il devient le premier, il se conserve longtemps</i>. </p><br>
<b>CHAPITRE VIII</b><br><br><p>L’homme d’une vertu supérieure est comme l’eau<a href="#ancrage_08-1"><small><sup><span id="lien_08-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>L’eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point.</p><p>Elle habite les lieux que déteste la foule<a href="#ancrage_08-2"><small><sup><span id="lien_08-2"> (2)</span></sup></small></a>. </p><p>C’est pourquoi (le sage) approche du Tao<a href="#ancrage_08-3"><small><sup><span id="lien_08-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Il<a href="#ancrage_08-4"><small><sup><span id="lien_08-4"> (4)</span></sup></small></a> se plaît dans la situation la plus humble. </p><p>Son cœur aime à être profond comme un abîme<a href="#ancrage_08-5"><small><sup><span id="lien_08-5"> (5)</span></sup></small></a>. S’il fait des largesses, il excelle à montrer de l’humanité<a href="#ancrage_08-6"><small><sup><span id="lien_08-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>S’il parle, il excelle à pratiquer la vérité<a href="#ancrage_08-7"><small><sup><span id="lien_08-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><p>S’il gouverne<a href="#ancrage_08-8"><small><sup><span id="lien_08-8"> (8)</span></sup></small></a>, il excelle à procurer la paix. </p><p>S’il agit<a href="#ancrage_08-9"><small><sup><span id="lien_08-9"> (9)</span></sup></small></a>, il excelle à montrer de la capacité. </p><p>S’il se meut<a href="#ancrage_08-10"><small><sup><span id="lien_08-10"> (10)</span></sup></small></a>, il excelle à se conformer aux temps. </p><p>Il ne lutte contre personne ; c’est pourquoi il ne reçoit aucune marque de blâme<a href="#ancrage_08-11"><small><sup><span id="lien_08-11">  (11)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_08-1"><span id="ancrage_08-1">(1)</span></a> B : Telle est la nature de l’eau. Elle est molle et faible ; elle se rend dans les lieux vides et fuit les lieux pleins ; elle remplit les vallées et coule ensuite jusqu’à la mer. Elle ne s’arrête ni le jour ni la nuit. Si elle circule en haut, elle forme la pluie et la rosée ;si elle coule en bas, elle forme les rivières et les fleuves. Les plantes ont besoin d’elle pour vivre, <i>sordidœ res ut mundœ fiant.</i> C’est ainsi que l’eau <i>excelle</i> (<i>chen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">善</span>) à faire du bien, à se rendre utile à tous les êtres. Si on lui oppose une digue, elle s’arrête ; si on lui ouvre un passage, elle coule. Elle se prête à remplir un vase circulaire ou un vase carré, etc. Voilà pourquoi l’on dit qu’elle ne lutte point. </p><p>Le mot <i>chen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">善</span> (<i>vulgo</i> bon) a ici le sens de <i>bonus</i> dans <i>bonus dicere versus</i> « habile à réciter des vers » de Virgile (<i>Egl.</i> v, 1). Il est parfaitement expliqué par le commentateur <i>Te-thsing : chouî-tchi-miaotsaî-li-wan-we</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">木之妙在利萬物</span> « l’<i>excellence</i> de l’eau consiste en ce qu’elle est utile à tous les êtres. »</p><br><p><a href="#lien_08-2"><span id="ancrage_08-2">(2)</span></a> B : Les hommes aiment la gloire et abhorrent le déshonneur ;ils aiment l’élévation et détestent l’abaissement. Mais l’eau se précipite vers les lieux bas et se plaît à y habiter ; elle se trouve à son aise dans les lieux que la foule déteste. </p><br><p><a href="#lien_08-3"><span id="ancrage_08-3">(3)</span></a> E : On peut dire que celui qui est comme l’eau (c’est-à-dire l’homme d’une vertu supérieure) approche presque du Tao.</p><p>B : Si l’homme peut l’imiter (imiter l’eau), il pourra entrer dans le Tao. </p><p>Plusieurs commentateurs (<i>Sou-tseu-yeou, Liu-kie-fou</i>) me paraissent avoir commis une erreur grave en rapportant à l’eau ce passage et tous les suivants. J’ai suivi F, H, G et <i>Hong-fou</i>. </p><br><p><a href="#lien_08-4"><span id="ancrage_08-4">(4)</span></a> E : Il fuit l’élévation et aime l’abaissement. Le mot <i>chen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">善</span> (vulg. <i>bonus</i>) signifie ici « aimer, être content de » (<i>sic</i> A <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">喜</span> <i>hi</i>, lætatur). Littéralement, « pour habitation, il aime la terre. » </p><br><p><a href="#lien_08-5"><span id="ancrage_08-5">(5)</span></a> E : Il cache les replis les plus déliés de son cœur ; il est tellement profond qu’on ne pourrait le sonder. C : Il est vide, pur, tranquille et silencieux. </p><br><p><a href="#lien_08-6"><span id="ancrage_08-6">(6)</span></a> E : Lorsqu’il répand ses bienfaits, il montre de la tendresse à tous les hommes et n’a d’affection particulière pour personne. </p><br><p><a href="#lien_08-7"><span id="ancrage_08-7">(7)</span></a> Littér. La fidélité dans les paroles. E : Ses paroles se réalisent et ne sont jamais en défaut. </p><br><p><a href="#lien_08-8"><span id="ancrage_08-8">(8)</span></a> S’il gouverne un royaume, les hommes deviennent purs, tranquilles, et se rectifient d’eux-mêmes. </p><br><p><a href="#lien_08-9"><span id="ancrage_08-9">(9)</span></a> E : Quand il rencontre une affaire , il s’y prête et s’en acquitte d’une manière convenable, sans faire acception de personne. </p><br><p><a href="#lien_08-10"><span id="ancrage_08-10">(10)</span></a> E : Soit qu’il faille s’avancer (pour obtenir un emploi) ou se retirer (d’une charge), conserver sa vie ou la sacrifier, il se conforme à la voie du ciel. </p><br><p><a href="#lien_08-11"><span id="ancrage_08-11">(11)</span></a> E : Telle est en général la cause des luttes entre les hommes ; ils s’estiment sages et cherchent à l’emporter sur les autres. Si quelqu’un veut l’emporter sur (littér. « vaincre ») les autres, ceux-ci voudront aussi l’emporter sur lui. Pourra-t-il ne pas être blâmé par les autres hommes ? Mais lorsqu’un homme ne songe qu’à être humble et soumis et ne lutte contre personne, la multitude aime à le servir et ne se lasse pas de l’avoir pour roi. Voilà pourquoi il n’est point blâmé. </p><br>
<b>CHAPITRE IX</b><br><br><p>Il vaut mieux ne pas remplir<a href="#ancrage_09-1"><small><sup><span id="lien_09-1"> (1)</span></sup></small></a> un vase que de vouloir le maintenir (lorsqu’il est plein).</p><p>Si l’on aiguise<a href="#ancrage_09-2"><small><sup><span id="lien_09-2"> (2)</span></sup></small></a> une lame, bien qu’on l’explore avec la main, on ne pourra la conserver constamment (tranchante). </p><p>Si une salle est remplie d’or et de pierres précieuses,personne ne pourra<a href="#ancrage_09-3"><small><sup><span id="lien_09-3"> (3)</span></sup></small></a> les garder. </p><p>Si l’on est comblé d’honneurs et qu’on s’enorgueillisse,on s’attirera des malheurs<a href="#ancrage_09-4"><small><sup><span id="lien_09-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Lorsqu’on a fait de grandes choses et obtenu de la réputation<a href="#ancrage_09-5"><small><sup><span id="lien_09-5"> (5)</span></sup></small></a>, il faut se retirer à l’écart. </p><p>Telle est la voie du ciel<a href="#ancrage_09-6"><small><sup><span id="lien_09-6"> (6)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_09-1"><span id="ancrage_09-1">(1)</span></a> Littér. « tenir des deux côtés et remplir cela : il vaut mieux « s’abstenir ; » c’est-à-dire, il vaut mieux ne pas remplir un vase que de vouloir le tenir à deux mains lorsqu’il est plein. Cette construction est recommandée par G, qui ajoute que les anciens livres offrent un grand nombre de ces pbrases où l’ordre des mots est renversé. Ibidem : Il s’agit ici de l’action de tenir à droite et à gauche un vase plein, de peur qu’il ne déborde. </p><p><i>Sou-tseu-yeou. : </i>Si l’on sait qu’un vase plein jusqu’au haut ne manque pas de déborder et qu’on tâche de le maintenir en le tenant de chaque côté, le plus sûr parti était de ne pas le remplir.</p><p>B : Tout ce chapitre doit se prendre au figuré. H : <i>Lao-tseu</i> veut montrer le danger auquel on s’expose en s’avança nt toujours sans savoir s’arrêter. Pour (E) faire mieux ressortir cette vérité, il se sert de comparaisons tirées d’objets faciles à apercevoir.</p><br><p><a href="#lien_09-2"><span id="ancrage_09-2">(2)</span></a> Littér. « tâter avec la main et aiguiser cela. » Il faut renverser l’ordre des mots (G), comme dans la phrase précédente, et traduire littéralement : « aiguiser et tâter cela, » c’est-à-dire, tâter une lame avec le doigt après l’avoir aiguisée. </p><p>G : Le mot <i>tchoaî</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">惴</span> veut dire « tâter la lame avec la main,pour régler la finesse du tranchant de peur qu’il ne s’émousse. </p><p><i>Lieou-sse-youen : </i>Lorsqu’on aiguise une arme, elle ne manque jamais de s’émousser. Il vaut mieux (dit <i>Sou-tseu-yeou</i>) ne pas se fier à la précaution qu’on prend de tâter le tranchant avec le doigt ;il vaut mieux (dit <i>Liu-kie-fou</i>) ne point aiguiser cette arme. E : Si vous augmentez toujours la finesse du tranchant, la lame (deviendra trop mince et) se brisera promptement.</p><p>Le commentateur B entend autrement les mots <i>tch’ang-pao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長保</span> « conserver constamment, ou longtemps. » Selon lui, ce passage signifierait que, quand on prendrait la précaution de tâter avec la main une lame qu’on aiguise, on ne pourrait se préserver constamment des coupures et des blessures quelle peut faire ; il vaut mieux être attentif à ne pas s’en servir. Alors, dit-il, on ne sera point exposé à un tel danger. </p><p><a href="#lien_09-3"><span id="ancrage_09-3">(3)</span></a> B : Il viendra un temps où elle s’épuisera. Est-il possible de garder constamment de telles richesses et de ne pas les perdre ?</p><br><p><a href="#lien_09-4"><span id="ancrage_09-4">(4)</span></a> E : L’auteur veut dire qu’il ne pourra conserver ses richesses et ses honneurs. Je suis le commentateur B, qui explique <i>tseu-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自遺</span> par <i>tseu-thsiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自取</span> « s’attirer quelque chose. »</p><br><p><a href="#lien_09-5"><span id="ancrage_09-5">(5)</span></a> B : Lorsqu’un héros a fait de grands exploits et obtenu de la réputation, il faut qu’il sache que la vie est comme l’illusion d’un songe, que les richesses et les honneurs sont comme les nuages qui flottent dans l’air. Il doit, quand le temps est venu, trancher les liens d’affection qui l’attachent, s’échapper de sa prison terrestre,et s’élancer au delà des créatures, pour s’identifier avec le Tao. </p><br><p><a href="#lien_09-6"><span id="ancrage_09-6">(6)</span></a> A : Toutes les choses décroissent et dépérissent lorsqu’elles sont arrivées à leur apogée. La joie extrême dégénère en douleur,et l’on tombe souvent du comble de l’illustration dans la disgrâce et le déshonneur, <i>Ibid</i>. Quand le soleil est arrivé au plus haut de sa course, il s’abaisse vers le couchant ; quand la lune est pleine, elle décroît. </p><br>
<b>CHAPITRE X</b><br><br><p>L’âme spirituelle<a href="#ancrage_10-1"><small><sup><span id="lien_10-1"> (1)</span></sup></small></a> doit commander à l’âme sensitive.</p><p>Si l’homme conserve l’unité<a href="#ancrage_10-2"><small><sup><span id="lien_10-2"> (2)</span></sup></small></a>, elles pourront rester indissolubles.</p><p>S’il dompte sa force vitale<a href="#ancrage_10-3"><small><sup><span id="lien_10-3"> (3)</span></sup></small></a> et la rend extrêmement souple, il pourra être comme un nouveau-né<a href="#ancrage_10-4"><small><sup><span id="lien_10-4"> (4)</span></sup></small></a>. </p><p>S’il se délivre des lumières de l’intelligence<a href="#ancrage_10-5"><small><sup><span id="lien_10-5"> (5)</span></sup></small></a> il pourra être exempt de toute infirmité (morale).</p><p>S’il chérit le peuple et procure la paix au royaume, il pourra pratiquer le <i>non-agir</i>.</p><p>S’il laisse les portes du ciel s’ouvrir et se fermer<a href="#ancrage_10-6"><small><sup><span id="lien_10-6"> (6)</span></sup></small></a>, il pourra être comme la femelle (c’est-à-dire rester en repos). </p><p>Si ses lumières pénètrent en tous lieux, il pourra paraître ignorant<a href="#ancrage_10-7"><small><sup><span id="lien_10-7">  (7)</span></sup></small></a>. </p><p>Il produit les êtres<a href="#ancrage_10-8"><small><sup><span id="lien_10-8">  (8)</span></sup></small></a> et les nourrit.</p><p>Il les produit et ne les regarde pas comme sa propriété.</p><p>Il leur fait du bien et ne compte pas<a href="#ancrage_10-9"><small><sup><span id="lien_10-9">  (9)</span></sup></small></a> sur eux.</p><p>Il règne sur eux<a href="#ancrage_10-10"><small><sup><span id="lien_10-10">  (10)</span></sup></small></a> et ne les traite pas en maître<a href="#ancrage_10-11"><small><sup><span id="lien_10-11">  (11)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est ce qu’on appelle posséder une vertu profonde.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_10-1"><span id="ancrage_10-1">(1)</span></a> Ce passage a beaucoup embarrassé les commentateurs de <i>Lao-tseu</i>. La plupart remplacent le mot <i>ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">營</span> (<i>vulgo</i> camp) par le mot <i>hoen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">魂</span> (Basile, 12750), « âme spirituelle, » qu’ils placent avant <i>tsaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載</span>.<i>Sou-tseu-yeou</i> : Le naturel du saint homme est calme et reposé, la partie spirituelle de son être est invariablement fixée,elle n’est point entraînée ni pervertie par les objets matériels. Quoiqu’elle ait pris le principe animal pour sa demeure (un autre auteur dit : pour sa coquille, c’est-à-dire son enveloppe), cependant le principe animal, l’âme animale, lui obéit dans tout ce qu’elle veut faire. Alors on peut dire que le principe spirituel <i>transporte</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載</span>le principe animal (c’est-à-dire le mène, lui commande). Les hommes de la multitude soumettent leur nature aux objets extérieurs,leur esprit se trouble, et alors l’âme spirituelle obéit à l’âme animale. <i>Lao-tseu</i> apprend aux hommes à conserver leur esprit, à conserver l’âme sensitive, à faire en sorte que ces deux principes ne se séparent pas. E rend <i>tsaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載</span> par « recevoir » (fol. 13 r°),et les mots <i>ing-pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">營魄</span> par « âme intelligente » (fol. 13 v°, l. 7) ;ce qui permettrait de traduire « (l’homme) a reçu une âme intelligente. » Le même interprète ajoute, pour expliquer les cinq mots suivants : « S’il emploie sa volonté sans la partager (entre les choses du monde), son esprit se conservera constamment. » Plus bas,fol. 15 v°, l. 3, il revient au sens plus généralement reçu et conseille la leçon rapportée plus haut <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">魂營魄</span> (voy. p. 34. lig. 19),au lieu de <i>tsaï-ing-pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載營魄</span>. Seulement il rend le mot <i>tsaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載</span> d’une manière différente, savoir, par « être porté sur, » ou « être « porté par, » (<i>Ibid.</i> fol. 15 r°, lig. 9) : Les sages qui cultivent le Tao font en sorte que l’âme spirituelle (<i>hoen</i>) soit constamment unie,attachée à l’âme animale, de même que l’éclat du soleil est <i>porté sur</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">載</span> le corps opaque de la lune (<i>Pi-ching : </i>comme l’homme est porté sur un char, comme un bateau est porté par l’eau). Il fait en sorte que l'âme animale retienne constamment l’âme spirituelle, de même que le corps opaque de la lune reçoit la lumière du soleil. Alors le principe spirituel ne s’échappe pas au dehors et l’âme animale ne meurt pas. </p><br><p><a href="#lien_10-2"><span id="ancrage_10-2">(2)</span></a> B : L’expression <i>pao-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">抱一</span>, « conserver l’unité, veut dire faire en sorte que notre volonté soit essentiellement une (c’est-à-dire non partagée entre les choses du monde), afin de procurer la quiétude à notre cœur. Alors, dit <i>Hong-fou</i>, l’âme spirituelle et l’âme animale ne se sépareront pas l’une de l’autre.</p><p>F explique les mots <i>pao-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">抱一</span> par « conserver le Tao qui est la véritable <i>unité</i>. »</p><br><p><a href="#lien_10-3"><span id="ancrage_10-3">(3)</span></a> H : Le mot <i>tchouen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">専</span> veut dire ici <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">制</span>, « dompter,subjuguer. » Si la force vitale avait toute son énergie, toute sa violence, elle l’entraînerait dans le désordre.</p><br><p><a href="#lien_10-4"><span id="ancrage_10-4">(4)</span></a> B : L’enfant nouveau-né n’ayant encore aucune connaissance (D : aucun désir), sa force vitale est extrêmement souple, son cœur n’a rien de déréglé, et la partie spirituelle de son être se conserve dans toute son intégrité. </p><br><p><a href="#lien_10-5"><span id="ancrage_10-5">(5)</span></a> <i>Pi-ching</i> rend <i>hiouen-lan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄貲</span> par « vue, intuition des choses merveilleuses. » Si un grain de poudre d’or entre dans l’œil,il pourra gêner la vision. L’intelligence est un obstacle, la perspicacité est un lien ; c’est pourquoi il faut les extirper et s’en délivrer. Alors (H) on arrivera à la hauteur sublime du Tao. Cette interprétation se retrouve dans plusieurs autres commentaires estimés. Suivant quelques commentateurs, l’auteur parle ici des fausses lumières de l’esprit, qui entraînent l’homme dans l’erreur et le désordre. Il faut les expulser de notre âme , de peur qu’elles ne deviennent une cause de maladie morale, capable de détruire la pureté de notre nature. D’autres interprètes, comme <i>Pi-ching</i>, cité plus haut, H et B, prennent le mot <i>lumières</i> en bonne part, et pensent que <i>Lao-tseu</i> conseille de les expulser, afin que l'âme soit entièrement vide. </p><br><p><a href="#lien_10-6"><span id="ancrage_10-6">(6)</span></a> E : Les portes du ciel tantôt s’ouvrent, tantôt se ferment. Lao-tseu veut dire que, « lorsqu’il faut s’arrêter, il s’arrête ; lorsqu’il faut marcher (agir), il marche. » Le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">雌</span> « femelle, » indique le repos ; il répond au mot <i>he</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">闔</span> « se fermer. »</p><p><i>Ibid</i>. Telle est la voie du saint homme. Quoiqu’on dise que tantôt il se meut, tantôt il reste en repos, cependant il doit prendre la quiétude absolue pour la base de sa conduite. Lorsque le saint homme dirige l’administration du royaume, il n’y a rien qu’il ne voie à l’aide de sa pénétration profonde. Cependant il se conforme constamment aux sentiments et aux besoins de toutes les créatures. Il fait en sorte que les sages et les hommes bornés se montrent d’eux-mêmes, que le vrai et le faux se manifestent spontanément ; et alors il ne se fatigue pas à exercer sa prudence. Les empereurs <i>Yu</i> et <i>Chun</i> suivaient précisément cette voie lorsqu’ils régnaient sur l’empire et le regardaient comme s’il leur eût été absolument étranger.</p><br><p><a href="#lien_10-7"><span id="ancrage_10-7">(7)</span></a> Il n’y a que le saint homme qui puisse paraître ignorant et borné, lorsqu’il est arrivé au comble des lumières et du savoir. C’est ainsi qu’il conserve ses lumières, de même qu’un homme opulent conserve ses richesses en se faisant passer pour pauvre.</p><br><p><a href="#lien_10-8"><span id="ancrage_10-8">(8)</span></a> Il est difficile de dire quel est le sujet de ces huit verbes <i>sing-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">生之</span>, etc. Suivant A, c’est le Tao, suivant B, c’est le saint homme (cf. ch. II) ; C, H croient qu’il faut les rapporter au ciel et à la terre. <i>Pi-ching</i> développe ainsi la pensée de B : Le saint homme produit les êtres comme s’il était leur père et leur mère ;il les nourrit comme s’ils étaient ses fils et ses neveux, etc. Tout cela n’est possible qu’à l’homme qui s’est identifié avec la Vertu profonde, c’est-à-dire, avec le Tao, ou qui possède une vertu profonde comme celle du Tao. </p><p>E : On commentateur pense que ces six membres de phrase se rapportent uniquement à celui qui gouverne le royaume. </p><br><p><a href="#lien_10-9"><span id="ancrage_10-9">(9)</span></a> A : Il n’attend d’eux aucune récompense. </p><br><p><a href="#lien_10-10"><span id="ancrage_10-10">(10)</span></a> B explique le mot <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長</span> par « être placé au dessus des peuples. » D’autres interprètes (A, C) le rendent par <i>yang</i> ; <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">養</span>« nourrir. »</p><br><p><a href="#lien_10-11"><span id="ancrage_10-11">(11)</span></a> <i>Li-si-tchaï : Wou-tsea-i-weï-tchou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無自以為主</span>, « Il ne se regarde pas comme leur maître. » </p><br>
<b>CHAPITRE XI</b><br><br><p>Trente rais<a href="#ancrage_11-1"><small><sup><span id="lien_11-1">  (1)</span></sup></small></a> se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char.</p><p>On pétrit de la terre glaise pour faire des vases<a href="#ancrage_11-2"><small><sup><span id="lien_11-2">  (2)</span></sup></small></a>. C’est de son vide que dépend l’usage des vases.</p><p>On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison<a href="#ancrage_11-3"><small><sup><span id="lien_11-3">  (3)</span></sup></small></a>. C’est de leur vide que dépend l’usage de la maison. C’est pourquoi l’utilité vient de l’être<a href="#ancrage_11-4"><small><sup><span id="lien_11-4">  (4)</span></sup></small></a>, l’usage naît du non-être. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_11-1"><span id="ancrage_11-1">(1)</span></a> A : Dans l’antiquité, chaque roue de char se composait de trente rais ; cette disposition rappelait (littér. « imitait » ) les jours de la lune. Le moyeu (B) étant creux, il reçoit l’essieu qui fait mouvoir les roues à l’aide desquelles le char roule sur la terre. Si le char (E) n’était pas pourvu d’un moyeu creux qui permet à l’essieu de tourner, il ne pourrait rouler sur la terre.</p><br><p><a href="#lien_11-2"><span id="ancrage_11-2">(2)</span></a> E : Si les vases n’avaient pas une cavité intérieure, ils ne pourraient rien contenir. </p><br><p><a href="#lien_11-3"><span id="ancrage_11-3">(3)</span></a> E : Si une maison n’avait pas le vide des portes et des fenêtres qui permettent de sortir et d’entrer, et de laisser pénétrer la lumière du jour, on ne pourrait l’habiter. </p><br><p><a href="#lien_11-4"><span id="ancrage_11-4">(4)</span></a> E : L’utilité des chars, des vases, des maisons, naît, pour tous les hommes de l’empire, de leur existence ou de leur possession. L’usage du char dépend du mouvement de l’essieu (dans la cavité du moyeu) ; l’usage des vases dépend de leur aptitude à contenir ;l’usage d’une maison dépend de sa propriété à laisser entrer et sortir les hommes et pénétrer la lumière. Ces différents usages dépendent eux-mêmes du <i>vide</i> (c’est-à-dire des parties creuses du moyeu, des vases et des maisons). C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit :C’est du <i>vide</i> que dépend l’usage. Je remarque, ajoute le commentateur E, que, quoiqu’il cite plusieurs fois dans ce chapitre l’être et le non-être (l’existence de ces objets et leur <i>vide</i>), si l’on recherche quel est son but, on reconnaîtra qu’il part de l’être (de ce qui existe) pour montrer d’une manière éclatante combien le non-être (le vide) est digne d’estime. Or personne n’ignore que l’<i>être</i> (ce qui existe) est utile, et que l’usage dépend du <i>non-être</i> (du vide). Mais tous les hommes négligent cette vérité et ne se donnent pas la peine de l’apercevoir. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> emploie diverses métaphores pour la mettre dans tout son jour. </p><br>
<b>CHAPITRE XII</b><br><br><p>Les cinq couleurs<a href="#ancrage_12-1"><small><sup><span id="lien_12-1"> (1)</span></sup></small></a> émoussent la vue de l’homme<a href="#ancrage_12-2"><small><sup><span id="lien_12-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Les cinq<a href="#ancrage_12-3"><small><sup><span id="lien_12-3"> (3)</span></sup></small></a> notes (de musique) émoussent l’ouïe de l’homme<a href="#ancrage_12-4"><small><sup><span id="lien_12-4"> (4)</span></sup></small></a>. </p><p>Les cinq saveurs<a href="#ancrage_12-5"><small><sup><span id="lien_12-5"> (5)</span></sup></small></a> émoussent le goût de l’homme<a href="#ancrage_12-6"><small><sup><span id="lien_12-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Les courses violentes, l’exercice de la chasse égarent<a href="#ancrage_12-7"><small><sup><span id="lien_12-7"> (7)</span></sup></small></a> le cœur de l’homme.</p><p>Les biens d’une acquisition difficile poussent l’homme à des actes qui lui nuisent<a href="#ancrage_12-8"><small><sup><span id="lien_12-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>De là vient que le saint homme<a href="#ancrage_12-9"><small><sup><span id="lien_12-9"> (9)</span></sup></small></a> s’occupe de son intérieur et ne s’occupe pas de ses yeux<a href="#ancrage_12-10"><small><sup><span id="lien_12-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi il renonce à ceci et adopte cela. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_12-1"><span id="ancrage_12-1">(1)</span></a> C : Ce chapitre a pour but de montrer que l’homme doit se délivrer de la séduction des objets extérieurs, pour arriver à se perfectionner intérieurement. Suivant le <i>Phing-tseu-loui-pien</i>, liv. <span class="sc">xcvii</span>,lig. 1, les cinq couleurs sont : le bleu, le rouge, le jaune, le blanc et le noir. </p><br><p><a href="#lien_12-2"><span id="ancrage_12-2">(2)</span></a> Littér. « font que les yeux des hommes deviennent aveugles. »</p><br><p><a href="#lien_12-3"><span id="ancrage_12-3">(3)</span></a> G : Les cinq notes musicales <i>kong, chang, kio, tchi et tu</i>.</p><br><p><a href="#lien_12-4"><span id="ancrage_12-4">(4)</span></a> Littér. « font que les oreilles des hommes deviennent sourdes. »</p><br><p><a href="#lien_12-5"><span id="ancrage_12-5">(5)</span></a> C : Ce qui est doux, piquant, acide, salé, amer. </p><br><p><a href="#lien_12-6"><span id="ancrage_12-6">(6)</span></a> Littér. « font que la bouche des hommes se trompe. »</p><br><p><a href="#lien_12-7"><span id="ancrage_12-7">(7)</span></a> Littér. « font que le cœur de l’homme devient fou. »</p><br><p><a href="#lien_12-8"><span id="ancrage_12-8">(8)</span></a> Je suis <i>Ho-chang-kong</i>, qui explique le mot fang <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">妨</span> par « blesser, nuire. »</p><br><p><a href="#lien_12-9"><span id="ancrage_12-9">(9)</span></a> C : Il n’y a que le saint homme qui connaisse la mesure convenable,qui sache se suffire. Les mots <i>weï-fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">為腹</span> signifient « remplir son intérieur (littér. « son ventre » ), » c’est-à-dire, garder ses cinq natures, expulser ses six affections, modérer sa force vitale,et nourrir (E) ses esprits. </p><p><a href="#lien_12-10"><span id="ancrage_12-10">(10)</span></a> B : L’expression <i>po-weï-mou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不為目</span>, « il ne s’occupe pas de ses yeux, » veut dire qu’il ne cherche point à réjouir ses yeux par la vue des objets extérieurs, de peur de troubler son cœur. Il renonce aux choses qui n’ont qu’une surface riche et brillante,et il recherche uniquement les richesses intérieures du cœur, qui sont seules vraies et solides. </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE XIII</b><br><br><p>Le sage redoute la gloire<a href="#ancrage_13-1"><small><sup><span id="lien_13-1"> (1)</span></sup></small></a> comme l’ignominie ; son corps lui pèse comme une grande calamité<a href="#ancrage_13-2"><small><sup><span id="lien_13-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’entend-on par ces mots : <i>il redoute la gloire comme l'ignominie</i><a href="#ancrage_13-3"><small><sup><span id="lien_13-3"> (3)</span></sup></small></a> ? </p><p>La gloire est quelque chose de bas. Lorsqu’on l’a obtenue, on est comme rempli de crainte ; lorsqu’on l’a perdue,on est comme rempli de crainte. </p><p>C’est pourquoi l’on dit : <i>il redoute la gloire comme l’ignominie</i><a href="#ancrage_13-4"><small><sup><span id="lien_13-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’entend-on par ces mots : <i>son corps lui pèse comme une grande calamité ?</i></p><p>Si nous éprouvons de grandes calamités, c’est parce que nous avons un corps. </p><p>Quand nous n’avons plus de corps (quand nous nous sommes dégagés de notre corps), quelles calamités pourrions-nous éprouver ?</p><p>C’est pourquoi<a href="#ancrage_13-5"><small><sup><span id="lien_13-5"> (5)</span></sup></small></a>, lorsqu’un homme redoute de gouverner lui-même l’empire, on peut lui confier l’empire ;lorsqu’il a regret<a href="#ancrage_13-6"><small><sup><span id="lien_13-6"> (6)</span></sup></small></a> de gouverner l’empire, on peut lui remettre le soin de l’empire. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_13-1"><span id="ancrage_13-1">(1)</span></a> J’ai construit avec C : <i>king-tchong-jo-king-jo</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">驚寵若驚辱</span>.</p><br><p><a href="#lien_13-2"><span id="ancrage_13-2">(2)</span></a> C, G : Au lieu de <i>koueï-ta-hoan-jo-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴大患若身</span>il faut construire : <i>koueï-chin-jo-ta-hoan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴身若大貴</span>. </p><p>H : Ce chapitre montre les maux auxquels on s’expose en recherchant la gloire et le profit. <i>Lao-tseu</i> veut apprendre aux hommes à estimer le Tao et à s’oublier eux-mêmes, afin de se dégager des liens qui les enchaînent. </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Dans l’antiquité, les hommes éminents redoutaient la gloire autant que l’ignominie, parce qu’ils savaient que la gloire n’est que le précurseur de l’ignominie. Ils supportaient difficilement leur corps (le même commentateur explique plus bas le mot <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴</span>, <i>vulgo</i> noble, par <i>nan-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">難有</span>, <i>œgre ferebant</i>), comme on supporte difficilement une grande calamité, parce qu’ils savaient que notre corps est la source (littér. « la racine » ) des calamités. C’est pourquoi ils renonçaient à la gloire, et l’ignominie ne les atteignait pas ; ils oubliaient leur corps et les calamités n’arrivaient point jusqu’à eux. </p><p>H a entendu le mot <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴</span> dans le sens ordinaire « honneurs. »Suivant lui, ce mot désigne ici la dignité de roi ou de ministre :les hommes du siècle croient que les honneurs sont un sujet de joie ;ils ignorent que les honneurs sont <i>une grande calamité comme le </i>corps. Ibid.<i> L’auteur compare les honneurs au corps. Il pense que </i>le corps est la source de toutes les amertumes de la vie et la racine de tous les malheurs. </p><br><p><a href="#lien_13-3"><span id="ancrage_13-3">(3)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>La gloire et l’ignominie ne sont pas deux choses distinctes. L’ignominie naît (E : de la perte) de la gloire ; mais les hommes du siècle ne comprennent pas cette vérité, et ils regardent la gloire comme quelque chose d’élevé, l’ignominie comme quelque chose de bas. S’ils savaient que l’ignominie naît de la gloire (E : de la perte de la gloire), ils reconnaîtraient que la gloire est certainement quelque chose de b*s et de méprisable. </p><br><p><a href="#lien_13-4"><span id="ancrage_13-4">(4)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Il n’ose goûter la paix au milieu de sa gloire. </p><br><p><a href="#lien_13-5"><span id="ancrage_13-5">(5)</span></a> E : Si l’homme est lié et embarrassé par les richesses et les honneurs, cela vient de ce qu’il ne sait pas contenir les affections qui sont inhérentes à sa nature. Lorsqu’il est placé au-dessus des autres hommes, pourrait-il ne pas être troublé ?</p><p>Les phrases <i>koueï-i-chin-weï-thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴以身爲天下</span>,littér. « regarder comme une chose lourde l’action de gouverner l’empire,et <i>ngaï-i-chin-weï-thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">愛以身爲天下</span>, signifient :« dédaigner de gouverner l’empire par soi-même. » Conf. fol. 18 <i>v°</i>, lig. 4. D’après ce commentaire, <i>kouei</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴</span> (<i>vulgo</i> noble),a ici le sens de « lourd, pénible, » et verbalement, « regarder comme lourd, pénible. » <i>Pi-ching</i>, ibid. <i>pou-king</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不輕</span>, « ne pas regarder comme une chose légère le soin de gouverner l’empire. »</p><br><p><a href="#lien_13-6"><span id="ancrage_13-6">(6)</span></a> Littér. « avoir regret » (<i>sic</i> Pi-ching : Basile, <i>si ; </i>2922), c’est-à-dire ne point se soucier de gouverner l’empire.</p><p>E : L’homme parfait n’a besoin de nourriture que ce qui lui est nécessaire pour apaiser sa faim (il ne recherche point une abondance de mets exquis), il n’a besoin d’habits que pour couvrir son corps (il dédaigne le luxe des vêtements) ; le peu qu’il demande aux hommes pour sa nourriture lui suffit amplement. Les richesses de tout l’empire, les revenus de toutes les provinces sont sans utilité pour la vie, et ne sont bonnes au contraire qu’à attirer de grands malheurs. C’est pourquoi il regarde le gouvernement de l’empire comme un lourd fardeau. <i>Thseu-so-i-tchong-weï-thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">此所以重爲天下</span> « Si l’on confie l’empire à un tel homme, tous les peuples de l’empire seront comblés de ses bienfaits. » L’expression <i>weï-thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲天下</span> est expliquée dans A par « gouverner l’empire, être le maître de l’empire. » </p><p><i>Liu-kie-fou : </i>S’il a obtenu de la gloire et des honneurs, et qu’il n’y fasse pas plus d’attention que s’ils lui étaient étrangers, alors on pourra véritablement lui confier l’empire.</p><p><i>Ibid</i>. Notre corps est un embarras pour nous. Dès que nous nous en sommes dépouillés (c’est-à-dire, B : dès que nous ne nous occupons plus des choses qui flattent les sens et les passions), nous sommes exempts de tout embarras, et nous n’éprouvons plus aucune calamité. Lorsque <i>Chun</i> n’était encore qu’un homme du peuple,il devint l’ami (et le ministre) de l’empereur (<i>Yao</i>) ; et cependant il était aussi indifférent à cette gloire que s’il l’eût possédée depuis sa naissance. Il fut élevé ensuite au sublime rang d’empereur : on pouvait dire qu’il était comblé d’honneurs, et cependant il y faisait aussi peu d’attention que s’ils lui eussent été étrangers. </p><br>
<b>CHAPITRE XIV</b><br><br><p>Vous le regardez (le Tao) et vous ne le voyez pas : on le dit <i>incolore</i><a href="#ancrage_14-1"><small><sup><span id="lien_14-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Vous l’écoutez et vous ne l’entendez pas : on le dit <i>aphone</i>. </p><p>Vous voulez le toucher et vous ne l’atteignez pas : on le dit <i>incorporel</i>. </p><p>Ces trois qualités<a href="#ancrage_14-2"><small><sup><span id="lien_14-2"> (2)</span></sup></small></a> ne peuvent être scrutées à l’aide de la parole. C’est pourquoi on les confond en une seule<a href="#ancrage_14-3"><small><sup><span id="lien_14-3"> (3)</span></sup></small></a>. Sa partie supérieure<a href="#ancrage_14-4"><small><sup><span id="lien_14-4"> (4)</span></sup></small></a> n’est point éclairée ; sa partie inférieure n’est point obscure. </p><p>Il est éternel<a href="#ancrage_14-5"><small><sup><span id="lien_14-5"> (5)</span></sup></small></a> et ne peut être nommé<a href="#ancrage_14-6"><small><sup><span id="lien_14-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Il rentre dans le <i>non-être</i>. </p><p>On l’appelle une forme sans forme, une image sans image<a href="#ancrage_14-7"><small><sup><span id="lien_14-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><p>On l’appelle vague, indéterminé<a href="#ancrage_14-8"><small><sup><span id="lien_14-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>Si vous allez au-devant de lui, vous ne voyez point sa face ; si vous le suivez, vous ne voyez point son dos<a href="#ancrage_14-9"><small><sup><span id="lien_14-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est en observant le Tao des temps anciens qu’on peut gouverner les existences d’aujourd’hui<a href="#ancrage_14-10"><small><sup><span id="lien_14-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>Si l’homme peut connaître l’origine des choses anciennes<a href="#ancrage_14-11"><small><sup><span id="lien_14-11"> (11)</span></sup></small></a>, on dit qu’il tient le fil du Tao<a href="#ancrage_14-12"><small><sup><span id="lien_14-12"> (12)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_14-1"><span id="ancrage_14-1">(1)</span></a> <i>Ho-chang-kong : </i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">夷</span> veut dire « sans couleur, incolore »<span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無色日夷</span>; <i>hi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">希</span> veut dire » sans son, sans voix » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無聲曰希</span> (c’est dans ce sens que j’ai employé le mot <i>aphone</i>) ;<i>wei</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">微</span> veut dire « sans corps, incorporel » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無形日微</span>. Cette explication de <i>Ho-chang-kong</i> est confirmée par <i>Te-thsing</i> (H), B, C,<i>Li-yong</i>, etc. </p><br><p><a href="#lien_14-2"><span id="ancrage_14-2">(2)</span></a> Littér. « <i>non possunt</i> interrogationibus penitus investigari. »<i>Liu-kie-fou : </i>En général, lorsqu’on ne peut trouver une chose qu’on chérche, quelquefois on la trouve en interrogeant (<i>tchi-kie</i>) les autres. Il n’en est pas de même de ces trois choses. On aurait beau interroger les autres jusqu’à la fin de sa vie, on ne pourrait les atteindre, les comprendre. Mais si l’on renonce à ses lumières, si l’on se dépouille de son corps, alors on les comprendra, c’est-à-dire on comprendra le Tao dont elles sont les attributs. </p><br><p><a href="#lien_14-3"><span id="ancrage_14-3">(3)</span></a> <i>Ho-chang-kong : </i>Ces trois choses, c’est-à-dire cette <i>incolorité</i> (je suis obligé de former un substantif de l’adjectif <i>incolore</i>), cette aphonie (je veux dire la qualité de ce qui n’a pas de son), cette incorporéité,ne peuvent être exprimées par la bouche, ni transmises par l’écriture. </p><p>B : On ne peut les scruter à l’aide de la parole ni les distinguer l’une de l’autre. E : Ces trois mots (adjectifs) <i>i, hi, weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">夷希微</span> expriment pareillement l’idée de ce qui est vide et immatériel. En effet, ce qui est invisible ne diffère pas de ce qui est imperceptible à l’ouïe et au toucher. C’est pourquoi ces trois qualités ne peuvent se séparer ni se distinguer l’une de l’autre. On les confond et on les réunit en une seule qualité (qui est le vide, l’incorporéité),puisque, comme on l’a vu plus haut, elles donnent séparément et ensemble l’idée de ce qui est vide et immatériel.</p><p><i>Youen-tse : </i>Ces trois qualités ne forment au fond qu’une seule et même chose (par leur réunion, elles montrent l’immatérialité du Tao). Ce sont les hommes qui emploient forcément ces noms, pour dire que le Tao échappe aux organes de la vue, de l’ouïe et du toucher, à l’aide desquels ils veulent le chercher. </p><br><p><a href="#lien_14-4"><span id="ancrage_14-4">(4)</span></a> <i>Li-yo : </i>Toutes les choses matérielles sont éclairées en haut et obscures en bas. Mais le Tao n’a ni partie haute ni partie basse ;par conséquent (E) il n’est ni plus éclairé en haut ni plus obscur en bas. </p><br><p><a href="#lien_14-5"><span id="ancrage_14-5">(5)</span></a> <i>Fo-koueï-tseu : </i>L’expression <i>ching-ching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">繩繩</span> veut dire « non interrompu, qui n’éprouve pas de cessation, d’interruption. »</p><br><p><a href="#lien_14-6"><span id="ancrage_14-6">(6)</span></a> A : On ne peut le désigner ni par la couleur, ni par le son, ni par la forme. On ne peut le distinguer par aucune des cinq couleurs ; il n’a pas une voix ou un son qui réponde à aucune des cinq notes musicales ; il n’a pas un corps dont on puisse mesurer la dimension ou indiquer la forme. </p><br><p><a href="#lien_14-7"><span id="ancrage_14-7">(7)</span></a> B : On peut le rapporter au <i>non-être</i>. D, E : Les formes qui ont une forme, les images qui ont une image soot les êtres matériels. Les mots : <i>forme sans forme, image sans image</i>, désignent le Tao. D ; Dira-t-on qu’il n’existe pas ? Mais les êtres ont besoin de lui pour naître et se former. Dira-t-on qu’il existe (matériellement) ? Mais l’on n’aperçoit point son corps. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> l’appelle forme sans forme et image sans image. </p><br><p><a href="#lien_14-8"><span id="ancrage_14-8">(8)</span></a> B : Il est comme existant et comme non-existant. On (D) ne peut le déterminer. </p><br><p><a href="#lien_14-9"><span id="ancrage_14-9">(9)</span></a> Littér. « non vides <i>ejus caput</i>, non vides <i>posteriorem ejus partem</i>. • B : C’est-à-dire : vous ne lui trouvez ni commencement ni fin. </p><br><p><a href="#lien_14-10"><span id="ancrage_14-10">(10)</span></a> E : Par <i>kin-tchi-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">今之有</span> « les existences d’aujourd’hui, » Lao-tseu entend les affaires du monde actuel. Pour bien les gouverner, il faut (E) se reposer dans une quiétude absolue qui exclut toute occupation. C’est là ce que l’auteur appelle observer le <i>Tao des temps anciens</i>. H : Ce qui constitue le mérite du saint homme, c’est qu’il gouverne le siècle, le monde, à l’aide de ce subtil Tao. </p><br><p><a href="#lien_14-11"><span id="ancrage_14-11">(11)</span></a> B : Anciennement toutes les choses ont tiré leur origine de ce qui n’a point d’origine (du Tao) <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">始於無始</span>. Quelques commentateurs (E,H) croient que l’expression kou-chi <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">古始</span>désigne le Tao des temps anciens. </p><br><p><a href="#lien_14-12"><span id="ancrage_14-12">(12)</span></a> B explique les mots <i>tao-ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道紀</span> par <i>tao-tchi-touan-sia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道之端绪</span>, littér. « le fil initial du Tao. » </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE XV</b><br><br><p>Dans l’antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao<a href="#ancrage_15-1"><small><sup><span id="lien_15-1"> (1)</span></sup></small></a> étaient déliés et subtils, abstraits et pénétrants.</p><p>Ils étaient tellement profonds qu’on ne pouvait les connaître. </p><p>Comme on ne pouvait les connaître, je m’efforcerai de donner une idée (de ce qu’ils étaient). Ils étaient timides comme celui qui traverse un torrent en hiver<a href="#ancrage_15-2"><small><sup><span id="lien_15-2"> (2)</span></sup></small></a>. </p><p>Ils étaient irrésolus comme celui qui craint d’être aperçu de ses voisins<a href="#ancrage_15-3"><small><sup><span id="lien_15-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Ils étaient graves<a href="#ancrage_15-4"><small><sup><span id="lien_15-4"> (4)</span></sup></small></a> comme un étranger (en présence de l’hôte). </p><p>Ils s’effaçaient comme la glace qui se fond<a href="#ancrage_15-5"><small><sup><span id="lien_15-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><p>Ils étaient rudes<a href="#ancrage_15-6"><small><sup><span id="lien_15-6"> (6)</span></sup></small></a> comme le bois non-travaillé.</p><p>Ils étaient vides<a href="#ancrage_15-7"><small><sup><span id="lien_15-7"> (7)</span></sup></small></a> comme une vallée.</p><p>Ils étaient troubles<a href="#ancrage_15-8"><small><sup><span id="lien_15-8"> (8)</span></sup></small></a> comme une eau limoneuse<a href="#ancrage_15-9"><small><sup><span id="lien_15-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>Qui est-ce qui sait apaiser peu à peu<a href="#ancrage_15-10"><small><sup><span id="lien_15-10"> (10)</span></sup></small></a> le trouble (de son cœur) en le laissant reposer ?</p><p>Qui est-ce qui sait naître peu à peu (à la vie spirituelle) par un calme prolongé<a href="#ancrage_15-11"><small><sup><span id="lien_15-11"> (11)</span></sup></small></a> ? </p><p>Celui qui conserve ce Tao ne désire pas d’être plein<a href="#ancrage_15-12"><small><sup><span id="lien_15-12"> (12)</span></sup></small></a>.</p><p>Il n’est pas plein (de lui-même), c’est pourquoi il garde ses défauts (apparents), et ne désire pas (d’être jugé) parfait. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES</div><br><p><a href="#lien_15-1"><span id="ancrage_15-1">(1)</span></a> B : Ceux qui cultivent aujourd’hui le Tao se montrent au grand jour, et ne craignent rien tant que d’être inconnus des hommes. Mais, dans l’antiquité, ceux qui cultivaient le Tao (c’est le sens que Ifouen-tse donne ici au mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">士</span> ) agissaient tout autrement. Ils (E) s’identifiaient avec le Tao, c’est pourquoi ils étaient déliés et subtils, abstraits et pénétrants. Ils étaient tellement profonds qu’on ne pouvait les connaître ; comme on ne pouvait les connaître, il serait impossible de les dépeindre fidèlement. Je m’efforcerai de donner seulement une idée approximative de ce qu’ils paraissaient être. </p><br><p><a href="#lien_15-2"><span id="ancrage_15-2">(2)</span></a> C : Ils se décidaient difficilement à entreprendre quelque chose, de même qu’en hiver on se décide difficilement à traverser un torrent. </p><br><p><a href="#lien_15-3"><span id="ancrage_15-3">(3)</span></a> E : Ils étaient attentifs, se tenaient sur leurs gardes, et (C) n’osaient rien faire de mal. </p><br><p><a href="#lien_15-4"><span id="ancrage_15-4">(4)</span></a> H : Ils étaient humbles, réservés, et n’osaient se mettre en avant. </p><br><p><a href="#lien_15-5"><span id="ancrage_15-5">(5)</span></a> <i>Youen-tse : </i>Lorsque l’homme commence à naître, il ressemble à un grand vide ; bientôt son être se condense et prend un corps,de même que l’eau devient glace. C’est pourquoi celui qui pratique le Tao se dégage de son corps pour reprendre son essence primitive,comme la glace se fond pour redevenir eau. </p><br><p><a href="#lien_15-6"><span id="ancrage_15-6">(6)</span></a> E : Le mot <i>tun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">敦</span> veut dire ici « ce qui est entier, » c’est-à-dire (<i>ibid</i>.) « ce qui est dans son état naturel, ce qui est simple,sans ornement, sans élégance. » (Ils avaient leur simplicité native.) </p><br><p><a href="#lien_15-7"><span id="ancrage_15-7">(7)</span></a> E : Ils étaient vides et dépouillés de tout (littér. « ils ne renfermaient rien). » </p><br><p><a href="#lien_15-8"><span id="ancrage_15-8">(8)</span></a> E : Ils paraissaient entourés de ténèbres et privés de discernement. </p><br><p><a href="#lien_15-9"><span id="ancrage_15-9">(9)</span></a> E : Le mot <i>tcho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">濁</span> veut dire qu’ils paraissent « ignorants,stupides. » B : Ils se confondaient avec le siècle et s’abaissaient au niveau de sa poussière ; leurs actions ne paraissaient point différer de celles des autres hommes. </p><p>C : Ils recevaient sans se plaindre les opprobres et les souillures du monde. </p><br><p><a href="#lien_15-10"><span id="ancrage_15-10">(10)</span></a> E : Plus haut, le mot <i>tcho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">濁</span>, « trouble, » s’appliquait au sage qui paraît ignorant et stupide. Mais ici il se dit du cœur de la multitude qui est rempli de trouble et de désordre. L’eau qui est trouble peut s’épurer ; mais si on ne la laisse pas reposer et qu’on la trouble sans cesse, elle ne pourra jamais devenir pure. E : L’expression <i>cho-neng</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">孰能</span>, « qui est-ce qui peut ? » sert à exhorter les hommes. </p><br><p><a href="#lien_15-11"><span id="ancrage_15-11">(11)</span></a> E : Si l’on puise souvent de l’eau dans un puits, il ne manque pas de se troubler. Si un arbre est souvent transplanté, il ne manque pas de périr. Il en est de même de la nature et des affections de l’homme. Si nous déracinons nos affections, si nous réprimons nos pensées, alors les souillures et le trouble disparaîtront, et un éclat céleste viendra briller en nous. Si nous concentrons en nous-mêmes notre faculté de voir et d’entendre, alors nos esprits se calmeront,et nous naîtrons à la vie spirituelle. Si l’homme peut agir ainsi, de grossier qu’il était, il deviendra délié et subtil, et il ressemblera aux sages qui possédaient le Tao dans l’antiquité. </p><p><i>Aliter</i> B : Qui est-ce qui peut calmer ses pensées longtemps agitées et les ramener peu à peu à leur état primitif ?</p><br><p><a href="#lien_15-12"><span id="ancrage_15-12">(12)</span></a> E : Celui qui conserve ce Tao ne veut pas être plein. (Nous avons vu, dans le chapitre iv, que <i>pou-ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不盈</span> signifie « vide. »Il aime à être <i>vide</i>.) En effet, ce qui est plein ne peut durer longtemps (ne tarde pas à déborder). C’est ce que déteste le Tao (il aime à être vide). Le sage estime ce qui est usé, défectueux (au fig. c’est-à-dire aime à paraître rempli de défauts) ; les hommes du siècle estiment au contraire ce qui est neuf, nouvellement fait. Il ne veut pas être plein, c’est pourquoi il peut conserver ce qu’il a d’usé, de défectueux (en apparence), et ne désire pas d’être (brillant) comme une chose nouvellement faite. B : Le saint homme se dépouille de tout ce qu’il avait au dedans de lui, il n’y laisse pas une seule chose qui puisse le rattacher au monde matériel. C’est pourquoi le saint homme (cf. chap. <span class="sc">lxx</span>) se revêt d’habits grossiers et cache des perles dans son sein. Au dehors il ressemble à un homme en démence ; il est comme un objet usé ; il n’a rien de l’éclat, de l’élégance par lesquels les choses neuves (littér. « nouvellement faites ») attirent les regards de la foule.</p><p>Ce passage veut dire que le sage aime mieux paraître rempli de défauts et d’imperfections que de briller par des avantages extérieurs. Par là il conserve le mérite qu’il possède au dedans de lui. </p><br>
<b>CHAPITRE XVI</b><br><br><p>Celui qui est parvenu au comble du vide garde fermement le repos<a href="#ancrage_16-1"><small><sup><span id="lien_16-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Les dix mille êtres naissent ensemble<a href="#ancrage_16-2"><small><sup><span id="lien_16-2"> (2)</span></sup></small></a> ; ensuite je les vois s’en retourner.</p><p>Après avoir été dans un état florissant, chacun d’eux revient à son origine<a href="#ancrage_16-3"><small><sup><span id="lien_16-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Revenir à son origine s’appelle être en repos<a href="#ancrage_16-4"><small><sup><span id="lien_16-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Être en repos s’appelle revenir à la vie.</p><p>Revenir à la vie s’appelle être constant<a href="#ancrage_16-5"><small><sup><span id="lien_16-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><p>Savoir être constant s’appelle être éclairé<a href="#ancrage_16-6"><small><sup><span id="lien_16-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui ne sait pas être constant s’abandonne au désordre et s’attire des malheurs<a href="#ancrage_16-7"><small><sup><span id="lien_16-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui sait être constant a une âme large<a href="#ancrage_16-8"><small><sup><span id="lien_16-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui a une âme large est juste. </p><p>Celui qui est juste devient roi. </p><p>Celui qui est roi s’associe au ciel<a href="#ancrage_16-9"><small><sup><span id="lien_16-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><p>Celui qui s’associe au ciel imite le Tao<a href="#ancrage_16-10"><small><sup><span id="lien_16-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui imite le Tao<a href="#ancrage_16-11"><small><sup><span id="lien_16-11"> (11)</span></sup></small></a> subsiste longtemps ; jusqu’à la fin de sa vie<a href="#ancrage_16-12"><small><sup><span id="lien_16-12"> (12)</span></sup></small></a>, il n’est exposé à aucun danger.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><p><br /> </p><p><a href="#lien_16-1"><span id="ancrage_16-1">(1)</span></a> E : Le vide et le repos sont la racine (la base) de notre nature. Après avoir reçu la vie nous nous laissons entraîner par les choses sensibles, et nous oublions notre racine. Alors il s’en faut de beaucoup que nous soyons vides et tranquilles. C’est pourquoi celui qui pratique le Tao se dégage des êtres (litt. « des existences, ou de l’être ») pour parvenir au vide ; il se délivre du mouvement pour parvenir au repos. Il continue à s’en dégager de plus en plus, et par là il arrive au comble du vide et du repos. Alors ses désirs privés disparaissent entièrement et il peut revenir à l’état primitif de sa nature. Or le vide et le repos ne sont pas deux choses distinctes. On n’a jamais vu une chose vide qui ne fût pas en repos, ni une chose en repos qui ne fût pas vide. Le philosophe <i>Kouan-tseu</i> dit : Si l’on se meut, on perd son assiette ; si l’on reste en repos, on se possède soi-même. Le Tao n’est pas éloigné de nous, et cependant il est difficile d’en atteindre le faîte. Il habite avec les hommes, et cependant il est difficile à obtenir. Si nous nous rendons vides de nos désirs (c’est-à-dire si nous nous dépouillons de nos désirs), l’esprit entrera dans sa demeure. Si nous expulsons toute souillure (de notre cœur), l’esprit y fixera son séjour. </p><p>Le même philosophe dit encore : Le vide n’est pas isolé de l’homme (il n’est pas hors de sa portée) ; mais il n’y a que le saint homme qui sache trouver la voie du vide (qui sache rendre son cœur complètement vide). C’est pourquoi Kouan-tseu dit : quoiqu’il demeure avec eux, ils ont de la peine à l’obtenir.</p><p>E : L’esprit est l’être le plus honorable. Si un hôtel n’est pas parfaitement nettoyé, un homme honorable refusera d’y habiter. C’est pourquoi l’on dit : Si (le cœur) n’est parfaitement pur, l’esprit n’y résidera pas. </p><br><p><a href="#lien_16-2"><span id="ancrage_16-2">(2)</span></a> C : L’expression <i>p’ing-tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">並作</span> veut dire « naissent tous ensemble. » (B : même sens.) <i>Lao-tseu</i> ne les voit pas naître, mais il les voit s’en retourner. E explique le mot <i>tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">作</span> par <i>tong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">動</span> « se mettre en mouvement. » <i>Lao-tseu</i> veut dire (E) que les êtres se mettent en mouvement (croissent pour atteindre leur développement), et qu’à la fin ils retournent à leur racine, c’est-à-dire à l’origine d’où ils sont sortis (D). </p><p><i>Lao-tseu</i> (E) veut mettre en lumière l’art de (littér. « la voie qu’il faut suivre pour ») conserver le repos ; c’est pourquoi il se sert de preuves tirées des objets sensibles pour expliquer sa pensée.</p><br><p><a href="#lien_16-3"><span id="ancrage_16-3">(3)</span></a> Suivant C, le mot <i>yun-yun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">芸芸</span> se dit ici des plantes et des arbres qui végètent avec abondance ; mais il vaut mieux l’appliquer, avec E, à l’activité vitale de tous les êtres. Le mouvement (vital) prend naissance dans le repos. Après avoir été en mouvement, tous les êtres retournent nécessairement au repos,parce que le repos est comme leur racine (c’est-à-dire, est leur origine). C’est pour cela que l’on dit que retourner à sa racine, c’est entrer en repos. </p><br><p><a href="#lien_16-4"><span id="ancrage_16-4">(4)</span></a> E : En naissant, l’homme est calme (il n’a pas encore de passions) : c’est le propre de la nature qu’il a reçue du ciel. S’il garde le repos, il peut revenir à son état primitif. S’il se met en mouvement, il poursuit les êtres sensibles et le perd (il perd ce calme inné). On voit par là que rester en repos c’est revenir à la vie. (On a dit plus haut que le mouvement (vital) naît du repos.) </p><p>Toutes les fois qu’on plante un arbre, dit le commentateur <i>Ou-yeou-thsing</i>, au printemps et en été, la vie part de la racine, monte et s’étend aux branches et aux feuilles. Cela s’appelle <i>tong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">動</span>ou leur mouvement. En automne et en hiver, la vie descend d’en haut, s’en retourne et se cache dans la racine. Cela s’appelle <i>thsing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">静</span>ou leur repos. </p><p>Je pense, dit le commentateur <i>Sie-hoeï</i> (E), que plusieurs interprètes ont appliqué ceci (ces mots <i>mouvement</i> et <i>repos</i>) aux plantes et aux arbres, parce qu’ils ont vu dans le texte les mots <i>koueï-ken</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">歸根</span>, littér. « revenir à sa racine. » Mais ces mots correspondent au passage précédent : « les dix mille êtres croissent ensemble. »L’auteur examine en général le principe de tous les êtres, et il n’est certainement pas permis de dire qu’il désigne particulièrement les plantes et les arbres. </p><br><p><a href="#lien_16-5"><span id="ancrage_16-5">(5)</span></a> E : Dans le monde, il n’y a que les principes de la vie spirituelle qui soient constants. Toutes les autres choses sont sujettes au changement ; elles sont inconstantes. Celui qui possède le Tao conserve son esprit par le repos ; les grandes vicissitudes de la vie et de la mort ne peuvent le changer. Celui qui peut revenir au principe de sa vie s’appelle constant. Mais celui qui ne peut revenir au principe de sa vie se pervertit et roule au hasard, comme s’il était entraîné par les flots. Que peut-il avoir de constant ?</p><br><p><a href="#lien_16-6"><span id="ancrage_16-6">(6)</span></a> E : On voit par là que ceux qui ne savent pas être constants sont plongés dans l’aveuglement. </p><br><p><a href="#lien_16-7"><span id="ancrage_16-7">(7)</span></a> E : Comme ceux qui ne savent pas être constants se livrent au désordre et s’attirent des malheurs, on voit que ceux qui savent être constants sont droits et heureux.</p><br><p><a href="#lien_16-8"><span id="ancrage_16-8">(8)</span></a> E : Celui qui ne sait pas être constant ne peut rendre son cœur vide pour qu’il contienne et embrasse les êtres. Mais celui qui sait être constant a un cœur immensément vide (littér. « comme le grand vide » ). Il n’y a pas un seul être qu’il ne puisse contenir et endurer. Mais celui qui ne peut les contenir et les endurer a des voies étroites (littér. « son Tao est étroit » ). Il peut accorder de petits bienfaits,et ne peut montrer une grande équité. Celui qui peut contenir et endurer les êtres est immensément juste et équitable, et il est exempt des affections particulières qu’inspire la partialité. Être juste, équitable et impartial, c’est posséder la voie du roi,ou l’art de régner en roi. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : <i>Kong-naï-wang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">公乃王</span> (Justus-<i>est</i>, et tunc rex-<i>evadit</i>). </p><br><p><a href="#lien_16-9"><span id="ancrage_16-9">(9)</span></a> E : La voie du ciel est extrêmement juste. Le roi étant extrêmement juste, sa voie peut s’associer au ciel ou à la voie du ciel. </p><br><p><a href="#lien_16-10"><span id="ancrage_16-10">(10)</span></a> E : Le Tao nourrit également tous les êtres ; le ciel seul peut l’imiter. La voie du roi peut s’associer au ciel, et alors il peut imiter le Tao. </p><br><p><a href="#lien_16-11"><span id="ancrage_16-11">(11)</span></a> E : Celui qui possède le Tao étend ses mérites (ses bienfaits) sur tous les êtres, sur toutes les créatures. Ses esprits sont brillants,vides, tranquilles et immobiles. </p><br><p><a href="#lien_16-12"><span id="ancrage_16-12">(12)</span></a> C’est le sens de B, qui explique les mots <i>mo-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">没身</span>par <i>tchong-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">終身</span>, « usque ad vitæ finem. » </p><br>
<b>CHAPITRE XVII</b><br><br><p>Dans la haute antiquité, le peuple savait seulement qu’il avait des rois<a href="#ancrage_17-1"><small><sup><span id="lien_17-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Les suivants<a href="#ancrage_17-2"><small><sup><span id="lien_17-2"> (2)</span></sup></small></a>, il les aima et leur donna des louanges.</p><p>Les suivants<a href="#ancrage_17-3"><small><sup><span id="lien_17-3"> (3)</span></sup></small></a>, il les craignit.</p><p>Les suivants<a href="#ancrage_17-4"><small><sup><span id="lien_17-4"> (4)</span></sup></small></a>, il les méprisa.</p><p>Celui qui n’a pas confiance dans les autres<a href="#ancrage_17-5"><small><sup><span id="lien_17-5"> (5)</span></sup></small></a> n’obtient pas leur confiance.</p><p>(Les premiers) étaient graves et réservés dans leurs paroles<a href="#ancrage_17-6"><small><sup><span id="lien_17-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Après qu’ils avaient acquis des mérites et réussi dans leurs desseins, les cent familles disaient : Nous suivons notre nature<a href="#ancrage_17-7"><small><sup><span id="lien_17-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_17-1"><span id="ancrage_17-1">(1)</span></a> <i>Lo-hi-ching : </i>Les princes vertueux de la haute antiquité pratiquaient le <i>non-agir</i>, et ne laissaient voir aucune trace de leur administration.C’est pourquoi le peuple connaissait seulement leur existence. A cette époque (C) d’innocence et de simplicité, l’amour ni la haine n’avaient pas encore germé au fond de son cœur. </p><br><p><a href="#lien_17-2"><span id="ancrage_17-2">(2)</span></a> B : Ceux qui vinrent après eux, et qui (E) leur étaient inférieurs en mérite, gouvernaient par l’humanité et la justice. Ils (C) gouvernaient d’une manière active (ils faisaient connaître leur présence par des actes multipliés ; c’est ce que blâme <i>Lao-tseu</i>), et ils avaient besoin de s’attacher le peuple par des bienfaits. Le peuple commença à les aimer et à les louer. On était (E) déjà loin de l’administration qui s’exerçait par le <i>non-agir</i>. </p><br><p><a href="#lien_17-3"><span id="ancrage_17-3">(3)</span></a> B : Ceux qui succédèrent aux seconds et qui leur étaient inférieurs en mérite. C : Ils voulurent contenir le peuple par les lois pénales. Le peuple se corrigea extérieurement (littér. « changea son visage » ), mais il ne changea point son cœur. Il ne sut que les craindre.E : Quand l’humanité et la justice furent épuisées (c’est-à-dire se furent évanouies du cœur des rois), ils se mirent à gouverner par la force et la prudence. </p><br><p><a href="#lien_17-4"><span id="ancrage_17-4">(4)</span></a> B : Ceux qui succédèrent aux troisièmes et qui leur étaient encore (E) inférieurs. Leurs sujets les regardèrent avec mépris,parce qu’à cette époque la prudence et la force avaient perdu leur empire. </p><br><p><a href="#lien_17-5"><span id="ancrage_17-5">(5)</span></a> C : Lorsque le prince n’a pas confiance dans son peuple, le peuple à son tour n’a point confiance en lui, et (A) le trompe. <i>Aliter</i> B : Lorsque les rois renoncent à la sincérité, font usage d’une fausse prudence et ne méritent plus qu’on ait foi dans leurs actes,le peuple commence à éprouver des doutes et ne croit plus en eux. </p><br><p><a href="#lien_17-6"><span id="ancrage_17-6">(6)</span></a> E : <i>Lao-tseu</i> revient aux princes d’un mérite sublime (B : aux princes de la haute antiquité). Le mot <i>yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">猶</span> veut dire « lentement,sans se presser. » Le mot <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴</span> veut dire « lourd, grave. »Les princes d’un mérite sublime (B : les princes de la haute antiquité) étaient graves et réservés dans leurs paroles ; ils n’osaient laisser échapper aucune expression légère et inconsidérée. Si telles étaient leurs paroles, on peut juger de ce qu’était leur conduite.</p><br><p><a href="#lien_17-7"><span id="ancrage_17-7">(7)</span></a> <i>Lo-hi-ming : </i>Ils conformaient leur conduite aux temps où ils vivaient. Ils faisaient en sorte que tout le peuple pût suivre son naturel simple et candide. Les cent familles (le peuple) ne songeaient point à les aimer, à les louer, à les craindre ou à les mépriser (dispositions que <i>Lao-tseu</i> présente, au commencement de ce chapitre, comme des signes certains de l’affaiblissement graduel de la vertu chez les princes et les peuples). </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Le peuple se portait au bien et s’éloignait du crime sans s’en apercevoir. Il disait (<i>Liu-kie-fou</i>) : « Je suis mon naturel, »et personne ne savait quels étaient les auteurs de cet heureux résultat. Comment auraient-ils pu les aimer ou les louer ?</p><p><i>Ou-yeou-thsing : </i>Ils faisaient en sorte que le peuple reçût en secret leurs bienfaits et que chacun fût content de son sort. Le peuple croyait obtenir de lui-même tous ces avantages ; il ignorait qu’il en fût redevable à ses rois ! </p><br>
<b>CHAPITRE XVIII</b><br><br><p>Quand la grande Voie<a href="#ancrage_18-1"><small><sup><span id="lien_18-1"> (1)</span></sup></small></a> eut dépéri, on vit paraître l’humanité et la justice.</p><p>Quand la prudence et la perspicacité<a href="#ancrage_18-2"><small><sup><span id="lien_18-2"> (2)</span></sup></small></a> se furent montrées, on vit naître une grande hypocrisie<a href="#ancrage_18-3"><small><sup><span id="lien_18-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand les six parents<a href="#ancrage_18-4"><small><sup><span id="lien_18-4"> (4)</span></sup></small></a> eurent cessé de vivre en bonne harmonie, on vit des actes de piété filiale et d’affection paternelle<a href="#ancrage_18-5"><small><sup><span id="lien_18-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand les états furent tombés dans le désordre, on vit des sujets fidèles et dévoués<a href="#ancrage_18-6"><small><sup><span id="lien_18-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_18-1"><span id="ancrage_18-1">(1)</span></a> E : Quand la grande Voie était fréquentée, les hommes du peuple ne s’abandonnaient pas les uns les autres. Où était l’humanité ?(c’est-à-dire l’humanité ne se remarquait pas encore.) Les peuples ne s’attaquaient point les uns les autres. Où était la justice ? (c’est-à-dire la justice ne se remarquait pas encore.) Mais, quand le Tao eut dépéri, l’absence de l’affection fit remarquer l’humanité ; l’existence de la désobéissance ou de la révolte fit remarquer la justice (ou l’accomplissement des devoirs des sujets). </p><br><p><a href="#lien_18-2"><span id="ancrage_18-2">(2)</span></a> C, H : Les mots « prudence et perspicacité » se rapportent à ceux qui gouvernent. </p><br><p><a href="#lien_18-3"><span id="ancrage_18-3">(3)</span></a> C : Des que la prudence et la perspicacité se furent une fois montrées, il y eut de grandes trahisons sous le masque du dévouement,il y eut de grandes hypocrisies sous le masque de la sincérité. </p><p>H : Si ceux qui gouvernent ont recours à la prudence et à la ruse,le peuple suivra leur exemple et emploiera les ressources de son esprit pour violer impunément les lois. </p><br><p><a href="#lien_18-4"><span id="ancrage_18-4">(4)</span></a> G : Cette expression désigne le père et le fils, les frères aînés et les frères cadets, le mari et la femme. </p><br><p><a href="#lien_18-5"><span id="ancrage_18-5">(5)</span></a> H : Dans la haute antiquité, les noms de piété filiale et d’affection paternelle étaient inconnus, et cependant ces vertus existaient dans le cœur des pères et des enfants. Mais, quand la voie du siècle eut dépéri, on vit une foule de pères qui manquèrent d’affection pour leurs enfants, et alors on mit en avant l’affection paternelle pour donner l’exemple aux pères ; il y eut beaucoup d’enfants qui manquèrent de piété filiale. C’est pourquoi on mit en avant la piété filiale pour l’enseigner aux enfants de tout l’empire. On voit par là que les noms d’affection paternelle et de piété filiale ont pris naissance dans la désunion et la discorde des parents. </p><br><p><a href="#lien_18-6"><span id="ancrage_18-6">(6)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Yao n’a pas manqué de piété filiale, et cependant l’histoire vante uniquement la piété filiale de Chun. C’est qu’Yao n’avait pas un Kou-seou pour père (la méchanceté de Kou-seou fit ressortir la piété filiale de Chun). I-yn et Tcheou-kong n’ont pas manqué de loyauté envers leur souverain, et cependant l’histoire vante uniquement la loyauté de Long-fong et de Pi-kan (la cruauté des empereurs Kie et Tcheou fit ressortir leur vertu). </p><br>
<b>CHAPITRE XIX</b><br><br><p>Si vous renoncez à la sagesse<a href="#ancrage_19-1"><small><sup><span id="lien_19-1"> (1)</span></sup></small></a> et quittez la prudence,le peuple sera cent fois plus heureux.</p><p>Si vous renoncez à l’humanité et quittez la justice, le peuple reviendra à la piété filiale et à l’affection paternelle.</p><p>Si vous renoncez à l’habileté et quittez le lucre, les voleurs et les brigands disparaîtront.</p><p>Renoncez à ces trois choses<a href="#ancrage_19-2"><small><sup><span id="lien_19-2"> (2)</span></sup></small></a> et persuadez-vous que l’apparence ne suffit pas.</p><p>C’est pourquoi je montre<a href="#ancrage_19-3"><small><sup><span id="lien_19-3"> (3)</span></sup></small></a> aux hommes ce à quoi ils doivent s’attacher<a href="#ancrage_19-4"><small><sup><span id="lien_19-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’ils tâchent de laisser voir leur simplicité, de conserver leur pureté<a href="#ancrage_19-5"><small><sup><span id="lien_19-5"> (5)</span></sup></small></a>, d’avoir peu d’intérêts privés et peu de désirs. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_19-1"><span id="ancrage_19-1">(1)</span></a> Cf. chap. <span class="sc">iii</span> et <span class="sc">xlv</span>. H : Ce sont les sages de la moyenne antiquité qui ont fait usage de la prudence, de l’humanité, de la justice pour gouverner le peuple. Mais l’exercice de ces vertus suppose une activité que blâme Lao-tseu et dont l’abus peut donner lieu au désordre. Si l’on veut faire revivre l’administration de la haute antiquité, il faut pratiquer le <i>non-agir</i>, et l’empire se purifiera de lui-même. <i>Sou-tseu-yeou : </i>L’humanité et la justice enseignent la piété filiale et l’affection paternelle. Mais quand elles eurent dépéri, on emprunta le masque de l’humanité et de la justice en vue d’un intérêt méprisable. On vit des fils désobéir à leurs pères et des pères tyranniser leurs fils. Si vous renoncez à les enseigner, le peuple reviendra naturellement à la piété filiale et à l’affection paternelle que le ciel a mises en lui. Il en est de même de la prudence et de l’habileté qui sont destinées à contribuer à la paix et au profit des hommes. Lorsque leur véritable caractère a dépéri, l’on s’en sert pour violer impunément les lois ou pour voler adroitement les autres. Suivant <i>Li-si-tchaï</i>, <i>Lao-tseu</i> ne blâme pas la possession de ces diverses qualités tant qu’elles sont concentrées au dedans de nous. Il réprouve seulement le vain étalage et l’abus qu’en font certains hommes ; il pense que ceux qui les possèdent véritablement ne les montrent pas au dehors, et que ceux qui les font paraître n’en ont que l’apparence et non la réalité. </p><br><p><a href="#lien_19-2"><span id="ancrage_19-2">(2)</span></a> E et tous les commentateurs suppléent les mots <i>il faut renoncer</i> (à ces trois choses) qui sont (C) : <abbr class="abbr" title="primo">1<sup style="font-size:70%;">o</sup></abbr> la sagesse et la prudence ; <abbr class="abbr" title="secundo">2<sup style="font-size:70%;">o</sup></abbr> l’humanité et la justice ; <abbr class="abbr" title="tertio">3<sup style="font-size:70%;">o</sup></abbr> l’habileté et le lucre. Il faut (<i>ibid.</i>) renoncer à tout ce qui n’a qu’une apparence spécieuse. </p><br><p><a href="#lien_19-3"><span id="ancrage_19-3">(3)</span></a> Littéralement : <i>Jubeo homines habere</i> (<i>id</i>) <i>cui adhœreant</i>, c’est-à-dire (C) : Je veux que les hommes s’attachent uniquement à la simplicité et à la pureté, et s’appliquent (B) à avoir peu de désirs. </p><p>E : Pourquoi le saint homme renonce-t-il à ces trois choses lorsqu’il gouverne ? C’est parce qu’elles sont le contraire de la réalité (ici réalité veut dire la possession réelle de ces qualités). La réalité est le principal, l’apparence (c’est-à-dire l’apparence extérieure de ces qualités) n’est que l’accessoire. Celui qui s’applique à (montrer) l’apparence (d’une qualité) en perd la réalité ; celui qui court après l’accessoire perd le principal. Quiconque estime le principal et la sincérité a une vertu solide qui peut subsister longtemps. L’arbre qui ne donne que des fleurs et ne produit pas de fruits n’offre qu’un avantage faible et passager ; il est presque inutile. Tout ce qu’on vient de dire montre clairement que les apparences ne suffisent pas (<i>Pi-ching</i>) pour bien gouverner l’empire. </p><br><p><a href="#lien_19-4"><span id="ancrage_19-4">(4)</span></a> E : Le mot <i>sou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">素</span> veut dire « simple, sans ornements. » Le mot <i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">樸</span> signifie « bois qui n’est pas encore dégrossi, travaillé. « Ces deux mots sont employés ici au figuré. <i>Hien-sou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">見素</span>, « montrer au dehors la réalité (de sa vertu), ne pas y ajouter d’ornements (c’est-à-dire la faire paraître dans toute sa simplicité) ; » <i>pao-po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">抱樸</span> conserver intérieurement sa pureté (la pureté de sa « vertu), ne pas permettre qu’elle se dissipe au dehors. »</p><br><p><a href="#lien_19-5"><span id="ancrage_19-5">(5)</span></a> Suivant la plupart des commentateurs, ces deux membres de phrase sont, comme les deux suivants, dans la dépendance du mot <i>tcho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">屬</span>. « s’attacher à. » Mais l’interprète <i>Pi-ching</i> regarde les deux dernières idées comme la conséquence des deux précédentes : s’ils laissent voir leur simplicité, s’ils conservent leur pureté, alors ils auront peu d’intérêts privés et peu de désirs.</p><p>Le commentateur E rapporte le mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">私</span>, « intérêts privés, »aux calculs de l’ambition ou de la cupidité, et le mot <i>yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">欲</span> désirs »aux appétits sensuels. </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE XX</b><br><br><p><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">海,飂兮若無止,衆人皆有以,而我獨頑似鄙。我獨異於人,而貴食母。</span></p><br><p>Renoncez à l’étude, et vous serez exempt de chagrins<a href="#ancrage_20-1"><small><sup><span id="lien_20-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Combien est petite la différence<a href="#ancrage_20-2"><small><sup><span id="lien_20-2"> (2)</span></sup></small></a> de <i>weï</i> (un <i>oui</i> bref) et de <i>o</i> (un <i>oui</i> lent) !</p><p>Combien est grande la différence du bien et du mal !</p><p>Ce que les hommes craignent, on ne peut s’empêcher de le craindre<a href="#ancrage_20-3"><small><sup><span id="lien_20-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Ils s’abandonnent au désordre et ne s’arrêtent jamais<a href="#ancrage_20-4"><small><sup><span id="lien_20-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes de la multitude sont exaltés de joie<a href="#ancrage_20-5"><small><sup><span id="lien_20-5"> (5)</span></sup></small></a> comme celui qui se repaît de mets succulents<a href="#ancrage_20-6"><small><sup><span id="lien_20-6"> (6)</span></sup></small></a>, comme celui qui est monté, au printemps, sur une tour élevée.</p><p>Moi seul je suis calme : (mes affections) n’ont pas encore germé<a href="#ancrage_20-7"><small><sup><span id="lien_20-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Je ressemble à un nouveau-né qui n’a pas encore souri à sa mère<a href="#ancrage_20-8"><small><sup><span id="lien_20-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>Je suis détaché de tout<a href="#ancrage_20-9"><small><sup><span id="lien_20-9"> (9)</span></sup></small></a> ; on dirait que je ne sais où aller.</p><p>Les hommes de la multitude ont du superflu<a href="#ancrage_20-10"><small><sup><span id="lien_20-10"> (10)</span></sup></small></a> ; moi seul je suis comme un homme qui a perdu tout.</p><p>Je suis un homme d’un esprit borné, je suis dépourvu de connaissances<a href="#ancrage_20-11"><small><sup><span id="lien_20-11"> (11)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes du monde sont remplis de lumières ; moi seul je suis comme plongé dans les ténèbres. </p><p>Les hommes du monde sont doués de pénétration ; moi seul<a href="#ancrage_20-12"><small><sup><span id="lien_20-12"> (12)</span></sup></small></a> j’ai l’esprit trouble et confus. Je suis vague comme la mer<a href="#ancrage_20-13"><small><sup><span id="lien_20-13"> (13)</span></sup></small></a> ; je flotte<a href="#ancrage_20-14"><small><sup><span id="lien_20-14"> (14)</span></sup></small></a> comme si je ne savais où m’arrêter. </p><p>Les hommes de la multitude ont tous de la capacité<a href="#ancrage_20-15"><small><sup><span id="lien_20-15"> (15)</span></sup></small></a> ;moi seul je suis stupide ; je ressemble à un homme rustique<a href="#ancrage_20-16"><small><sup><span id="lien_20-16"> (16)</span></sup></small></a>. </p><p>Moi seul je diffère des autres hommes, parce que je révère la mère<a href="#ancrage_20-17"><small><sup><span id="lien_20-17"> (17)</span></sup></small></a> qui nourrit (tous les êtres).</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_20-1"><span id="ancrage_20-1">(1)</span></a> C : <i>Lao-tseu</i> ne veut pas dire qu’il faut renoncer à toute espèce d’étude. Il parle des études vulgaires qui occupent les hommes du monde. B : Ceux qui étudient la littérature et les sciences craignent toujours que leurs connaissances ne soient pas assez étendues. Ils cherchent la science en dehors, et s’affligent constamment de l’insuffisance de leurs progrès. Mais le saint homme trouve en lui-même tout ce dont il a besoin, et il n’y a rien qu’il ne sache ; c’est pourquoi il est exempt de chagrins. </p><p>E : Les sages de l’antiquité étudiaient pour rechercher les principes intérieurs de leur nature. A l’exception de ces principes, ils n’appliquaient leur esprit à rien. C’est ce qu’on appelle pratiquer le <i>non-agir</i>, et faire consister son étude dans l’absence de toute étude. Mais quand les hommes eurent perdu ces principes, ils se pervertirent et se livrèrent aux études du monde. Une apparence spécieuse éteignit et remplaça la réalité. L’étendue des connaissances corrompit (litt. « noya » ) leur cœur. Au fond, ces études (du monde) n’ont aucune utilité et ne font au contraire qu’augmenter leurs chagrins. Le but le plus noble de l’étude est de nourrir notre nature (de la conserver dans sa pureté primitive) ; le meilleur moyen de nourrir sa nature est de se dégager de tout embarras. Mais aujourd’hui les études du monde nous appliquent aux choses extérieures qui enchaînent nos dispositions naturelles. N’est-ce pas comme si l’on prenait des médicaments qui ne feraient qu’augmenter la maladie ?Que l’homme renonce à ces études mondaines et ne les cultive pas ; alors il pourra être exempt de chagrins. </p><br><p><a href="#lien_20-2"><span id="ancrage_20-2">(2)</span></a> B : Weï <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">唯</span> signifie un <i>oui</i> prononcé rapidement (lorsqu’on reçoit un ordre et qu’on va l’exécuter sur-le-champ) ; ce mot est respectueux. Le mot <i>o</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">阿</span> signifie un <i>oui</i> prononcé d’une voix lente (lorsqu’on reçoit un ordre et qu’on ne se presse pas de l’exécuter) ; ce mot annonce un manque de respect. Ce sont tous deux des sons employés pour répondre, et sous ce rapport ils différent légèrement l’un de l’autre ; mais si l’on considère que l’un est respectueux et que l’autre annonce un manque de respect, ils diffèrent immensément. </p><p>On voit par là que certaines choses, qui ne diffèrent entre elles que de l’épaisseur d’un cheveu, peuvent cependant différer immensément sous le rapport des avantages qu’elles procurent ou des malheurs qu’elles peuvent causer. Si l’homme veut échapper au mal, il ne peut se dispenser d’être sur ses gardes et de craindre les fautes les plus légères. </p><p><i>Aliter</i> B : Quand on suit la raison, on fait le bien ; quand on se révolte contre elle, on fait le mal. Ces deux choses émanent également du même cœur, et sous ce rapport il n’y a qu’une petite distance entre elles. Mais si l’on compare leur nature particulière, on reconnaît qu’elles diffèrent immensément.</p><p><i>Ibid.</i> B : <i>Lao-tseu</i> veut montrer par là que le saint homme et l’homme vulgaire se livrent également à l’étude, et que sous ce rapport ils diffèrent légèrement entre eux. Mais si l’on compare la sainteté de l’un au caractère vulgaire de l’autre, on reconnaît qu’ils sont séparés par une distance immense. </p><p>Suivant les commentateurs B, E, les mots <i>ki-ho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">幾何</span> signifient « combien peu ! » (c’est-à-dire, sans interjection, ils diffèrent fort peu, <i>pou-to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不多</span>; les mots <i>ho-jo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">若何</span> signifient « combien grand ! » (c’est-à-dire, sans interjection, ils diffèrent beaucoup). </p><br><p><a href="#lien_20-3"><span id="ancrage_20-3">(3)</span></a> Les commentateurs ne sont pas d’accord sur les choses que <i>Lao-tseu</i> recommande de craindre. Suivant A, il faut craindre (d’avoir) un prince qui n’ait pas renoncé à l’étude (aux études du monde) ; suivant <i>Li-si-tchaï</i>, il faut craindre la vie et la mort.</p><p>D : Il craint les lois et les supplices.</p><p>H : La musique, la volupté, les richesses et le luxe sont des choses qui usent notre vie et blessent le Tao. Ce sont des choses que les hommes du siècle doivent craindre. Moi aussi je dois les craindre et m’en éloigner. </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Quoique le saint homme ne s’attache pas aux choses du monde, cependant il ne méprise pas les lois du siècle, il ne manque pas aux devoirs de sa condition, il ne viole pas les principes de la raison. Quelque rang qu’il occupe dans le monde ou dans l’administration, tout l’empire ne saurait voir en quoi il diffère des autres hommes. </p><br><p><a href="#lien_20-4"><span id="ancrage_20-4">(4)</span></a> Je suis le commentaire de <i>Ho-chang-kong</i> et H. Le mot <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">央</span>(<i>vulgo</i> milieu) veut dire ici « s’arrêter, cesser. » Ce sens se trouve aussi dans le dictionnaire <i>Pin-tseu-tsien</i>. (Cf. Morrison, <i>Dictionnaire chinois-anglais</i>, 1re partie, pag. 585.)</p><br><p><a href="#lien_20-5"><span id="ancrage_20-5">(5)</span></a> Ce sens est tiré du commentaire E. </p><br><p><a href="#lien_20-6"><span id="ancrage_20-6">(6)</span></a> Littéralement : « Sicut ille qui <i>fruitur bove</i>, id est, bovis carne epulatur. » B : Les hommes désirent avidement la chair du bœuf pour réjouir leur palais ; au printemps, ils montent sur une tour élevée pour contenter leurs yeux. </p><br><p><a href="#lien_20-7"><span id="ancrage_20-7">(7)</span></a> A : Mes affections et mes désirs ne se sont pas encore montrés. E : Le mot <i>tchao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兆</span> veut dire « le mouvement le plus léger, le plus faible, et, dans un sens verbal, avoir, montrer un mouvement faible et presque imperceptible, apparaître faiblement, » comme les fissures déliées qui se montrent sur l’écaille de la tortue (que l'on brûle pour en tirer des présages). </p><br><p><a href="#lien_20-8"><span id="ancrage_20-8">(8)</span></a> E : Lorsqu’un nouveau-né peut sourire, ses affections naissent et son cœur commence à s’émouvoir. <i>Lao-tseu</i> veut dire que la multitude des hommes désire avidement les objets extérieurs et ne peut contenir ses transports de joie ; lui seul a un cœur calme qui n’a pas encore commencé à éprouver la plus légère émotion ; il ne sait pas se réjouir de la joie de la multitude.</p><br><p><a href="#lien_20-9"><span id="ancrage_20-9">(9)</span></a> E : Les mots <i>ching-ching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">乘乘</span> signifient » ne pas s’arrêter et ne pas s’attacher (aux choses du monde). H : Mon cœur ne désire rien ; il est dégagé de tous liens. Je me promène dans le monde avec un cœur vide, je suis comme un bateau dont le câble est brisé. </p><br><p><a href="#lien_20-10"><span id="ancrage_20-10">(10)</span></a> E : Les hommes de la multitude ont beaucoup acquis ; tous ont du superflu. Mais moi, je ne possède pas une seule chose. Seul entre tous, je suis comme un homme qui a perdu ce qu’il possédait. Mais la possession est une chose illusoire ; c’est lorsqu’on ne possède rien qu’on possède de véritables richesses. (L’expression « ne posséder rien » s’entend des choses du monde ; « posséder de véritables richesses » se dit des richesses intérieures du sage qui s’est complètement dépouillé des choses sensibles.)</p><br><p><a href="#lien_20-11"><span id="ancrage_20-11">(11)</span></a> E : L’expression <i>chun-chun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">沌沌</span> signifie « dépourvu de connaissances, ignorant. »</p><p><br /> </p><p><a href="#lien_20-12"><span id="ancrage_20-12">(12)</span></a> H, E : Les mots <i>men-men</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">悶悶</span> (<i>vulgo</i> triste) signifient ici « troublé, confus. »</p><br><p><a href="#lien_20-13"><span id="ancrage_20-13">(13)</span></a> A : Je suis vague comme les fleuves et les mers ; personne ne connaît mes limites. C : Le cœur de l’homme parfait n’a point de bornes ; il est (dit <i>Sou tseu-yeou</i>) comme une mer dont on ne peut découvrir les lointains rivages. </p><br><p><a href="#lien_20-14"><span id="ancrage_20-14">(14)</span></a> C : Je suis comme un navire vide qui flotte au gré des eaux,comme une feuille d’arbre qu’emporte le vent.</p><br><p><a href="#lien_20-15"><span id="ancrage_20-15">(15)</span></a> Le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以</span> (<i>vulgo</i> se servir) est rendu dans le commentaire B, et dans plusieurs autres, par <i>neng</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">能</span> « capacité. »</p><p><i>Aliter</i> E : <i>I</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以</span> veut dire <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">為</span> « agir. » Tous les hommes se livrent à l’action (l’opposé du <i>non-agir</i>).</p><br><p><a href="#lien_20-16"><span id="ancrage_20-16">(16)</span></a> E : Je suis comme un homme des champs, un homme qui a des dehors rudes et agrestes (par opposition avec les hommes polis des villes). </p><br><p><a href="#lien_20-17"><span id="ancrage_20-17">(17)</span></a> C’est-à-dire, le Tao. Suivant E, G, le mot <i>chi</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">食</span>, « manger, » doit se lire ici <i>sse</i>, « nourrir. »</p><p>E : L’expression <i>sse-mou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">食母</span> a le même sens que <i>jeou-mou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">乳母</span>, « nourrice. » Ibid. Tous les êtres ont besoin de l’assistance du Tao pour naître (et vivre). C’est pourquoi on l’appelle la mère de tous les êtres. De là lui vient la dénomination de <i>sse-mou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">食母</span>, « la nourrice par excellence. »</p><p>Je révère (<i>ibid.</i>) la nourrice des êtres (le Tao). Voilà ce que la multitude des hommes ne fait pas, et ce que j’aime à faire. C’est en cela que je suis différent d’eux. </p><p><i>Li-si-tchaï : </i>Ce n’est pas qu’en réalité je sois un homme stupide. Si je diffère de la multitude, c’est que je connais le principal (la chose essentielle), je pénètre jusqu’à la source, je ne me laisse pas entraîner par le torrent des choses mondaines. Voilà ce que j’appelle « révérer la mère qui nourrit tous les êtres. » </p><br>
<b>CHAPITRE XXI</b><br><br><p>Les formes visibles de la grande<a href="#ancrage_21-1"><small><sup><span id="lien_21-1"> (1)</span></sup></small></a> Vertu émanent uniquement du Tao.</p><p>Voici quelle est la nature du Tao.</p><p>Il est vague, il est confus<a href="#ancrage_21-2"><small><sup><span id="lien_21-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’il est confus, qu’il est vague !</p><p>Au dedans de lui, il y a des images<a href="#ancrage_21-3"><small><sup><span id="lien_21-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’il est vague ; qu’il est confus !</p><p>Au dedans de lui, il y a des êtres<a href="#ancrage_21-4"><small><sup><span id="lien_21-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Qu’il est profond, qu’il est obscur ! </p><p>Au dedans de lui il y a une essence spirituelle<a href="#ancrage_21-5"><small><sup><span id="lien_21-5"> (5)</span></sup></small></a>. Cette essence spirituelle est profondément vraie<a href="#ancrage_21-6"><small><sup><span id="lien_21-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Au dedans de lui, réside le témoignage infaillible (de ce qu’il est)<a href="#ancrage_21-7"><small><sup><span id="lien_21-7"> (7)</span></sup></small></a> ; depuis les temps anciens jusqu’aujourd’hui,son nom n’a point passé. </p><p>Il donne issue (naissance)<a href="#ancrage_21-8"><small><sup><span id="lien_21-8"> (8)</span></sup></small></a> à tous les êtres.</p><p>Comment sais-je qu’il en est ainsi de tous les êtres ?(Je le sais) par le Tao<a href="#ancrage_21-9"><small><sup><span id="lien_21-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_21-1"><span id="ancrage_21-1">(1)</span></a> C’est-à-dire, tous les êtres visibles. E : Le mot <i>kong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">孔</span>veut dire « grand. » Depuis le ciel et la terre jusqu’aux dix mille êtres, toutes les choses qui ont un corps, une figure, et qui peuvent être vues, toutes ces choses, dis-je, sont les formes visibles (littéral. « le corps et la figure » ) de la grande Vertu (c’est-à-dire du Tao). C’est uniquement du Tao quelles sortent.</p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Le Tao n’a pas de corps. Quand il s’est mis en circulation (dans l’univers), il est devenu la Vertu, et alors il a pris une figure. C’est pourquoi la Vertu est la manifestation du Tao. On peut conclure de là que les figures (les formes sensibles) de tous les êtres sont la manifestation du Tao dans les créatures.</p><br><p><a href="#lien_21-2"><span id="ancrage_21-2">(2)</span></a> E : Les quatre épithètes <i>hoang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">炾</span>, <i>ho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">惚</span>, <i>yao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">窈</span>, <i>ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">冥</span>. « vague, confus, profond, obscur, » renferment également l’idée d’<i>invisible</i>. </p><br><p><a href="#lien_21-3"><span id="ancrage_21-3">(3)</span></a> A, C : Il est lui-même le modèle et l’image de tous les êtres.</p><br><p><a href="#lien_21-4"><span id="ancrage_21-4">(4)</span></a> E : Le Tao n’a ni corps ni forme visible. Mais, quoiqu’on le dise incorporel, au dedans de lui il renferme réellement des êtres. C : Il fournit la substance de tous les êtres. </p><br><p><a href="#lien_21-5"><span id="ancrage_21-5">(5)</span></a> B : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">其中有靈</span> « In medio ejus est <i>spiritus</i>. » C : Il est pur, il est un et sans mélange ; il est sans fard et sans ornements. E : Il est parfaitement vrai et exempt de fausseté. </p><br><p><a href="#lien_21-6"><span id="ancrage_21-6">(6)</span></a> E : Les mots <i>yeou-sin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有信</span> signifient « avoir, renfermer en soi un témoignage vrai, et ne pas faillir. » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有信驗而不忒</span> . Aliter <i>Sou-tseu-yeou : </i>(Il est fidèle) et ne nous trompe pas. <i>Liu-kie-fou : </i>Il est fidèle et ne faillit pas ; il est éternel et immuable. </p><br><p><a href="#lien_21-7"><span id="ancrage_21-7">(7)</span></a> E : Parmi tous les êtres, il n’y en a jamais eu un seul qui n’ait pas passé, c’est-à-dire qui n’ait pas eu une fin. Le Tao est le seul être dont on dise qu’il ne passe pas (littéral. « qu’il ne s’en va pas » ).</p><p>B : Dans le passé, il n’a pas eu de commencement ; dans le futur,il n’aura point de fin. De tout temps il a été invariable. Il ne change point et se conserve éternellement ; c’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : Son nom n’a point passé. </p><br><p><a href="#lien_21-8"><span id="ancrage_21-8">(8)</span></a> E : Le mot <i>youe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">閱</span> veut dire compter un à un des hommes qui sortent par une porte. <i>Lao-tseu</i> compare le Tao à une porte par laquelle passent tous les êtres pour arriver à la vie. Ce mot indique que tous les êtres sont venus l’un après l’autre par la Voie (par le Tao) ; mais le Tao ne s’en va pas avec eux. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit :Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, son nom n’a pas passé.</p><p><i>Ibid</i>. L’expression <i>tchong-fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">衆甫</span> désigne le ciel et la terre ainsi que tous les êtres. <i>Li-si-tchaï</i> et quelques autres interprètes ont expliqué <i>youe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">閱</span> par « voir, » et le mot <i>fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">甫</span> par « commencement. » — « Voici comment le saint homme peut voir (<i>youe</i>) le « commencement (<i>fou</i>) de tous (<i>tchong</i>) les êtres, et connaître d’où ils viennent… »</p><p>Le lecteur remarquera que cette explication de <i>youe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">閱</span> l’obligerait de faire rapporter ce verbe au saint homme, et non au Tao comme nous l’avons fait d’après l’exemple de <i>Sie-hoeï</i> (E). </p><br><p><a href="#lien_21-9"><span id="ancrage_21-9">(9)</span></a> E : Par quel art le sais-je ? Je le sais uniquement par le Tao. En effet, comme ils émanent tous ensemble du Tao, dès que je possède la mère, je connais ses enfants. — Le mot <i>mère</i> désigne le Tao, et le mot <i>enfants</i>, les êtres qui émanent de lui. </p><br>
<b>CHAPITRE XXII</b><br><br><p>Ce qui est incomplet<a href="#ancrage_22-1"><small><sup><span id="lien_22-1"> (1)</span></sup></small></a> devient entier.</p><p>Ce qui est courbé devient droit<a href="#ancrage_22-2"><small><sup><span id="lien_22-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Ce qui est creux devient plein<a href="#ancrage_22-3"><small><sup><span id="lien_22-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Ce qui est usé devient neuf<a href="#ancrage_22-4"><small><sup><span id="lien_22-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Avec peu (de désirs) on acquiert le Tao<a href="#ancrage_22-5"><small><sup><span id="lien_22-5"> (5)</span></sup></small></a> ; avec beaucoup (de désirs) on s’égare. </p><p>De là vient que le saint homme conserve l’Unité (le Tao), et il est le modèle du monde<a href="#ancrage_22-6"><small><sup><span id="lien_22-6"> (6)</span></sup></small></a>. </p><p>Il ne se met pas en lumière, c’est pourquoi il brille<a href="#ancrage_22-7"><small><sup><span id="lien_22-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Il ne s’approuve point, c’est pourquoi il jette de l’éclat<a href="#ancrage_22-8"><small><sup><span id="lien_22-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>Il ne se vante point, c’est pourquoi il a du mérite.</p><p>Il ne se glorifie point, c’est pourquoi il est le supérieur des autres<a href="#ancrage_22-9"><small><sup><span id="lien_22-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><p>Il ne lutte point<a href="#ancrage_22-10"><small><sup><span id="lien_22-10"> (10)</span></sup></small></a>, c’est pourquoi il n’y a personne dans l’empire qui puisse lutter contre lui.</p><p>L’axiome des anciens : <i>Ce qui est incomplet devient entier</i>,était-ce une expression vide de sens ?</p><p>Quand l’homme est devenu véritablement parfait, (le monde) vient se soumettre à lui<a href="#ancrage_22-11"><small><sup><span id="lien_22-11"> (11)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_22-1"><span id="ancrage_22-1">(1)</span></a> E : Les six premières phrases (jusqu’à <i>de là vient que</i>) sont toutes des locutions empruntées aux anciens.</p><p>Suivant E, le mot <i>khio</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">曲</span> (<i>vulgo</i> courbé) a ici le sens de <i>kioue</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">缺</span>, « ce à quoi il manque quelque chose pour être entier, » par exemple, la lune qui n’est pas encore dans son plein. Cette locution et la suivante doivent se prendre au figuré. Conf. chap. <span class="sc">xli, xlv</span>. E : Les six premières phrases sont expliquées plus bas par <i>Lao-tseu</i>,lorsqu’il dit : Il conserve l’Unité et il est le modèle du monde ; il ne se met pas en lumière, c’est pourquoi il brille, etc.</p><br><p><a href="#lien_22-2"><span id="ancrage_22-2">(2)</span></a> E : Par exemple, le ver, <i>tchi-ho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">尺蠖</span>, qui marche en se courbant et en s’allongeant. </p><br><p><a href="#lien_22-3"><span id="ancrage_22-3">(3)</span></a> C : Lorsque la terre est basse et creuse, l’eau s’y amasse. Cette phrase veut dire (E) que celui qui s’humilie se voit bientôt élevé (littéral. « reçoit de l’augmentation »). </p><br><p><a href="#lien_22-4"><span id="ancrage_22-4">(4)</span></a> E : C’est-à-dire celui qui recherche l’obscurité brille davantage de jour en jour. </p><br><p><a href="#lien_22-5"><span id="ancrage_22-5">(5)</span></a> E : <i>Chao-tse-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">少则得</span>, c’est-à-dire : Il se fait une loi de chercher le résumé (l’essentiel). <i>To-tse-hoe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多则惑</span>, c’est-à-dire :Celui qui a de vastes connaissances possède peu de choses importantes. </p><p>Par <i>koua</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寡</span> « choses peu nombreuses, » et <i>to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多</span> « choses nombreuses, » C entend les richesses, ou les connaissances qu’on acquiert par l’étude. Dans la pratique du Tao, dit-il, on n’a pas beaucoup de désirs, parce que le grand nombre de choses cause de la confusion. Si vous avez beaucoup de richesses, elles vous éblouissent ; si vous avez beaucoup acquis par l’étude, l’excès du savoir vous jette dans l’aveuglement.</p><p>H : L’homme saint oublie la prudence, renonce à l’étude et applique son cœur à une seule chose ; c’est pourquoi il arrive au Tao. Aussi l’auteur dit : « Avec peu de désirs on acquiert (le Tao) ; leur grand nombre nous égare. »</p><p>Les hommes du siècle cherchent à connaître et à voir beaucoup de choses, mais ils ne font que s’éloigner du Tao. Voilà pourquoi l’auteur dit : « Le grand nombre (des choses ou des désirs) nous égare. »</p><br><p><a href="#lien_22-6"><span id="ancrage_22-6">(6)</span></a> C : Il s’identifie avec le Tao, et alors il désire que tous les hommes suivent son exemple. </p><br><p><a href="#lien_22-7"><span id="ancrage_22-7">(7)</span></a> E : Il ne se vante point et ne se met point en évidence. </p><br><p><a href="#lien_22-8"><span id="ancrage_22-8">(8)</span></a> C : Il a du mérite et ne se glorifie pas, c’est pourquoi le monde lui renvoie (lui attribue) le mérite des grandes choses. </p><br><p><a href="#lien_22-9"><span id="ancrage_22-9">(9)</span></a> B : R est placé au-dessus des hommes et ne se prévaut point de sa prééminence. </p><br><p><a href="#lien_22-10"><span id="ancrage_22-10">(10)</span></a> B : Il s’abaisse (littéralement, « se plie ») pour suivre les avis des autres. </p><p>E : Nous disputons, parce que nous avons le moi (en allemand <i>das Ich</i>), c’est-à-dire notre individualité. Le saint homme ne dispute point, parce qu’il est dégagé du <i>moi</i>. La plus belle vertu est d’être dégagé du <i>moi ; </i>et alors quel est l’homme de l’empire qui pourra disputer ou lutter contre nous ? </p><br><p><a href="#lien_22-11"><span id="ancrage_22-11">(11)</span></a> <i>Aliter</i> B : Les hommes se réjouissent du fond du cœur et se soumettent sincèrement à lui. C’est au saint homme qu’il faut en rapporter (<i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">歸</span> ) le mérite. </p><p><i>Aliter</i> C : Ils reviennent (<i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">歸</span> ) à leur simplicité native. </p><br>
<b>CHAPITRE XXIII</b><br><br><p>Celui qui<a href="#ancrage_23-1"><small><sup><span id="lien_23-1"> (1)</span></sup></small></a> ne parle pas (arrive au) non-agir<a href="#ancrage_23-2"><small><sup><span id="lien_23-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Un vent rapide ne dure pas toute la matinée ; une pluie violente ne dure pas tout le jour<a href="#ancrage_23-3"><small><sup><span id="lien_23-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Qui est-ce qui produit ces deux choses ? Le ciel et la terre. </p><p>Si le ciel et la terre même ne peuvent subsister longtemps<a href="#ancrage_23-4"><small><sup><span id="lien_23-4"> (4)</span></sup></small></a>, à plus forte raison l’homme ! </p><p>C’est pourquoi si l’homme<a href="#ancrage_23-5"><small><sup><span id="lien_23-5"> (5)</span></sup></small></a> se livre au Tao, il s’identifie au Tao<a href="#ancrage_23-6"><small><sup><span id="lien_23-6"> (6)</span></sup></small></a> ; s’il se livre à la vertu<a href="#ancrage_23-7"><small><sup><span id="lien_23-7"> (7)</span></sup></small></a>, il s’identifie à la vertu<a href="#ancrage_23-8"><small><sup><span id="lien_23-8"> (8)</span></sup></small></a> ; s’il se livre au crime<a href="#ancrage_23-9"><small><sup><span id="lien_23-9"> (9)</span></sup></small></a>, il s’identifie au crime<a href="#ancrage_23-10"><small><sup><span id="lien_23-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui s’identifie au Tao gagne le Tao<a href="#ancrage_23-11"><small><sup><span id="lien_23-11"> (11)</span></sup></small></a> ; celui qui s’identifie à la vertu gagne la vertu<a href="#ancrage_23-12"><small><sup><span id="lien_23-12"> (12)</span></sup></small></a> ; celui qui s’identifie au crime gagne (la honte du) crime<a href="#ancrage_23-13"><small><sup><span id="lien_23-13"> (13)</span></sup></small></a>.</p><p>Si l’on ne croit pas fortement (au Tao), l’on finit par n’y plus croire<a href="#ancrage_23-14"><small><sup><span id="lien_23-14"> (14)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_23-1"><span id="ancrage_23-1">(1)</span></a> H : L’auteur veut dire, dans ce chapitre, que le saint homme oublie les paroles (ou renonce aux paroles) pour s’identifier au Tao. On a vu plus haut : « Celui qui parle beaucoup finit par être réduit au silence ; il vaut mieux garder le milieu. » Celui qui se laisse aller à la violence de son caractère et aime à discuter, s’éloigne de plus en plus du Tao. Plus bas <i>Lao-tseu</i> compare ces hommes qui aiment à discuter, et dont la loquacité ne peut se soutenir longtemps,à un vent rapide qui ne peut durer toute la matinée, et à une pluie violente qui ne peut durer tout le jour. Or le goût immodéré de la discussion vient d’une agitation intérieure de notre âme,de même qu’un vent rapide et une pluie violente sont produits par l’action désordonnée du ciel et de la terre. Si donc le trouble du ciel et de la terre ne peut durer longtemps, il en sera de même, à plus forte raison, de la loquacité de l’homme.</p><br><p><a href="#lien_23-2"><span id="ancrage_23-2">(2)</span></a> E : <i>Hi-yen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">希言</span>, c’est-à-dire <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無言</span> « ne pas parler. »H explique cette locution par <i>koua-yen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寡言</span> « parler peu. »</p><p>E : <i>Tseu-jen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自然</span>, c’est-à-dire <i>wou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無為</span> « pratiquer le <i>non-agir</i>. » Le <i>non-parler</i>, c’est-à-dire le silence absolu, parait une chose aisée et de peu d’importance, et cependant <i>Lao-tseu</i> le regarde comme la voie qui mène au <i>non-agir</i>. Si ceux qui étudient (le Tao) peuvent y réfléchir profondément, ils ne manqueront pas d’en voir bientôt les effets. </p><p><a href="#lien_23-3"><span id="ancrage_23-3">(3)</span></a> <i>Fo-houeï-tseu</i> (<i>Edit</i>. B) : L’homme doit rester calme et tranquille ;il ne doit pas imiter le vent fougueux ni la pluie impétueuse,qui, à cause de leur violence même, ne peuvent durer longtemps. Voyez la fin de la note 1. </p><br><p><a href="#lien_23-4"><span id="ancrage_23-4">(4)</span></a> Suivant <i>Ho-chang-kong</i>, il faut entendre ici, non la durée du ciel et de la terre, mais la durée des choses qu’ils produisent. Le ciel et la terre sont doués d’une vertu divine. Cependant, lorsqu’ils se sont unis ensemble pour produire un vent rapide et une pluie violente, ils ne peuvent les faire durer toute la matinée ou tout le jour. A plus forte raison l’homme ne pourra-t-il subsister longtemps,s’il se livre à des actes violents et désordonnés. E : les mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不能久</span> « ne pas durer longtemps » correspondent aux mots précédents :« ne pas durer toute une matinée, ne pas durer tout un jour. »</p><p><i>Ibid</i>. Le vent rapide et la pluie violente sont ici le symbole de la force, de la violence, de l’activité (que blâme <i>Lao-tseu</i>). Ce commentateur paraît penser qu’il s’agit ici du peu de durée qu’auraient le ciel et la terre, s’ils venaient à perdre leur assiette. Dans cette hypothèse,<i>Lao-tseu</i> supposerait qu’ils sont dans un repos absolu, et que ce repos est le gage de leur durée. On lit dans le chapitre <span class="sc">ii</span>,2e partie : Si la terre n’était pas en repos, elle se briserait.</p><br><p><a href="#lien_23-5"><span id="ancrage_23-5">(5)</span></a> E : Celui qui est vide, calme, silencieux, <i>non-agissant</i>, est celui qui se livre à la pratique du Tao. </p><br><p><a href="#lien_23-6"><span id="ancrage_23-6">(6)</span></a> E : Il subsiste longtemps comme le Tao. </p><br><p><a href="#lien_23-7"><span id="ancrage_23-7">(7)</span></a> Le texte chinois des lignes 8 à 10 (n° 41 à 74 incl.) me paraît presque inexplicable, sous le rapport de la syntaxe et des acceptions reçues. Les mots <i>te-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳者</span> et <i>chi-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失者</span> se prêtent difficilement à signifier <i>celui qui se livre à la vertu, celui qui se livre</i> au crime. Les quatre mots <i>chi-i-te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失亦徳之</span> sont encore plus douteux que les précédents. J’ai cependant mieux aimé suivre <i>Sie-hoeï</i> (E) et <i>Sou-tseu-yeou</i> que de laisser trente-quatre mots sans traduction. E : Celui qui est doué de piété filiale, de respect pour ses aînés, qui aime à faire le bien sans jamais se lasser, celui-là,dis-je, se livre à la vertu. </p><br><p><a href="#lien_23-8"><span id="ancrage_23-8">(8)</span></a> E : Il est estimable et entouré de félicités comme la vertu. </p><br><p><a href="#lien_23-9"><span id="ancrage_23-9">(9)</span></a> E : Les excès blâmables s’appellent <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失</span> Celui qui se révolte contre le Tao, qui se met en opposition avec la vertu et se croit en sûreté au milieu des dangers, ou lorsqu’il touche à sa perte,celui-là, dis-je, se livre au crime. </p><br><p><a href="#lien_23-10"><span id="ancrage_23-10">(10)</span></a> E : Il devient odieux et en butte aux calamités, comme le crime. </p><br><p><a href="#lien_23-11"><span id="ancrage_23-11">(11)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> regarde le mot <i>tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道</span> comme le régime direct du mot <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得</span> « acquérir. » Celui qui se conforme au Tao obtient le Tao. </p><br><p><a href="#lien_23-12"><span id="ancrage_23-12">(12)</span></a> Je suis encore <i>Sou-tseu-yeou</i>, qui explique le mot <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳</span> « vertu, » comme régime du verbe <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得</span> obtenir. »</p><br><p><a href="#lien_23-13"><span id="ancrage_23-13">(13)</span></a> La construction des quatre mots <i>chi-i-to-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失亦得之</span> étant exactement la même que celle de <i>tao-i-te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道亦得之</span>, <i>te-i-te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳亦得之</span>, j’ai cru pouvoir regarder le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失</span> « faute, crime, » comme le régime direct du verbe <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得</span> « acquérir, gagner ; » mais je suis loin de garantir une telle explication des quatre mots <i>chi-i-te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失亦得之</span> qui ont embarrassé tous les commentateurs de <i>Lao-tseu</i>.</p><p>H explique autrement <i>te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得之</span> « Ceux qui imitent la corruption du siècle <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">同於俗</span> aiment aussi (plusieurs éditions portent <i>lo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">樂</span> ) à se posséder eux-mêmes » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">亦樂自得</span>. Cette explication de <i>te-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得之</span> n’est pas admissible.</p><p>Aliter <i>Sou-tseu-yeou : </i>Si par malheur il échoue (chi <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失</span>) » quoiqu’il échoue dans ses entreprises <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">雖失於所為</span>, il ne peut manquer de réussir dans le Tao et la vertu <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">必有得於道徳</span>. Mais ce sens ne s’accorde point avec les mots précédents :<i>chi-tche-thong-iu-chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">失者同於失</span> « S’il se livre au crime,il s’identifie au crime. »</p><br><p><a href="#lien_23-14"><span id="ancrage_23-14">(14)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> : Celui qui ne connaît pas le Tao n’a pas une foi solide dans le Tao, et alors son défaut de foi s’augmente de jour en jour. </p><p><i>Aliter</i> A : Si le prince n’a point assez de confiance dans ses inférieurs,ceux-ci lui rendront la pareille. </p><p><i>Aliter</i> H : Celui qui a une véritable confiance en lui-même obtient la confiance des hommes du siècle, lors même qu’il ne parle pas. Mais ceux qui aiment à discuter, qui s’abandonnent sans cesse à l’intempérance de leur langue, plus ils parlent et moins on les croit. Cette incrédulité vient uniquement de ce qu’ils n’ont pas assez de confiance en eux mêmes. </p><br>
<b>CHAPITRE XXIV</b><br><br><p>Celui qui se dresse sur ses pieds ne peut se tenir droit<a href="#ancrage_24-1"><small><sup><span id="lien_24-1"> (1)</span></sup></small></a> ; celui qui étend les jambes ne peut marcher.</p><p>Celui qui tient à ses vues n’est point éclairé<a href="#ancrage_24-2"><small><sup><span id="lien_24-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui s’approuve lui-même ne brille pas<a href="#ancrage_24-3"><small><sup><span id="lien_24-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui se vante n’a point de mérite<a href="#ancrage_24-4"><small><sup><span id="lien_24-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui se glorifie<a href="#ancrage_24-5"><small><sup><span id="lien_24-5"> (5)</span></sup></small></a> ne subsiste pas longtemps<a href="#ancrage_24-6"><small><sup><span id="lien_24-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Si l’on juge cette conduite selon le Tao<a href="#ancrage_24-7"><small><sup><span id="lien_24-7"> (7)</span></sup></small></a>, on la compare à un reste d’aliments ou à un goitre hideux qui inspirent aux hommes un constant<a href="#ancrage_24-8"><small><sup><span id="lien_24-8"> (8)</span></sup></small></a> dégoût.</p><p>C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’attache pas<a href="#ancrage_24-9"><small><sup><span id="lien_24-9"> (9)</span></sup></small></a> à cela.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_24-1"><span id="ancrage_24-1">(1)</span></a> Celui qui se dresse sur la pointe des pieds veut s’exhausser pour voir plus loin ; celui qui étend les jambes en marchant veut allonger son pas. Ces deux comparaisons ont pour but de montrer que celui qui s’élève, qui cherche à se faire grand (en se vantant),ne pourra subsister longtemps. </p><p>H : Ce chapitre est la suite du précédent. Si ceux qui aiment à discuter ne peuvent subsister longtemps, de même ceux qui se tiennent sur la pointe du pied, ou allongent le pas, ne peuvent ni se tenir longtemps debout, ni marcher longtemps. L'auteur veut par là faire ressortir la faute de ceux qui cherchent à l’emporter par leur prudence. </p><p>C : Celui qui se dresse sur ses pieds ne cherche qu’à dépasser les autres de la tête, il ne sait pas qu’il ne peut se tenir ainsi debout pendant longtemps. Celui qui allonge le pas en marchant ne cherche qu’à dépasser les autres ; il ignore qu’il ne pourra marcher ainsi pendant longtemps. </p><p>E : L’auteur se sert de comparaisons faciles à saisir pour démontrer les axiomes qu’il rapporte plus bas.</p><br><p><a href="#lien_24-2"><span id="ancrage_24-2">(2)</span></a> B : Il s’imagine que les autres hommes de l’empire ne le valent pas. Alors il ne peut profiter de leurs qualités ou de leurs talents. C’est pourquoi il n’est pas éclairé. </p><br><p><a href="#lien_24-3"><span id="ancrage_24-3">(3)</span></a> B : Celui qui s’approuve lui-même avec une sorte de partialité (E : et qui blâme les autres) s’imagine que tous les autres hommes n’ont pas autant de capacité que lui ; alors il ne peut profiter de leurs talents. C’est pourquoi il ne brille pas. </p><br><p><a href="#lien_24-4"><span id="ancrage_24-4">(4)</span></a> B : Celui qui se vante de son mérite craint encore de n’être pas connu et estimé des hommes, et les hommes, au contraire, le méprisent. Voilà pourquoi il n’a pas de mérite (ou perd son mérite). </p><br><p><a href="#lien_24-5"><span id="ancrage_24-5">(5)</span></a> B : Celui qui se glorifie (H : Celui qui se prévaut de sa capacité) s’imagine que tous les autres hommes ne l’égalent pas.</p><br><p><a href="#lien_24-6"><span id="ancrage_24-6">(6)</span></a> H : De tels hommes aiment à vaincre les autres. Non-seulement ils n’acquièrent aucun mérite, mais en outre ils s’attirent promptement la mort. </p><br><p><a href="#lien_24-7"><span id="ancrage_24-7">(7)</span></a> J’ai traduit les mots <i>khi-iu-tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">其於道</span> d’après l’explication de <i>Sie-hoeï</i> E : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以道而論之</span>. G : Le mot <i>hing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">行</span> (<i>vulgo</i> marcher, ou agir) doit être lu comme s’il y avait <i>hing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">形</span>, « corps. » Anciennement ces deux mots se prenaient l’un pour l’autre. Cette lecture est également conseillée par le commentateur C. <i>Ibidem :</i> « <i>Sicut cibi reliquiœ</i> (<i>chi-tchi-iu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">食之餘</span>), sicut corporis <i>bronchocele</i> (<i>hing-tchi-tchouï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">形之贅</span>). » Ce sont là des choses pour lesquelles les hommes ont tous du dégoût (<i>cibi </i>reliquiœ<i> et </i>bronchocele<i> sunt res quas homines simul oderunt). </i></p><br><p><a href="#lien_24-8"><span id="ancrage_24-8">(8)</span></a> Dans la seconde phrase du chapitre <span class="sc">iv</span>, <i>Ho-chang-kong</i> rend le mot <i>hoe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">或</span> (<i>vulgo</i> peut-être, quelqu’un) par « constamment. »</p><br><p><a href="#lien_24-9"><span id="ancrage_24-9">(9)</span></a> C : L’homme qui possède le Tao persévère dans l’humilité ;nécessairement il ne s’attache pas à (il ne suit pas) cette conduite que blâme <i>Lao-tseu</i>. </p><br>
<b>CHAPITRE XXV</b><br><br><p>Il est un être confus<a href="#ancrage_25-1"><small><sup><span id="lien_25-1"> (1)</span></sup></small></a> qui existai} avant le ciel et la terre.</p><p>O qu’il est calme<a href="#ancrage_25-2"><small><sup><span id="lien_25-2"> (2)</span></sup></small></a> ! O qu’il est immatériel<a href="#ancrage_25-3"><small><sup><span id="lien_25-3"> (3)</span></sup></small></a> !</p><p>Il subsiste seul<a href="#ancrage_25-4"><small><sup><span id="lien_25-4"> (4)</span></sup></small></a> et ne change point<a href="#ancrage_25-5"><small><sup><span id="lien_25-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Il circule partout et ne périclite point<a href="#ancrage_25-6"><small><sup><span id="lien_25-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Il peut être regardé comme la mère de l’univers<a href="#ancrage_25-7"><small><sup><span id="lien_25-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><p>Moi, je ne sais pas son nom<a href="#ancrage_25-8"><small><sup><span id="lien_25-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>Pour lui donner un titre, je l’appelle <i>Voie</i> (Tao).</p><p>En m’efforçant de lui faire un nom, je l’appelle <i>grand</i><a href="#ancrage_25-9"><small><sup><span id="lien_25-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>De <i>grand</i>, je l’appelle <i>fugace</i><a href="#ancrage_25-10"><small><sup><span id="lien_25-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>De <i>fugace</i>, je l’appelle <i>éloigné</i><a href="#ancrage_25-11"><small><sup><span id="lien_25-11"> (11)</span></sup></small></a>.</p><p>D’<i>éloigné</i>, je l’appelle (l’être) qui <i>revient</i><a href="#ancrage_25-12"><small><sup><span id="lien_25-12"> (12)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi le Tao est <i>grand</i>, le ciel est <i>grand</i>, la terre est <i>grande</i>, le roi aussi est <i>grand</i><a href="#ancrage_25-13"><small><sup><span id="lien_25-13"> (13)</span></sup></small></a>.</p><p>Dans le monde, il y a quatre grandes choses, et le roi en est une<a href="#ancrage_25-14"><small><sup><span id="lien_25-14"> (14)</span></sup></small></a>. </p><p>L’homme<a href="#ancrage_25-15"><small><sup><span id="lien_25-15"> (15)</span></sup></small></a> imite la terre ; la terre imite le ciel<a href="#ancrage_25-16"><small><sup><span id="lien_25-16"> (16)</span></sup></small></a> ;le ciel imite le Tao ; le Tao imite sa nature.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_25-1"><span id="ancrage_25-1">(1)</span></a> Le mot <i>un</i> est emprunté aux commentaires C et H (<i>yeou-i-we</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有一物</span> « existit <i>unum</i> ens ») ; il détermine le sens et la construction de ce passage difficile qui a embarrassé la plupart des interprètes. </p><p>B : Les mots <i>hoen-tchhing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">混成</span> ont le sens de <i>hoen-lun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">渾淪</span>, c’est-à-dire « confus, ce qu’il est impossible de distinguer clairement. » <i>Ibidem : </i>Si par hasard on m’interroge sur cet être (le Tao), je répondrai : Il n’a ni commencement, ni fin (littéralement :<i>neque caput neque caudam habet</i>), il ne se modifie point, il ne change point ; il n’a pas de corps, il n’a pas une place déterminée ; il ne connaît ni le superflu, ni la pénurie, la diminution ni l’accroissement ;il ne s’éteint pas, il ne naît pas ; il n’est ni jaune ni rouge,ni blanc ni bleu ; il n’a ni intérieur ni extérieur, ni son ni odeur,ni bas ni haut, ni image ni éclat, etc. </p><br><p><a href="#lien_25-2"><span id="ancrage_25-2">(2)</span></a> C : Il n’a pas de voix qu’on puisse entendre. </p><br><p><a href="#lien_25-3"><span id="ancrage_25-3">(3)</span></a> A : Le mot <i>liao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寥</span> veut dire « vide et incorporel. » Le commentaire E explique les adjectifs <i>tsi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寂</span> et <i>liao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寥</span> par « incorporel. » Plusieurs interprètes m’autorisent à conserver à <i>tsi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">寂</span> le sens de « calme, tranquille. »</p><br><p><a href="#lien_25-4"><span id="ancrage_25-4">(4)</span></a> E : Tout être qui s’appuie sur quelque chose a une force solide ;s’il n’a rien qui l’aide et le soutienne, il fléchit et succombe. De là vient que ce qui est seul et isolé est sujet au changement. Tout être qui reste dans sa place est tranquille ; dès qu’il sort de ses limites, il rencontre des obstacles. De là vient que celui qui circule partout est exposé aux dangers. Le Tao n’a point de compagnon dans le monde. H se tient seul au delà des limites des êtres et n’a jamais changé. En haut, il s’élève jusqu’au ciel ; en bas, il pénètre jusqu’aux abîmes de la terre. Il circule dans tout l’univers et n’est jamais exposé à aucun danger. </p><br><p><a href="#lien_25-5"><span id="ancrage_25-5">(5)</span></a> C : Il subsiste éternellement. </p><br><p><a href="#lien_25-6"><span id="ancrage_25-6">(6)</span></a> A : La chaleur du soleil ne le brûle point ; l’humidité ne l’altère (littéral, « ne le moisit » ) point ; il traverse tous les corps et n’est exposé à aucun danger. </p><br><p><a href="#lien_25-7"><span id="ancrage_25-7">(7)</span></a> B : Il se répand au milieu du ciel et de la terre et dans le sein de tous les êtres ; il est la source de toutes les naissances, la racine de toutes les transformations. Le ciel, la terre, l’homme et toutes les autres créatures, ont besoin de lui pour vivre. (A) Il nourrit tous les êtres comme une mère nourrit ses enfants ; (B) c’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : On peut le regarder comme la mère de tous les êtres. </p><br><p><a href="#lien_25-8"><span id="ancrage_25-8">(8)</span></a> A : Ne voyant ni son corps, ni sa figure, je ne sais quel nom lui donner. Comme je vois « que tous les êtres arrivent à la vie par lui, je le qualifie du titre de Tao ou de Voie. » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">見萬物皆從道所生,故字之日道也</span> </p><br><p><a href="#lien_25-9"><span id="ancrage_25-9">(9)</span></a> A : Il est tellement élevé que rien n’est au-dessus de lui ; il enveloppe le monde et ne voit rien en dehors de lui. C’est pourquoi je l’appelle <i>grand</i>. </p><br><p><a href="#lien_25-10"><span id="ancrage_25-10">(10)</span></a> B : De l’idée de <i>grand</i> je passe à une autre idée pour le chercher,et je l’appelle <i>fugace</i>. A : Il n’est point comme le ciel qui reste constamment en haut, ni comme la terre qui reste constamment en bas. Il vous échappe et s’enfuit toujours, sans rester constamment dans le même lieu. </p><br><p><a href="#lien_25-11"><span id="ancrage_25-11">(11)</span></a> B : De l’idée de <i>fugace</i>, je passe à une autre idée pour le chercher, et je l’appelle <i>éloigné</i>. En effet, plus on le cherche et plus il paraît éloigné. (C) Il ne connaît aucune limite.</p><p>Pour bien traduire le mot <i>youen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">遠</span>, on aurait besoin d’un adjectif français signifiant <i>qui s’éloigne</i>, <i>qui va au loin</i>, comme les adjectifs grecs <span class="lang-grc" lang="grc"><i>teleporos, makroporos</i></span>. </p><br><p><a href="#lien_25-12"><span id="ancrage_25-12">(12)</span></a> Le mot <i>fan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">反</span> signifie littéralement <i>qui revient</i>. La langue française n’a point d’adjectif correspondant. On rendrait d’une manière heureuse l’idée de <i>Lao-tseu</i>, s’il était permis d’emprunter au grec l’épithète <i>palindrome</i> (<span class="lang-grc" lang="grc"><i>palindromos</i></span>). </p><p>C : Il revient dans le palais de l’intelligence (dans l’homme) et s’y enfonce de plus en plus. Après avoir fait le tour du monde,il le recommence ; après s’être éloigné immensément, il se rapproche. <i>Il revient</i>, et il suffit de le chercher dans le cœur de l’homme. </p><p>E : <i>Lao-tseu</i> change souvent les mots dont il se sert. Il montre par là que la vertu du Tao est sans bornes, et qu’une multitude de mots ne suffit pas pour l’exprimer complètement.</p><p><i>Ibidem : </i>Le Tao est la mère de l’univers, il nourrit également tous les êtres, et le ciel et la terre l’aident par la vertu combinée du principe <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span> « femelle, » et du principe <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span> mâle. » Voilà pourquoi ces trois choses sont grandes. Quoique ces trois choses subsistent, s’il n’y avait pas un roi, il leur serait impossible de gouverner les dix mille êtres. C’est pourquoi il a été nécessaire de donner le commandement à un homme, pour qu’il devînt le maître des peuples. De là vient que le roi aussi est grand.</p><br><p><a href="#lien_25-13"><span id="ancrage_25-13">(13)</span></a> H : Les hommes du siècle savent seulement que le roi est grand, et ils ne savent pas que le saint homme prend le ciel et la terre pour modèles. On voit par là que le ciel et la terre sont plus grands que le roi. Ils savent que le ciel et la terre sont grands ; ils ne savent pas que le ciel et la terre sont sortis du sein du Tao, et le prennent pour modèle. Aussi le Tao est-il plus grand que le ciel et la terre. Quoique le Tao soit certainement grand, il a cependant un nom, un titre, des attributs. Mais si l’on supprime son nom, si l’on efface son titre, ses attributs, il devient alors inaccessible aux sens et conforme à sa nature. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : Le Tao imite sa nature. </p><br><p><a href="#lien_25-14"><span id="ancrage_25-14">(14)</span></a> E : Dans le monde il n’y a que quatre grandes choses, et le roi en fait partie : n’est-ce pas le comble de la gloire ? Mais il faut absolument qu’il porte jusqu’à la perfection les qualités qui constituent sa grandeur, s’il veut être mis au nombre des quatre grandes choses. <i>Lao-tseu</i> s’exprime ainsi pour encourager puissamment les rois (à suivre la doctrine du Tao). </p><br><p><a href="#lien_25-15"><span id="ancrage_25-15">(15)</span></a> E : Le mot <i>jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人</span> « homme » indique le roi. La terre produit les dix mille êtres, et le roi les gouverne et les nourrit. Il imite la vertu de la terre. </p><br><p>(16) E : Le ciel couvre les dix mille êtres, et la terre les contient et les supporte ; elle répand sur eux les dons qu’elle reçoit du ciel. Le Tao conçoit, comme une mère, les dix mille êtres ; le ciel leur ouvre la voie et les amène à la vie. Il seconde ainsi les transforma tions opérées par le Tao. Le grand Tao est vide, immatériel, pur,tranquille et constamment inerte. Il se conforme à sa nature. C : Pour imiter (c’est-à-dire suivre) sa nature, il n’a qu'à rester ce qu’il est.</p><p><i>Liu-kie-fou : </i>Le Tao trouve en lui-même son fondement, sa racine ; (A) il n’a rien à imiter en dehors de lui. </p><br>
<b>CHAPITRE XXVI</b><br><br><p>Le grave est la racine du léger<a href="#ancrage_26-1"><small><sup><span id="lien_26-1"> (1)</span></sup></small></a> ; le calme est le maître du mouvement<a href="#ancrage_26-2"><small><sup><span id="lien_26-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>De là vient que le saint homme marche tout le jour (dans le Tao) et ne s’écarte point de la quiétude et de la gravité<a href="#ancrage_26-3"><small><sup><span id="lien_26-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Quoiqu’il possède des palais magnifiques, il reste calme et les fuit<a href="#ancrage_26-4"><small><sup><span id="lien_26-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Mais hélas ! les maîtres de<a href="#ancrage_26-5"><small><sup><span id="lien_26-5"> (5)</span></sup></small></a> dix mille chars se conduisent légèrement<a href="#ancrage_26-6"><small><sup><span id="lien_26-6"> (6)</span></sup></small></a> dans l’empire !</p><p>Par une conduite légère, on perd ses ministres<a href="#ancrage_26-7"><small><sup><span id="lien_26-7"> (7)</span></sup></small></a> ; par l’emportement des passions, on perd son trône<a href="#ancrage_26-8"><small><sup><span id="lien_26-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_26-1"><span id="ancrage_26-1">(1)</span></a> Les commentateurs ne sont pas d’accord sur le sens de <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">重</span>et de <i>king</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">輕</span>, Les uns (E, B) rendent le premier par « grave, » et le second par « léger, » au figuré ; les autres (A, <i>Sou-tseu</i>), par « lourd » et « léger. » E : <i>Lao-tseu</i> ne veut pas seulement montrer la différence qui existe entre le principal et l’accessoire, entre ce qui est noble et ce qui est vil ; il veut surtout montrer la différence qui existe entre les causes de la paix et du danger, du salut et de la mort. B : <i>Lao-tseu</i> veut que l’homme maîtrise ses passions à l'aide du calme et de la gravité. Celui qui est intérieurement grave est exempt de la légèreté des passions ; celui qui a le cœur calme n’est point sujet à l’emportement de la colère. <i>Han-feï</i> dit : Celui qui sait se contenir est grave, celui qui garde son assiette est en repos. L’homme grave peut soumettre l’homme léger, l’homme qui est en repos peut soumettre l’homme emporté. </p><p>Aliter <i>Sou-tseu-yeou : </i>Ce qui est léger ne peut porter ce qui est lourd, les petits ne peuvent subjuguer les grands, celui qui ne marche pas commande à celui qui marche, ce qui est immobile arrête ce qui est en mouvement ; c’est pourquoi le lourd est la racine du léger, le repos est le maître du (c’est-à-dire, maîtrise le) mouvement. A : Les fleurs des plantes et des arbres se dispersent parce qu’elles sont légères, leurs racines durent longtemps parce qu’elles sont pesantes. </p><p>H pense, contre l’opinion de tous les autres interprètes, que le mot <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">重</span> désigne notre personne, <i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">身</span>, et que le mot <i>king</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">輕</span> désigne les objets qui sont en dehors de nous, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">身外之物</span>. E, que je préfère suivre ici, regarde la gravité et le calme (dans la conduite) comme le principal, <i>pen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">本</span>, comme des choses estimables, <i>kouei</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">貴</span>, et la légèreté, les mouvements désordonnés,comme l’accessoire, <i>mo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">末</span>, comme des choses dignes de mépris,<i>tsien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">賤</span>. Dans quelque situation que se trouve le sage, il ne pêche jamais par légèreté ni par emportement, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">未當失於輕躁也</span>.</p><br><p><a href="#lien_26-2"><span id="ancrage_26-2">(2)</span></a> C’est-à-dire : Ce qui est calme maîtrise ce qui est impétueux. A : Si le prince des hommes n’est pas calme, il perd de son autorité imposante ; s’il ne gouverne pas son corps avec calme, son corps est en butte aux dangers. Le dragon peut se transformer parce qu’il est calme (<i>sic</i>) ; le tigre périt de bonne heure, parce qu’il s’abandonne à son impétuosité. </p><br><p><a href="#lien_26-3"><span id="ancrage_26-3">(3)</span></a> A : Le mot <i>tse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">輜</span> (<i>vulgo</i> char de bagages) veut dire ici <i>tsing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">靜</span>« calme. »</p><p>A : Le saint homme marche toujours dans la Voie (le Tao) et ne s’écarte point du calme et de la gravité.</p><br><p><a href="#lien_26-4"><span id="ancrage_26-4">(4)</span></a> H : <i>Yen-tchu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">燕處</span>, c’est-à-dire <i>thien-than</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">恬澹</span> « être calme. » A explique l’expression <i>tchao-jen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">超然</span> par « Il fuit au loin et n’y habite pas. » </p><br><p><a href="#lien_26-5"><span id="ancrage_26-5">(5)</span></a> A : Les mots <i>naï-ho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奈何</span> sont une expression de douleur,née de la haine que <i>Lao-tseu</i> portait aux princes de son temps.</p><p>H : Les mots « maître de dix mille chars » désignent l’empereur. </p><br><p><a href="#lien_26-6"><span id="ancrage_26-6">(6)</span></a> Je suis la construction et le sens de E, qui ajoute <i>iu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">於</span> « dans » avant les mots <i>thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天下</span> « empire. » <i>Ibidem :</i> Si le maître des hommes se conduit légèrement dans l’empire (c’est-à-dire,A : s’abandonne au luxe, à la volupté), des calamités et des malheurs ne manqueront pas de fondre sur lui. </p><br><p><a href="#lien_26-7"><span id="ancrage_26-7">(7)</span></a> E : Si le maître des hommes agit avec légèreté et négligence,ceux de ses ministres qui le savent, s’affligent en voyant qu’il est indigne de leur assistance et de leurs conseils, et ils forment le projet de le quitter. Alors il ne peut garder ses ministres.</p><br><p><a href="#lien_26-8"><span id="ancrage_26-8">(8)</span></a> E : S’il se laisse entraîner et agiter sans relâche par une multitude de désirs, les inférieurs abandonnent sa cause (ou se révoltent contre lui), et alors il est exposé à de graves dangers et même à la mort. Ainsi il ne peut garder la possession de ses états. </p><br>
<b>CHAPITRE XXVII</b><br><br><p>Celui qui sait marcher (dans le Tao) ne laisse pas de traces<a href="#ancrage_27-1"><small><sup><span id="lien_27-1"> (1)</span></sup></small></a> ; celui qui sait parler ne commet point de fautes ;celui qui sait compter ne se sert point d’instruments de calcul<a href="#ancrage_27-2"><small><sup><span id="lien_27-2"> (2)</span></sup></small></a> ; celui qui sait fermer (quelque chose) ne se sert point de verrou<a href="#ancrage_27-3"><small><sup><span id="lien_27-3"> (3)</span></sup></small></a>, et il est impossible de l’ouvrir ; celui qui sait lier (quelque chose) ne se sert point de cordes,et il est impossible de le délier<a href="#ancrage_27-4"><small><sup><span id="lien_27-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>De là vient que le Saint excelle<a href="#ancrage_27-5"><small><sup><span id="lien_27-5"> (5)</span></sup></small></a> constamment à sauver les hommes ; c’est pourquoi il n’abandonne pas les hommes. Il excelle constamment à sauver les êtres ; cest pourquoi il n’abandonne pas les êtres. </p><p>Cela s’appelle être doublement<a href="#ancrage_27-6"><small><sup><span id="lien_27-6"> (6)</span></sup></small></a> éclairé. </p><p>C’est pourquoi l’homme vertueux<a href="#ancrage_27-7"><small><sup><span id="lien_27-7"> (7)</span></sup></small></a> est le maître de celui qui n’est pas vertueux. </p><p>L’homme qui n’est pas vertueux est le secours<a href="#ancrage_27-8"><small><sup><span id="lien_27-8"> (8)</span></sup></small></a> de l’homme vertueux. </p><p>Si l’un n’estime<a href="#ancrage_27-9"><small><sup><span id="lien_27-9"> (9)</span></sup></small></a> pas son maître, si l’autre n’affectionne pas celui qui est son secours<a href="#ancrage_27-10"><small><sup><span id="lien_27-10"> (10)</span></sup></small></a>, quand on leur accorderait une grande prudence, ils sont plongés dans l’aveuglement<a href="#ancrage_27-11"><small><sup><span id="lien_27-11"> (11)</span></sup></small></a>. </p><p>Voilà ce qu’il y a de plus important et de plus subtil<a href="#ancrage_27-12"><small><sup><span id="lien_27-12"> (12)</span></sup></small></a>.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_27-1"><span id="ancrage_27-1">(1)</span></a> <i>Li-si-tchaï : </i>Il est impossible aux hommes vulgaires de marcher sans laisser des traces, de parler sans commettre des fautes, de compter sans instruments de calcul, de fermer une porte sans verrou,de lier quelque chose sans faire usage de cordes.</p><p>Mais il n’y a que l’homme en possession du Tao qui marche sans le secours de ses pieds, qui parle sans l’intermédiaire de sa bouche,qui calcule sans faire usage des facultés de son esprit. On ne peut ouvrir ce qu’il a fermé, ni détacher ce qu’il a lié (A : Il emprisonne ses passions, il enchaîne les désirs de son cœur), parce qu’il s’est identifié avec le Tao. </p><br><p><a href="#lien_27-2"><span id="ancrage_27-2">(2)</span></a> E : Les mots <i>tcheou-thse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">籌策</span> signifient « des fiches de bambou dont on se servait (anciennement) pour calculer. » </p><br><p><a href="#lien_27-3"><span id="ancrage_27-3">(3)</span></a> Les mots <i>kouan kien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">關楗</span> signifient « une traverse de bois qui sert à fermer une porte à deux battants. » Cette expression (dont la seconde syllabe peut s’écrire avec la clef 75) veut dire aussi « verrou, pêne. » <i>Hou-meou-tchi-ji-pin-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">户牡之几牝者</span>(Cf. Dict. <i>Pin-tseu-tsien</i>.) </p><br><p><a href="#lien_27-4"><span id="ancrage_27-4">(4)</span></a> E : Un homme vulgaire peut fermer une porte, mais on peut l’ouvrir ; il peut lier quelque chose, mais on peut le détacher. </p><br><p><a href="#lien_27-5"><span id="ancrage_27-5">(5)</span></a> E : Ceux que le monde appelle sages n’ont que des voies étroites. Ils donnent avec partialité et ne connaissent point la justice qui est large et libérale pour tous. Si un homme est vertueux,ils se réjouissent de le voir semblable à eux et le sauvent. Si un homme n’est pas vertueux, ils savent le haïr et ne savent pas l’aimer. De là vient qu’il y a beaucoup d’hommes et de créatures qu’ils abandonnent. Mais le saint homme a le cœur exempt de partialité, et il instruit les homme sans faire acception de personne (littéral. « sans choisir l’espèce » ). Il excelle constamment à sauver tous les hommes et toutes les créatures du monde ; c’est pourquoi il ne s’est pas encore trouvé un seul homme, une seule créature qu’il ait rejetés et qu’il ait refusé de sauver. </p><br><p><a href="#lien_27-6"><span id="ancrage_27-6">(6)</span></a> E : Le mot <i>si</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲</span> a le sens de <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">重</span>, « double ; » comme si l’on disait <i>tchong-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">重明</span>, « doublement éclairé. » <i>Lao-tseu</i> dit que la prudence du saint homme est (littéralement) éclairée et encore éclairée. </p><br><p><a href="#lien_27-7"><span id="ancrage_27-7">(7)</span></a> E : L’homme vertueux ne l’est pas pour lui seul ; il est destiné à être le modèle des hommes. Si les hommes qui ne sont pas vertueux peuvent imiter sa conduite, alors ils peuvent corriger leurs mauvaises qualités et arriver à la vertu. C’est en cela que l’homme vertueux est le maître (le précepteur) de ceux qui ne sont pas vertueux. </p><br><p><a href="#lien_27-8"><span id="ancrage_27-8">(8)</span></a> E : Le mot <i>tse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">資</span> a le sens de <i>tsou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">助</span>, « aide, secours. »<i>Ibidem : </i>L’homme dénué de vertu n’est pas nécessairement condamné à persévérer jusqu’à la fin dans le mal. (Son amélioration) dépend uniquement d’une bonne éducation. Si l’homme vertueux peut l’accueillir avec bienveillance et l’instruire, alors chacun d’eux acquerra du mérite, et l’homme vertueux en retirera à son tour un avantage marqué. C’est ainsi que l’homme qui n’est pas vertueux devient le secours de l’homme vertueux. </p><br><p><a href="#lien_27-9"><span id="ancrage_27-9">(9)</span></a> E : L’homme vertueux est le maître (le précepteur) de celui qui n’est pas vertueux. Si ce dernier se sépare entièrement du saint homme, s’il ne sait pas s’approcher de lui et s’attacher à sa personne pour profiter de ses avis ou de son exemple, c’est ne pas estimer son maître. </p><br><p><a href="#lien_27-10"><span id="ancrage_27-10">(10)</span></a> E : L’homme qui nest pas vertueux est le secours de l’homme vertueux. Si ce dernier rejette et abandonne entièrement l’homme qui n’est pas vertueux, s’il ne sait pas l’affectionner et l’instruire,c’est ne pas aimer celui qui est son secours. </p><br><p><a href="#lien_27-11"><span id="ancrage_27-11">(11)</span></a> E : En agissant ainsi, Tun et l’autre tiennent une conduite blâmable ; quand on pourrait les dire doués d’une grande prudence,il serait impossible de ne pas les regarder comme frappés d’aveuglement. </p><br><p><a href="#lien_27-12"><span id="ancrage_27-12">(12)</span></a> E : Voilà ce qu’on appelle la voie la plus importante ; elle est déliée et subtile ; aussi il y a bien peu de personnes qui la connaissent. Le philosophe Lie-Ueu dit : Le rôle du saint homme est d’instruire et de convertir les autres. Si donc la mission des saints et des sages est uniquement d’instruire et de convertir, l’occupation principale des hommes vulgaires doit être d’écouter et de suivre leurs instructions. Il n’y a rien au monde de plus important. </p><br>
<b>CHAPITRE XXVIII</b><br><br><p>Celui qui connaît sa force<a href="#ancrage_28-1"><small><sup><span id="lien_28-1"> (1)</span></sup></small></a> et garde la faiblesse, est la vallée de l’empire (c’est-à-dire le centre où accourt tout l’empire).</p><p>S’il est la vallée de l’empire, la vertu constante<a href="#ancrage_28-2"><small><sup><span id="lien_28-2"> (2)</span></sup></small></a> ne l’abandonnera pas ; il reviendra à l’état d’enfant<a href="#ancrage_28-3"><small><sup><span id="lien_28-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Celui qui connaît ses lumières<a href="#ancrage_28-4"><small><sup><span id="lien_28-4"> (4)</span></sup></small></a> et garde les ténèbres, est le modèle de l’empire. </p><p>S’il est le modèle de l’empire, la vertu constante<a href="#ancrage_28-5"><small><sup><span id="lien_28-5"> (5)</span></sup></small></a> ne faillira pas (en lui), et il reviendra<a href="#ancrage_28-6"><small><sup><span id="lien_28-6"> (6)</span></sup></small></a> au comble (de la pureté). </p><p>Celui qui connaît sa gloire<a href="#ancrage_28-7"><small><sup><span id="lien_28-7"> (7)</span></sup></small></a> et garde l’ignominie est aussi la vallée de l’empire<a href="#ancrage_28-8"><small><sup><span id="lien_28-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>S’il est la vallée de l’empire, sa vertu constante atteindra la perfection<a href="#ancrage_28-9"><small><sup><span id="lien_28-9"> (9)</span></sup></small></a> et il reviendra à la simplicité<a href="#ancrage_28-10"><small><sup><span id="lien_28-10"> (10)</span></sup></small></a> parfaite (au Tao). </p><p>Quand la simplicité parfaite (le Tao) s’est répandue<a href="#ancrage_28-11"><small><sup><span id="lien_28-11"> (11)</span></sup></small></a>, elle a formé les êtres<a href="#ancrage_28-12"><small><sup><span id="lien_28-12"> (12)</span></sup></small></a>. </p><p>Lorsque le saint homme est élevé aux emplois<a href="#ancrage_28-13"><small><sup><span id="lien_28-13"> (13)</span></sup></small></a>, il devient le chef des magistrats. Il gouverne<a href="#ancrage_28-14"><small><sup><span id="lien_28-14"> (14)</span></sup></small></a> grandement et ne blesse personne. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_28-1"><span id="ancrage_28-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>hiong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">雄</span>, « mâle, » désigne la dureté et la force ; le mot <i>thse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">雌</span>, « femelle, » la souplesse et la faiblesse ; le mot <i>pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">白</span>, « blanc, » les lumières ; le mot <i>he</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">黑</span>, « noir, » les ténèbres et l’obscurité (de l’esprit) ; le mot <i>yong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">榮</span>, les honneurs, l’élévation ; le mot <i>jo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">辱</span>, « déshonneur, » la bassesse, l’avilissement.</p><p>Les mots <i>hi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">溪</span> et <i>kou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">谷</span> signifient les vallées profondes où vont se déverser toutes les eaux.</p><p>Les mots <i>thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天下</span>, « <i>vulgo</i> univers, » sont employés ici par emphase pour désigner l’empire. Tous les hommes roides (inflexibles) et forts, ceux qui tiennent à leurs vues, ceux qui ont une haute idée d’eux-mêmes, cherchent à vaincre les hommes ; mais les hommes ne font que leur résister de plus en plus. </p><p>Les sages, qui savent que la roideur et la force ne peuvent durer,aiment à conserver leur souplesse et leur faiblesse (c’est-à-dire persévèrent à vouloir paraître souples et faibles) ; ils savent que les lumières éclatantes ne peuvent se conserver, et ils aiment à garder les ténèbres (c’est-à-dire à paraître constamment enveloppés de ténèbres) ; ils savent que les honneurs et la gloire ne peuvent se conserver,et ils aiment à rester dans l’humiliation et rabaissement. Mais parce qu’ils se sont mis après les autres hommes, ceux-ci les placent avant eux ; parce qu’ils se sont abaissés, les hommes les élèvent. Aussi l’univers vient se soumettre à eux (de même que les eaux se précipitent vers les vallées) ; l’univers les prend pour modèles.</p><br><p><a href="#lien_28-2"><span id="ancrage_28-2">(2)</span></a> E : Les mots <i>tchang-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長徳</span>, « vertu constante, » désignent la souplesse et la faiblesse, les ténèbres et l’obscurité (de l’esprit), l’abaissement et l’avilissement ; certes ce sont des qualités qui durent constamment. </p><br><p><a href="#lien_28-3"><span id="ancrage_28-3">(3)</span></a> Les mots <i>ing-eul</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">嬰兒</span>, « l’état d’enfant, » désignent ici la simplicité primitive. </p><p>E : Cette simplicité native, cette pureté sans bornes, l’homme les avait reçues dès l’origine, c’est-à-dire au moment de sa naissance. C’est pourquoi <i>Lao-tse</i> dit qu’on doit y revenir (lorsqu’on s’en est éloigné). </p><br><p><a href="#lien_28-4"><span id="ancrage_28-4">(4)</span></a> A : Quoique l’homme se sache éclairé, il doit conserver ses lumières en paraissant ignorant et comme enveloppé de ténèbres (de même qu’un homme riche conserve ses richesses en paraissant pauvre et dénué de tout). </p><br><p><a href="#lien_28-5"><span id="ancrage_28-5">(5)</span></a> A explique le mot <i>tch’ang</i>, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長</span> « constant, » dans le sens adverbial :Si l’homme peut être le modèle de l’empire, la vertu restera constamment en lui et ne lui fera pas défaut.</p><p>D’après la position des mots, j’ai mieux aimé rendre le mot <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長</span> adjectivement. (Voyez la note 2.) </p><br><p><a href="#lien_28-6"><span id="ancrage_28-6">(6)</span></a> E : Les mots <i>wou-ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無極</span> signifient « sans bornes. » Il n’est pas aisé de voir ce que <i>Lao-tseu</i> entend par « revenir à ce qui est sans bornes. » E les rapporte à la pureté et à la simplicité infinies de l'enfance. <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">嬰兒無極樸實</span>. </p><p>Suivant le commentateur <i>Chun-fou</i>, ces mots signifient qu’il est vide (<i>yen-khi-hiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">言其虚</span>), c’est-à-dire (B) qu’il ramène son cœur à l’exemption complète des désirs (<i>fo-sin-iu-wou-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">復心於無欲</span>). H croit qu’il s’agit d’arriver à une connaissance ou une science sans bornes. </p><br><p><a href="#lien_28-7"><span id="ancrage_28-7">(7)</span></a> A : Celui qui sait qu’il possède la gloire et les honneurs doit les conserver au moyen des opprobres (c’est-à-dire en paraissant couvert d’opprobres et de déshonneur). ( Voyez la note 4.) </p><br><p><a href="#lien_28-8"><span id="ancrage_28-8">(8)</span></a> A : Alors tous les hommes de l’empire viennent se soumettre à lui, de même que les eaux qui coulent des lieux élevés se précipitent dans les vallées profondes.</p><br><p><a href="#lien_28-9"><span id="ancrage_28-9">(9)</span></a> E : Le mot <i>tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">足</span> (<i>vulgo</i> suffire) signifie ici « complet, parfait. »</p><br><p><a href="#lien_28-10"><span id="ancrage_28-10">(10)</span></a> E (fol. 44. <i>r</i>. l. 1) : Le mot <i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">樸</span> veut dire ici « la pureté parfaite du Tao. »</p><br><p><a href="#lien_28-11"><span id="ancrage_28-11">(11)</span></a> E : Les mots <i>san-eul-weï-khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">散而為器</span> (littéralement :« être dispersé et devenir vase » ) veulent dire que le Tao se cache dans de petites œuvres. Or le Tao ne contient pas un seul être (matériel), et cependant il n’y a pas un seul des dix mille êtres qui ne sorte de lui. Une pièce de bois non taillé (B : c’est le sens primitif de <i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">樸</span>) ne renferme pas un vase ou un ustensile (de bois), et cependant il n’y a pas un vase ou un ustensile (de bois) qui ne soit fabriqué avec ce bois (lorsqu’il a perdu sa rudesse et sa grossièreté extérieure). </p><br><p><a href="#lien_28-12"><span id="ancrage_28-12">(12)</span></a> A : Le Tao s’est répandu et il a formé les esprits (<i>chin-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">神明</span>) ; il a coulé dans l’univers et il a formé le soleil et la lune ; il s’est divisé et il a formé les cinq éléments.</p><br><p><a href="#lien_28-13"><span id="ancrage_28-13">(13)</span></a> Jai suivi le sens de <i>Ho-chang-kong : </i>sa glose ching-yong <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">升用</span> signifie « être élévé aux emplois. » </p><br><p><a href="#lien_28-14"><span id="ancrage_28-14">(14)</span></a> A : Il gouverne (<i>iu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">御</span>) l’empire par le grand Tao et ne fait de mal à personne. </p><br>
<b>CHAPITRE XXIX</b><br><br><p>Si l’homme agit pour gouverner parfaitement<a href="#ancrage_29-1"><small><sup><span id="lien_29-1"> (1)</span></sup></small></a> l’empire,je vois qu’il n’y réussira pas. </p><p>L’empire est (comme) un vase divin (auquel l’homme) ne doit pas travailler<a href="#ancrage_29-2"><small><sup><span id="lien_29-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>S’il y travaille, il le détruit ; s’il veut le saisir, il le perd.</p><p>C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns marchent (en avant) et les autres suivent ; les uns réchauffent<a href="#ancrage_29-3"><small><sup><span id="lien_29-3"> (3)</span></sup></small></a> et les autres refroidissent ; les uns sont forts et les autres faibles ;les uns se meuvent et les autres s’arrêtent<a href="#ancrage_29-4"><small><sup><span id="lien_29-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>De là vient que le saint homme supprime les excès, le luxe et la magnificence<a href="#ancrage_29-5"><small><sup><span id="lien_29-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_29-1"><span id="ancrage_29-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>thsiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">取</span> (<i>vulgo</i> prendre) veut dire ici <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">致</span> « porter au comble, conduire à la perfection. » <i>Lao tseu</i> dit que les rois désirent porter à la perfection le gouvernement de l’empire,mais qu’ils ignorent la voie qu’il faut suivre pour y réussir. En effet,ils se livrent à l’action (le contraire du <i>non-agir</i>) ; c’est ne pas posséder l’art de bien gouverner l’empire. </p><p>D’après <i>Liu-kie-fou</i> et <i>Sou-tseu-yeou</i>, j’ai regardé le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">巳</span>comme une particule finale. </p><br><p><a href="#lien_28-2"><span id="ancrage_28-2">(2)</span></a> E : Littéralement : « Imperium est res hujusmodi : est sicut divinum vas, etc. » Voici quelle espèce de chose c’est que l’empire :c’est comme un vase divin qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de faire (de fabriquer). S’il travaille pour le perfectionner, il arrive au contraire à le détruire ; s’il le saisit pour le posséder, il arrive au contraire à le perdre. </p><br><p><a href="#lien_28-3"><span id="ancrage_28-3">(3)</span></a> A : Le mot <i>hiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">呵</span> veut dire « réchauffer, » le mot <i>tchoai</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">吹</span>signifie « refroidir. » </p><br><p><a href="#lien_28-4"><span id="ancrage_28-4">(4)</span></a> E : Telle est l’opposition mutuelle et l’inégalité naturelle des êtres. Ceux qui marchent (en avant), on ne peut faire qu’ils suivent ;ceux qui réchauffent (ou apportent de la chaleur, comme l’été), on ne peut faire qu’ils refroidissent (ou apportent du froid, comme l’hiver),c’est-à-dire on ne peut changer leur nature. C’est pourquoi on réussit sans peine à gouverner les êtres en se conformant à leur nature (c’est-à-dire en pratiquant le non-agir et en les laissant suivre leur impulsion innée). Mais si l’on contrarie leur nature et si l’on agit, on se donne beaucoup de peines et de tourment, et les créatures ne font que se troubler davantage. </p><br><p><a href="#lien_28-5"><span id="ancrage_28-5">(5)</span></a> A : C’est pourquoi le saint homme renonce à la musique et à la volupté (<i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">甚</span>) » à l’éclat et à la richesse des habits, aux délices de la table (<i>che</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奢</span>), à la magnificence des palais, des tours, des belvédères (<i>thaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">泰</span>). Après avoir réprimé ces trois choses (les excès,le luxe, la magnificence), il pratique le <i>non-agir</i>, et l’empire se convertit de lui-même. </p><p>Aliter <i>Sie-hoeï</i>. Cet interprète pense que les mots <i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">甚</span>, <i>che</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奢</span>, <i>thaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">泰</span>, ne signifient pas ici « le luxe, la volupté, les folles dépenses » (sens que ces mots ont reçu dans les siècles suivants),mais « une activité superflue et blâmable pour exécuter les choses « les plus aisées et les plus simples qui peuvent se faire naturellement. » </p><br>
<b>CHAPITRE XXX</b><br><br><p>Celui qui aide<a href="#ancrage_30-1"><small><sup><span id="lien_30-1"> (1)</span></sup></small></a> le maître des hommes par le Tao ne (doit pas) subjuguer l’empire par les armes<a href="#ancrage_30-2"><small><sup><span id="lien_30-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Quoi qu’on fasse aux hommes, ils rendent la pareille<a href="#ancrage_30-3"><small><sup><span id="lien_30-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Partout où séjournent les troupes<a href="#ancrage_30-4"><small><sup><span id="lien_30-4"> (4)</span></sup></small></a>, on voit naître les épines et les ronces.</p><p>A la suite des grandes guerres, il y a nécessairement des années de disette. </p><p>L’homme vertueux frappe un coup décisif et s’arrête<a href="#ancrage_30-5"><small><sup><span id="lien_30-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Il n’ose subjuguer l’empire par la force des armes<a href="#ancrage_30-6"><small><sup><span id="lien_30-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Il frappe un coup décisif et ne se vante point<a href="#ancrage_30-7"><small><sup><span id="lien_30-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Il frappe un coup décisif et ne se glorifie point. </p><p>Il frappe un coup décisif et ne s’enorgueillit point. </p><p>Il frappe un coup décisif et ne combat que par nécessité. </p><p>Il frappe un coup décisif et ne veut point paraître fort<a href="#ancrage_30-8"><small><sup><span id="lien_30-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>Quand les êtres sont arrivés à la plénitude de leur force, ils vieillissent<a href="#ancrage_30-9"><small><sup><span id="lien_30-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><p>Cela s’appelle ne pas imiter le Tao. Celui qui n’imite pas le Tao ne tarde pas à périr<a href="#ancrage_30-10"><small><sup><span id="lien_30-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_30-1"><span id="ancrage_30-1">(1)</span></a> C : Le maître des hommes doit pratiquer le <i>non-agir ; </i>mais d’ordinaire ceux qui l’aident (ses ministres) se livrent à l’<i>action</i>.</p><br><p><a href="#lien_30-2"><span id="ancrage_30-2">(2)</span></a> B : Les armes sont des instruments de malheur. On ne doit en faire usage que lorsqu’on ne peut s’en dispenser, par exemple,pour effrayer ceux qui oppriment ou immolent le peuple. </p><br><p><a href="#lien_30-3"><span id="ancrage_30-3">(3)</span></a> E : Cette phrase a le même sens que celle-ci (conf. <i>Mengtseu</i>,liv. I, p. 38) : « Ce qui vient de vous, vous reviendra ; » c’est-à-dire les hommes vous rendront le bien ou le mal que vous leur aurez fait. (C’est-à-dire ici : Si vous avez vaincu les hommes, ils chercheront à vous vaincre à leur tour.) Si vous (B) aimez à tuer les hommes,les hommes à leur tour vous tueront. </p><p>E : La guerre est le plus grand malheur qui puisse arriver à l’empire. Celui qui détruit la vie des hommes, qui ruine les royaumes, s’attire la colère des peuples et la haine des démons. Il ne manque jamais d’éprouver les châtiments que mérite sa conduite. </p><br><p><a href="#lien_30-4"><span id="ancrage_30-4">(4)</span></a> E : Quand les soldats séjournent longtemps dans les champs sans les quitter, on abandonne les travaux agricoles, et (B) les ronces y croissent en abondance. </p><br><p><a href="#lien_30-5"><span id="ancrage_30-5">(5)</span></a> E : Il livre une bataille décisive et s’arrête ; il n’ose pas chercher à devenir, par la force, le maître de l’empire. <i>Lia-kie-fou : </i>Ce mot <i>ko</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">果</span> (décider, frapper un coup décisif) a le sens de « vaincre les ennemis. » Si quelqu’un (B) tue son prince et excite une révolte,le sage ne peut se dispenser d’être l’instrument du ciel pour le punir de mort. Si quelqu’un envahit les frontières et trouble le peuple, il ne peut s’empêcher de prendre les armes pour l’arrêter. Mais il se contente de montrer une seule fois sa force invincible et termine aussitôt la lutte. </p><br><p><a href="#lien_30-6"><span id="ancrage_30-6">(6)</span></a> B, E : Il n’ose poursuivre le cours de ses succès, ni s’appuyer sur la multitude, pour devenir par la force le maître de l’empire. </p><br><p><a href="#lien_30-7"><span id="ancrage_30-7">(7)</span></a> B : Après avoir châtié les coupables et rétabli la paix, il ne doit pas se vanter de son habileté ni se glorifier de ses exploits. </p><br><p><a href="#lien_30-8"><span id="ancrage_30-8">(8)</span></a> B : S’il s’appuyait sur la supériorité de sa puissance pour consolider le royaume, on ne pourrait pas dire qu’il « aide par le Tao, le « maître des hommes. » Celui qui a vaincu sera nécessairement subjugué à son tour ; ce qui est florissant ne manque pas de dépérir. Telle est la nature des choses. </p><br><p><a href="#lien_30-9"><span id="ancrage_30-9">(9)</span></a> E : C’est parce que le Tao est mou et faible qu’il peut subsister longtemps. C’est pourquoi, quand les êtres (par exemple, les arbres) sont arrivés au plus haut degré de leur force, ils commencent à vieillir. </p><p>On voit par là que celui qui est devenu puissant par les armes ne pourra subsister longtemps. C’est pourquoi celui qui sait faire la guerre doit (dans l’occasion) prendre un parti décisif ; mais il ne faut pas qu’il cherche à dominer par la force des armes.</p><br><p><a href="#lien_30-10"><span id="ancrage_30-10">(10)</span></a> B : Si l’homme se prévaut de sa supériorité, c’est ce qu’on appelle se mettre en opposition avec le Tao (qui veut que l’on soit mou et faible). Celui qui se met en opposition avec le Tao ne tarde pas à périr. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXI</b><br><br><p>Les armes les plus excellentes<a href="#ancrage_31-1"><small><sup><span id="lien_31-1"> (1)</span></sup></small></a> sont des instruments de malheur<a href="#ancrage_31-2"><small><sup><span id="lien_31-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Tous les hommes<a href="#ancrage_31-3"><small><sup><span id="lien_31-3"> (3)</span></sup></small></a> les détestent. C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’y attache pas<a href="#ancrage_31-4"><small><sup><span id="lien_31-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>En temps de paix<a href="#ancrage_31-5"><small><sup><span id="lien_31-5"> (5)</span></sup></small></a>, le sage estime la gauche<a href="#ancrage_31-6"><small><sup><span id="lien_31-6"> (6)</span></sup></small></a> ; celui qui fait la guerre estime la droite.</p><p>Les armes sont des instruments de malheur ; ce ne sont point les instruments du sage.</p><p>Il ne s’en sert que lorsqu’il ne peut s’en dispenser, et met au premier rang le calme et le repos<a href="#ancrage_31-7"><small><sup><span id="lien_31-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>S’il triomphe, il ne s’en réjouit pas<a href="#ancrage_31-8"><small><sup><span id="lien_31-8"> (8)</span></sup></small></a>. S’en réjouir,c’est aimer à tuer les hommes<a href="#ancrage_31-9"><small><sup><span id="lien_31-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui aime à tuer les hommes ne peut réussir à régner sur l’empire<a href="#ancrage_31-10"><small><sup><span id="lien_31-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>Dans les événements heureux<a href="#ancrage_31-11"><small><sup><span id="lien_31-11"> (11)</span></sup></small></a>, on préfère la gauche ;dans les événements malheureux, on préfère la droite.</p><p>Le général en second occupe la gauche ; le général en chef occupe la droite.</p><p>Je veux dire qu’on le place suivant les rites funèbres.</p><p>Celui qui a tué une multitude d’hommes doit pleurer sur eux avec des larmes et des sanglots.</p><p>Celui qui a vaincu dans un combat, on le place suivant les rites funèbres<a href="#ancrage_31-12"><small><sup><span id="lien_31-12"> (12)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_31-1"><span id="ancrage_31-1">(1)</span></a> E : <i>Sse-ma-wen-kong</i> dit : Plus une arme est excellente (tranchante), plus elle blesse (ou tue) d’hommes. </p><br><p><a href="#lien_31-2"><span id="ancrage_31-2">(2)</span></a> B : On les appelle ainsi parce qu’elles sont destinées à tuer les hommes. </p><br><p><a href="#lien_31-3"><span id="ancrage_31-3">(3)</span></a> Le commentaire B explique le mot <i>we</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">物</span> (<i>vulgo</i> chose) par « homme. » Les hommes les détestent. Aucun commentaire n’a donné le sens de <i>hoe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">或</span> (<i>vulgo</i> quelqu’un, peut-être). Dans la seconde phrase du chap. <span class="sc">iv</span> (liv. I), <i>Ho-chang-kong</i> l’explique par « constamment <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span>. »</p><br><p><a href="#lien_31-4"><span id="ancrage_31-4">(4)</span></a> B : Il ne fait pas usage des armes.</p><br><p><a href="#lien_31-5"><span id="ancrage_31-5">(5)</span></a> Ce sens est tiré de <i>Liu-kie-fou</i> qui explique <i>kiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">居</span> par les mots '<i>phing-kiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">丕居</span>. </p><br><p><a href="#lien_31-6"><span id="ancrage_31-6">(6)</span></a> E : Le mot <i>tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">左</span> « côté gauche » se rapporte au principe actif, <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span> ; il est le symbole de la vie ; aussi (B), dans les événements heureux (par exemple, dans les mariages), on préfère la gauche. Le mot <i>yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">右</span> « côté droit » se rapporte au principe inerte, <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span> ; il est le symbole de la mort ; aussi, dans les événements malheureux (par exemple, dans les funérailles), on préfère la droite. </p><br><p><a href="#lien_31-7"><span id="ancrage_31-7">(7)</span></a> B : Les mots <i>thien-tan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">恬澹</span> signifient « le calme, le repos,le <i>non-agir</i>. » Comme il songe constamment au calme, au <i>non-agir</i>,il s’abstient de livrer bataille. Celui qui croit que le meilleur plan est de ne pas livrer bataille montre qu’il fait le plus grand cas de la vie des hommes. </p><br><p><a href="#lien_31-8"><span id="ancrage_31-8">(8)</span></a> E : Les mots <i>pou-meï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不美</span> signifient littéralement : « ne pas regarder comme beau, comme louable ; » c’est-à-dire, il n’approuve pas la victoire qu’il a remportée. E : Quoique les armes aient servi à remporter la victoire, elles ont tué nécessairement beaucoup d’hommes ; c’est pourquoi, au fond de son cœur, le sage ne se réjouit pas de sa victoire » (E, H). — Quelques commentateurs font rapporter le mot <i>mei</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">美</span> aux armes, et l’expliquent par : « il ne les estime pas (les armes). » </p><br><p><a href="#lien_31-9"><span id="ancrage_31-9">(9)</span></a> E : Si quelqu’un se réjouit de sa victoire, c’est qu’il est dépouillé de tout sentiment de pitié et qu’il aime à tuer les hommes. </p><br><p><a href="#lien_31-10"><span id="ancrage_31-10">(10)</span></a> E : Si un prince aime à tuer les hommes, le ciel l’abandonne à jamais et les peuples se révoltent contre lui. Jamais un tel homme n’est parvenu à régner longtemps sur l’empire. </p><br><p><a href="#lien_31-11"><span id="ancrage_31-11">(11)</span></a> E : En cet endroit l’auteur revient sur la pensée exprimée plus haut : en temps de paix, le sage estime la gauche ; celui qui fait la guerre estime la droite. (Voyez plus haut, note 6.)</p><p>B : Le général en second est en réalité au-dessous du général en chef ; pourquoi le place-t-on à gauche (c’est-à-dire, à la place qui répond au principe actif <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span> et qui est le symbole de la vie) ?Pourquoi place-t-on le général en chef à droite ( c’est-à-dire à la place qui répond au principe inerte <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span> et qui est le symbole de la mort) ? En voici la raison. L’emploi des armes est une cause de deuil. Si ce dernier remporte la victoire et qu’il ait tué un grand nombre d’hommes, on se conforme aux rites des funérailles et on le place à droite. Le général en second occupe la gauche, parce qu’il (A) n’a pas le droit de présider au carnage, ni même de tuer un ennemi de son autorité privée. </p><p>(12) A : Dans l’antiquité, quand un général avait remporté la victoire, il prenait le deuil. Il se mettait (dans le temple) à la place de celui qui préside aux rites funèbres, et, vêtu de vêtements unis,il pleurait et poussait des sanglots. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXII</b><br><br><p>Le Tao<a href="#ancrage_32-1"><small><sup><span id="lien_32-1"> (1)</span></sup></small></a> est éternel et il n’a pas de nom.</p><p>Quoiqu’il soit petit<a href="#ancrage_32-2"><small><sup><span id="lien_32-2"> (2)</span></sup></small></a> de sa nature, le monde entier ne pourrait le subjuguer<a href="#ancrage_32-3"><small><sup><span id="lien_32-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Si les vassaux et les rois peuvent le conserver<a href="#ancrage_32-4"><small><sup><span id="lien_32-4"> (4)</span></sup></small></a> tous les êtres viendront spontanément se soumettre à eux.</p><p>Le ciel et la terre s’uniront ensemble pour faire descendre une douce rosée, et les peuples se pacifieront d’eux-mêmes sans que personne le leur ordonne.</p><p>Dès que le Tao se fut divisé<a href="#ancrage_32-5"><small><sup><span id="lien_32-5"> (5)</span></sup></small></a>, il eut un nom. </p><p>Ce nom une fois établi, il faut savoir se retenir<a href="#ancrage_32-6"><small><sup><span id="lien_32-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui sait se retenir<a href="#ancrage_32-7"><small><sup><span id="lien_32-7"> (7)</span></sup></small></a> ne périclite jamais.</p><p>Le Tao est répandu dans l’univers<a href="#ancrage_32-8"><small><sup><span id="lien_32-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>(Tous les êtres retournent à lui) comme les rivières et les ruisseaux des montagnes retournent aux fleuves et aux mers<a href="#ancrage_32-9"><small><sup><span id="lien_32-9"> (9)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_32-1"><span id="ancrage_32-1">(1)</span></a> E : Si on l’appelle Tao, c’est uniquement parce qu’on s’est efforcé de donner un nom à ce qui n’a pas de nom. </p><br><p><a href="#lien_32-2"><span id="ancrage_32-2">(2)</span></a> E : Le corps (<i>sic</i>) du Tao est extrêmement délié ; mais, dès qu’on en fait usage, il devient immensément grand. </p><br><p><a href="#lien_32-3"><span id="ancrage_32-3">(3)</span></a> E : <i>Lao-tseu</i> veut dire que le Tao est infiniment honorable et ne voit rien au-dessus de lui. </p><p><i>Lia-kie-fou : </i>Le ciel et la terre ont eu besoin de lui pour commencer à naître ; tous les êtres se reposent sur lui pour vivre. Qui oserait subjuguer celui de qui il tient son origine et sa vie ?</p><br><p><a href="#lien_32-4"><span id="ancrage_32-4">(4)</span></a> E : Le ciel et la terre, les hommes et les êtres tirent leur origine du Tao. C’est pourquoi ils peuvent s’influencer mutuellement et se correspondre tour à tour. Si les vassaux et les rois peuvent véritablement conserver le Tao, tous les êtres viendront se soumettre à eux ; le ciel et la terre entreront d’eux-mêmes en bonne harmonie, et les cent familles (les peuples) se pacifieront spontanément. </p><br><p><a href="#lien_32-5"><span id="ancrage_32-5">(5)</span></a> E : Les mots <i>chi-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">始制</span> (ici, commencer à se diviser) répondent au mot <i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">樸</span> (nature simple) de la seconde phrase, et les mois <i>yeou-ming</i>, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有名</span> (avoir un nom) répondent aux mots <i>wou-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無名</span> (il n’a pas de nom) de la première. </p><p>E : La nature simple (<i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撲</span>) du Tao n’a pas de nom. Après quelle eut commencé (<i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">始</span>) à être divisée (<i>sic</i> E <i>infra</i>), alors le Tao a eu un nom. </p><p><i>Ibid</i>. Le mot <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">制</span> (<i>vulgo</i> faire) veut dire ici que sa nature simple (<i>po</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撲</span>) a été (pour ainsi dire) taillée, divisée, fractionnée pour former les êtres. </p><p>Le Tao, dit <i>Sie-hoeï</i> (chap. <span class="sc">i</span>), est de sa nature vide et immatériel. A l’époque où les êtres n’avaient pas encore commencé à exister, on ne pouvait lui donner un nom. Mais lorsque son influence divine eut opéré des transformations, et que l’être fut sorti (ou que les êtres furent sortis) du <i>non-être</i>, alors il a reçu son nom des êtres. En effet,dès que le ciel et la terre eurent reçu l’existence, alors tous les êtres naquirent du Tao ; c’est pourquoi il est regardé comme la mère de tous les êtres. </p><p>Le sens de « il faut, » donné à <i>tsiang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">將</span>, se trouve aussi dans <i>Meng-tseu</i>, liv. I, pag. 91, lig. 7. </p><br><p><a href="#lien_32-6"><span id="ancrage_32-6">(6)</span></a> Le Tao n’a eu un nom qu’après qu’il se fut manifesté dans le monde par la naissance des êtres. Ainsi cette phrase : « Ce nom étant une fois établi, » semble renfermer implicitement celle-ci : « Les êtres étant une fois créés. » Alors il faut savoir s’arrêter, c’est-à-dire suivant C et <i>Pi-ching</i>, il ne faut pas se laisser entraîner et séduire par les choses sensibles, il faut rester dans une quiétude parfaite et se suffire à soi-même ; alors on ne sera exposé à aucun danger. </p><br><p><a href="#lien_32-7"><span id="ancrage_32-7">(7)</span></a> Voyez la dernière phrase de la note 6.</p><br><p><a href="#lien_32-8"><span id="ancrage_32-8">(8)</span></a> B : Le Tao est répandu dans l’univers ; il n’y a pas une créature qui ne le possède, pas un lieu où il ne se trouve.</p><p>La phrase : « De même que l’eau des rivières retourne nécessairement vers la mer, » signifie que, dans l’univers, toutes choses retournent nécessairement au Tao. </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Les rivières et les mers sont le lieu où se réunissent les eaux ; les rivières et les ruisseaux des montagnes sont des portions et comme des subdivisions des eaux. Le Tao est l’origine de tous les êtres ; tous les êtres sont des ramifications du Tao. </p><p>Toutes les rivières et les ruisseaux des montagnes reviennent au point central où se réunissent les eaux, et de même tous les êtres vont se rendre à leur origine (c’est-à-dire, rentrent dans le Tao d’où ils sont sortis). </p><br><p><a href="#lien_32-9"><span id="ancrage_32-9">(9)</span></a> E : Ce dernier passage a pour but d’inculquer fortement aux vassaux et aux rois l’obligation de conserver le Tao, dont la pratique leur assurera la protection du ciel et la soumission des hommes.</p><p>J’ai ajouté les mots « les êtres retournent à lui, » pour mettre ma traduction en harmonie avec les meilleurs commentaires. Du reste,sans ce sous-entendu, il serait impossible de donner un sens à la dernière phrase de ce chapitre. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXIII</b><br><br><p>Celui qui connaît<a href="#ancrage_33-1"><small><sup><span id="lien_33-1"> (1)</span></sup></small></a> les hommes est prudent.</p><p>Celui qui se connaît lui-même est éclairé.</p><p>Celui qui dompte les hommes est puissant.</p><p>Celui qui se dompte lui-même est fort.</p><p>Celui qui sait se suffire<a href="#ancrage_33-2"><small><sup><span id="lien_33-2"> (2)</span></sup></small></a> est assez riche.</p><p>Celui qui agit avec énergie<a href="#ancrage_33-3"><small><sup><span id="lien_33-3"> (3)</span></sup></small></a> est doué d’une ferme volonté.</p><p>Celui qui ne s’écarte point de sa nature<a href="#ancrage_33-4"><small><sup><span id="lien_33-4"> (4)</span></sup></small></a> subsiste longtemps.</p><p>Celui qui meurt et ne périt pas<a href="#ancrage_33-5"><small><sup><span id="lien_33-5"> (5)</span></sup></small></a> jouit d’une (éternelle) longévité.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_33-1"><span id="ancrage_33-1">(1)</span></a> E : Celui qui a assez de perspicacité pour connaître les hommes et les distinguer les uns des autres, peut s’appeler doué de prudence ; mais cela n’est pas aussi difficile que de se connaître soi-même. Celui-là seul qui peut connaître sa nature, mérite d’être regardé comme l’homme le plus éclairé du monde.</p><p>Celui qui a assez de courage pour vaincre les hommes et les subjuguer, peut s’appeler doué de force ; mais cela n’est pas aussi difficile que de se vaincre soi-même. </p><p>Celui-là seul qui peut vaincre ses passions, mérite d’être appelé le plus fort de tout l’univers. </p><p>C : Celui qui connaît les hommes est prudent ; il voit les choses extérieures. Son savoir se borne à connaître les bonnes ou les mauvaises qualités des hommes, la supériorité ou l’infériorité de leurs talents. Celui qui se connaît lui-même est éclairé ; il est doué d’une vue intérieure. Celui-là seul est capable de se connaître lui-même,qui concentre en lui-même son ouïe pour entendre ce qui n’a pas de son (le Tao), et sa vue pour voir ce qui n’a pas de corps (le Tao). </p><br><p><a href="#lien_33-2"><span id="ancrage_33-2">(2)</span></a> E : Celui qui ne sait pas se suffire, a des désirs insatiables ;quand il aurait des richesses surabondantes, il serait constamment dans le besoin (littéral. « comme n’ayant pas sa suffisance » ). Un tel homme ne peut s’appeler riche. Celui-là seul mérite ce nom, qui se suffit à lui-même, qui reste calme et exempt de désirs, et qui est riche du peu qu’il possède. </p><br><p><a href="#lien_33-3"><span id="ancrage_33-3">(3)</span></a> E : « Celui qui ne peut agir avec énergie (pour arriver au Tao),échoue souvent dans ses desseins. Sa volonté ne mérite pas d’être citée. Mais le sage qui agit avec énergie, avance sans cesse (dans le Tao) ; plus le Tao lui paraît éloigné, et plus sa volonté s’anime à le chercher. On peut dire qu’il est doué d’une forte volonté. »</p><p>Cette explication paraîtrait contraire au système de <i>Lao-tseu</i>, si l'on ne se rappelait qu’il ne blâme l’usage de la force et de l’énergie qu’autant qu’on les applique à la recherche des choses mondaines. </p><br><p><a href="#lien_33-4"><span id="ancrage_33-4">(4)</span></a> E : Chaque être a son essence particulière. Celui qui s’en écarte périt promptement ; celui qui la conserve subsiste longtemps. S’il en est ainsi des êtres, à plus forte raison du cœur. Ne point s’écarter de la pureté, c’est ce que Lao-tseu appelle <i>pou-chi-khi-so</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不失其所</span>, c’est-à-dire, « ne point perdre sa nature. »</p><br><p><a href="#lien_33-5"><span id="ancrage_33-5">(5)</span></a> Ce passage difficile a beaucoup embarrassé les commentateurs. Je rapporterai les principales interprétations qu’il a reçues.</p><p>C pense que le mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">死</span> « mourir » s’applique à la mort du corps, et <i>pou-wang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不亡</span> « ne pas périr » à l’immortalité de l’esprit (de l’âme). Il s’appuie du passage suivant de l’ouvrage intitulé <i>Tan-king</i> : « Le cœur meurt, mais l’esprit (l’âme) vit toujours. L'âme sensitive s’éteint, mais l’âme spirituelle conserve sa lumière. »</p><p><i>Nong-sse : </i>Les expressions <i>pou-hoa</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不化</span> « ne point se transformer » du philosophe <i>Lie-tseu</i>, <i>pou-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">[]</span> « ne pas mourir »du philosophe <i>Tchouang-tseu</i>, <i>pou-mie</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不滅</span> « ne pas s’éteindre »des Bouddhistes, ont absolument le même sens. Le corps humain est comme l’enveloppe d’une cigale ou la dépouille d’un serpent. Nous n’y faisons qu’un séjour passager. Or, lorsque la peau de la cigale est desséchée, la cigale n’est pas encore morte ; lorsque l’enveloppe du serpent est décomposée (littéral. « putréfiée » ), le serpent n’est pas encore mort. </p><p>E : La vie animale se dissipe, mais l’âme subsiste toujours.</p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Malgré les grands changements qu’on appelle la vie et la mort, sa nature (la nature du sage) conserve sa pureté et ne périt point. C’est ainsi que les hommes parfaits de l’antiquité ont pu échapper aux changements de la vie et de la mort. </p><p><i>Li-si-tchaï : </i>Le sage regarde la vie et la mort comme le matin et le soir. 11 existe et ne tient pas à la vie ; il meurt et ne périt pas. C’est là ce qu’on appelle la longévité. </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE XXXIV</b><br><br><p>Le Tao<a href="#ancrage_34-1"><small><sup><span id="lien_34-1"> (1)</span></sup></small></a> s’étend partout ; il peut aller à gauche comme à droite<a href="#ancrage_34-2"><small><sup><span id="lien_34-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Tous les êtres comptent sur lui pour naître, et il ne les repousse point<a href="#ancrage_34-3"><small><sup><span id="lien_34-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand ses mérites sont accomplis, il ne se les attribue point<a href="#ancrage_34-4"><small><sup><span id="lien_34-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Il aime et nourrit tous les êtres, et ne se regarde pas comme leur maître<a href="#ancrage_34-5"><small><sup><span id="lien_34-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Il est constamment sans désirs : on peut l’appeler <i>petit</i><a href="#ancrage_34-6"><small><sup><span id="lien_34-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Tous les êtres se soumettent à lui, et il ne se regarde pas comme leur maître : on peut l’appeler <i>grand</i><a href="#ancrage_34-7"><small><sup><span id="lien_34-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><p>De là vient que, jusqu’à la fin de sa vie, le saint homme ne s’estime pas grand<a href="#ancrage_34-8"><small><sup><span id="lien_34-8">  (8)</span></sup></small></a>. </p><p>C’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_34-1"><span id="ancrage_34-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>fan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">汎</span> (littéral. « flotter » ) veut dire ici que le Tao coule (s’étend) partout sans être arrêté par aucun obstacle.</p><p>Le commentateur C a pris de même le mot <i>fan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">汎</span> dans le sens de <i>fan-lan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">汎泛</span> « inundare. » Le Tao déborde partout, il n’y a pas de lieu où il n’arrive. B : Il coule partout, dans le ciel et la terre et dans le sein des dix mille êtres ; il est à droite, il est à gauche ; il n’a point de corps, point de nom déterminés.</p><br><p><a href="#lien_34-2"><span id="ancrage_34-2">(2)</span></a> E : Cette expression veut dire que rien ne lui est impossible. </p><br><p><a href="#lien_34-3"><span id="ancrage_34-3">(3)</span></a> E : Toutes les fois que les créatures commencent à naître,elles ont nécessairement besoin de l’assistance du Tao pour arriver à la vie. Le Tao leur fournit tout ce qu’elles lui demandent et ne les repousse jamais. </p><br><p><a href="#lien_34-4"><span id="ancrage_34-4">(4)</span></a> E : Lorsque les créatures sont nées et formées, c’est au Tao qu’appartient le mérite de les avoir produites et nourries.</p><p>Lorsqu’enfin elles sont parvenues à leur entier développement, le Tao ne s’attache pas au mérite qui en découle, et ne les regarde pas comme son bien (littéral. « ne les nomme pas son avoir » ). </p><br><p><a href="#lien_34-5"><span id="ancrage_34-5">(5)</span></a> E : Dans l’origine, il leur a donné la vie, et à la fin il les conduit à leur entier développement ; on peut dire qu’il aime et nourrit de la manière la plus parfaite tous les êtres de l’univers. Cependant,quoiqu’il comble les êtres de ses bienfaits, jamais il ne se regarde comme leur maître. En général, lorsqu’un homme s’est livré à un travail, il ne manque pas de se fatiguer. Qui pourrait, comme le Tao, suffire complètement au travail qu’exige la production des êtres,et ne refuser à aucun d’eux l’assistance dont il a besoin ?</p><p>Lorsqu’un homme a acquis du mérite, il ne manque pas de s’y attacher (et de s’en faire gloire). Qui pourrait, comme le Tao, parvenir au comble du mérite et le regarder comme s’il lui était étranger ?</p><p>Si quelqu’un nourrit lui-même un enfant, il devient nécessairement son maître. Qui pourrait, comme le Tao, porter au suprême degré la vertu qui fait aimer et nourrir les êtres, et ne pas les regarder comme son bien particulier ? C’est par là que le Tao est grand. </p><br><p><a href="#lien_34-6"><span id="ancrage_34-6">(6)</span></a> A : Le Tao voile sa vertu et cache son nom. Il est constamment inerte ; il semble extrêmement petit et délié. E : Le Tao est calme et sans désirs ; il existe et il paraît comme n’existant pas ; il est plein et il paraît vide. On peut presque l’appeler <i>petit</i>. </p><br><p><a href="#lien_34-7"><span id="ancrage_34-7">(7)</span></a> E : Quand tous les êtres se sont soumis au Tao, à la fin il se détache d’eux comme s’ils lui étaient étrangers. On peut l’appeler <i>grand</i>. </p><br><p><a href="#lien_34-8"><span id="ancrage_34-8">(8)</span></a> E : Le cœur du saint homme ressemble au Tao. Quoique sa vertu soit extrêmement grande, jamais il ne se regarde comme grand. C’est par là qu’il est grand. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXV</b><br><br><p>Le Saint garde<a href="#ancrage_35-1"><small><sup><span id="lien_35-1"> (1)</span></sup></small></a> la grande image (le Tao), et tous les peuples de l’empire accourent à lui.</p><p>Ils accourent, et il ne leur fait point de mal ; il leur procure la paix, le calme et la quiétude.</p><p>La musique et les mets exquis retiennent l’étranger qui passe<a href="#ancrage_35-2"><small><sup><span id="lien_35-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Mais lorsque le Tao sort de notre bouche, il est fade et sans saveur.</p><p>On le regarde et l’on ne peut le voir ; on l’écoute et l’on ne peut l’entendre ; on l’emploie et l’on ne peut l’épuiser.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_35-1"><span id="ancrage_35-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">執</span> veut dire « garder, conserver. » La grande image, c’est le Tao. Le Saint conserve le Tao ; il pratique le <i>nonagir</i>, et tout l’empire vient se soumettre à lui. L’empire s’étant soumis à lui, le Saint à son tour peut lui procurer de grands avantages,et le faire jouir de la paix, du calme et de la quiétude. Suivant <i>Liu-kie-fou</i>, les mots <i>ngan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">安</span>, <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">平</span> et <i>thaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">泰</span>, expriment différents degrés de repos ; <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">平</span> est le superlatif de <i>ngan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">安</span>, et <i>thaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">泰</span> le superlatif de <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">平</span>. La langue française ne possède pas de mots qui puissent rendre ces différentes nuances. </p><p><a href="#lien_35-2"><span id="ancrage_35-2">(2)</span></a> E et <i>Son-tsen-yeou : </i>Si l’on fait entendre de la musique, si l’on sert des mets exquis, cela suffit pour arrêter le voyageur qui passe. Mais (B) lorsque la musique a cessé, lorsque les mets exquis sont consommés, le voyageur se retire à la hâte. Cette comparaison montre que les jouissances du siècle sont illusoires et n’ont qu’une faible durée. </p><p>Il n’en est pas de même du Tao. Quoiqu’il ne puisse réjouir nos oreilles ni flatter notre goût (<i>sic</i> et <i>Pi-ching</i>) comme la musique et les mets exquis, (E) dès qu’on l’a adopté et qu’on en fait usage, il peut s’étendre au monde entier et à la postérité la plus reculée.</p><p>La musique et les mets sont quelque chose de trop chétif pour être mis en comparaison avec le Tao. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXVI</b><br><br><p>Lorsqu’une créature est sur le point de se contracter<a href="#ancrage_36-1"><small><sup><span id="lien_36-1"> (1)</span></sup></small></a>(on reconnaît) avec certitude que dans l’origine<a href="#ancrage_36-1"><small><sup><span id="lien_36-1"> (1)</span></sup></small></a> elle a eu de l’expansion.</p><p>Est-elle sur le point de s’affaiblir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la force.</p><p>Est-elle sur le point de dépérir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la splendeur.</p><p>Est-elle sur le point d’être dépouillée de tout, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a été comblée de dons. </p><p>Cela s’appelle (une doctrine à la fois) cachée et éclatante<a href="#ancrage_36-3"><small><sup><span id="lien_36-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur ; ce qui est faible triomphe de ce qui est fort<a href="#ancrage_36-4"><small><sup><span id="lien_36-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Le poisson ne doit point quitter les abîmes ; l’arme acérée du royaume ne doit pas<a href="#ancrage_36-5"><small><sup><span id="lien_36-5"> (5)</span></sup></small></a> être montrée au peuple.</p><p><br /> </p><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_36-1"><span id="ancrage_36-1">(1)</span></a> G : Le mot <i>hi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">歙</span> (<i>vulgo</i> aspirer) veut dire ici « se contracter, se resserrer ; » <i>tchang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">張</span> signifie « se développer, s’agrandir. »</p><br><p><a href="#lien_36-2"><span id="ancrage_36-2">(2)</span></a> E : Le mot <i>kou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">固</span> (<i>vulgo</i> solide ) veut dire ici « dès l’origine. » </p><p>— Voyez ma traduction de <i>Meng-tseu</i>, I, 90, 2 ; II, 84, 5.</p><p>B : Si vous voyez une créature extrêmement développée dès sa naissance, vous reconnaissez à ce signe qu’elle se rapetissera. Si vous la voyez montrer sa force, vous reconnaissez qu’elle s’affaiblira. Si vous la voyez, dès sa naissance, dans un état florissant, vous reconnaissez qu’elle dépérira, etc. </p><br><p><a href="#lien_36-3"><span id="ancrage_36-3">(3)</span></a> E : Quoique ces principes soient évidents (pour le sage), en réalité ils sont abstraits et comme cachés (au vulgaire qui est incapable de tirer de telles conséquences de l’état apparent des choses ou des créatures). </p><br><p><a href="#lien_36-4"><span id="ancrage_36-4">(4)</span></a> E : Si les choses les plus florissantes dépérissent, etc. il est évident que les choses molles peuvent triompher des choses dures (cf. chap. <span class="sc">lxxviii</span>), et que les choses faibles peuvent triompher des çhoses fortes. <i>Ibidem : </i>La dureté et la force sont la voie qui conduit au danger et à la mort ; la mollesse et la faiblesse sont la voie de la paix et du salut. Celui qui gouverne un royaume pourrait-il se prévaloir de sa puissance et de sa force ? Si le poisson peut se cacher au fond des eaux, il conserve sa vie. Il ne doit pas se livrer à des mouvements violents et s’élancer sur la terre ; car il tomberait au pouvoir de l’homme et ne tarderait pas à périr. Mais (A) lorsque le poisson (que le pécheur avait pris) quitte l’élément dur (la terre) et qu’il possède l’élément mou (l’eau), personne ne peut plus se rendre maître de lui. De même, si un royaume peut conserver sa faiblesse (c’est-à-dire se montrer faible quoiqu’il soit puissant), il restera constamment en paix. Il ne doit pas se glorifier de sa puissance et de sa force (suivant E, l’expression « arme acérée du royaume » désigne la puissance, l’autorité), ni l’étaler aux yeux de tout l’empire. Autrement sa puissance s’épuiserait, sa force fléchirait, et il ne pourrait conserver ses états. </p><br><p><a href="#lien_36-5"><span id="ancrage_36-5">(5)</span></a> Ordinairement les mots <i>kho-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可以</span> signifient « il peut, »et montrent que le verbe suivant est actif ; mais ici (voyez, à la fin de mon édition de <i>Meng-tseu</i>, Tractatus, etc. p. 67 et suiv.) il faut regarder le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以</span> (<i>vulgo</i> se servir) comme synonyme du mot <i>tsiang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">將</span> (capere) en style moderne, lorsqu’il désigne l’accusatif,et construire comme s’il y avait : <i>pou-kho-tsiang-houe-tchi-li-khi-chi-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不可將國之利器示人</span> « Il ne faut pas (littéralement) <i>prenant</i> l’arme acérée du royaume (la) montrer aux hommes, » c’est-à-dire il ne faut pas montrer aux hommes l’arme acérée du royaume. </p><p>Le commentateur <i>Li-si-tchaï</i> a adopté cette construction : <i>koue-tchi-li-khi-i-pou-kho-chi-jin</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">國之利器不可示人</span> « L’arme acérée du royaume ne doit pas être montrée aux hommes ; » <i>i-thseu-chi-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以此示人</span>, comme s’il y avait <i>tsiang-thseu-chi-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">將此示人</span> (si <i>capiens</i> illud, ostendas hominibus,id est, si <i>illud</i> ostendas hominibus), si vous la montrez aux hommes,alors, etc. Cette construction se retrouve aussi dans B et plusieurs autres commentaires. </p><br>
<b>CHAPITRE XXXVII</b><br><br><p>Le Tao pratique constamment le non-agir<a href="#ancrage_37-1"><small><sup><span id="lien_37-1"> (1)</span></sup></small></a> et (pourtant) il n’y a rien qu’il ne fasse.</p><p>Si les rois et les vassaux peuvent le conserver<a href="#ancrage_37-2"><small><sup><span id="lien_37-2"> (2)</span></sup></small></a>, tous les êtres se convertiront.</p><p>Si, une fois convertis, ils veulent encore se mettre en mouvement<a href="#ancrage_37-3"><small><sup><span id="lien_37-3"> (3)</span></sup></small></a>, je les contiendrai à l’aide de l’être simple qui n’a pas de nom (c’est-à-dire par le Tao).</p><p>L’être simple qui n’a pas de nom, il ne faut pas même le désirer<a href="#ancrage_37-4"><small><sup><span id="lien_37-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>L’absence de désirs procure la quiétude<a href="#ancrage_37-5"><small><sup><span id="lien_37-5"> (5)</span></sup></small></a>. Alors l’empire se rectifie de lui-même.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_37-1"><span id="ancrage_37-1">(1)</span></a> E : Le Tao pratique constamment le <i>non-agir</i>, et cependant il n’y a pas un seul être du monde qui n’ait été produit par le Tao. </p><p>Le philosophe <i>Lie-tseu</i> dit : Il est sans connaissance, sans capacité, et cependant il n’y a rien qu’il ne connaisse, rien qu’il ne puisse faire. Cette pensée est la même que celle de <i>Lao-tseu</i>.</p><br><p><a href="#lien_37-2"><span id="ancrage_37-2">(2)</span></a> A : Si les rois peuvent conserver le Tao, c’est-à-dire (B) l’imiter et (C) pratiquer le <i>non-agir</i>, tous les êtres (A) se convertiront à leur exemple, c’est-à-dire (E) pratiqueront le <i>non-agir</i>.</p><br><p><a href="#lien_37-3"><span id="ancrage_37-3">(3)</span></a> E : Le mot <i>tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">作</span> veut dire « se remuer, se mettre en mouvement. » Le mot <i>tchin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鎮</span> signifie « maintenir une chose en repos, l’empêcher de remuer. » Longtemps après que le peuple se sera converti, ses affections, ses désirs recommenceront à se remuer au fond de son cœur, et les mœurs s’altéreront. Les uns voudront embellir ce qui est naturel et vrai, les autres voudront compliquer les choses les plus simples, et peu à peu on attachera du prix à de spécieuses apparences. Mais le Saint peut apercevoir de bonne heure ce grave défaut et le prévenir dans ses plus faibles commencements. Alors il le réprime à l’aide de la substance simple qui n’a pas de nom (à l’aide du Tao ; c’est-à-dire qu’en pratiquant le <i>non-agir</i> et en le faisant pratiquer au peuple, il dompte la fougue de ses passions désordonnées). Mais si l’homme était disposé à le désirer (à désirer le Tao), ce serait encore avoir des désirs ; c’est pourquoi il est absolument nécessaire de ne pas le désirer. Alors (c’est-à-dire lorsqu’on ne désire pas même le Tao) , on est parvenu au comble du calme et de la quiétude. Dès que le cœur de l’homme n’a plus aucune espèce de désirs, il se rectifie de lui-même. Cette absence de désirs étant étendue à tout l’empire , l’empire se rectifie de lui-même.</p><br><p><a href="#lien_37-4"><span id="ancrage_37-4">(4)</span></a> Le mot <i>tsiang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">將</span> (<i>vulgo</i> marque du futur) signifie ici « il faut, il est nécessaire (E : <i>pi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">必</span> ). » Cf. mon édition de <i>Meng-tseu</i>, I, 91, 7 ; et <i>Lao-tseu</i>, chap. <span class="sc">xxxii</span>, not. 5. </p><br><p><a href="#lien_37-5"><span id="ancrage_37-5">(5)</span></a> Suivant F, il faut construire <i>i-pou-yo-tsing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以不欲靜</span>mot à mot : « par le <i>non-désirer</i>, (on) devient calme. » </p><br><div style="text-align:center;clear:both;"><span style="font-size: 120%; line-height: normal;">LIVRE II.</span></div> <p class="mw-empty-elt"></p><br>
<b>CHAPITRE XXXVIII</b><br><br><p><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">而亂之首。前識者,道之華,而愚之始。是以大丈夫處其厚,不居其薄;處其實,不居其華。故去彼取此。</span></p><br><p>Les hommes d’une vertu supérieure<a href="#ancrage_38-1"><small><sup><span id="lien_38-1"> (1)</span></sup></small></a> ignorent leur vertu<a href="#ancrage_38-1"><small><sup><span id="lien_38-1"> (2)</span></sup></small></a> ; c’est pourquoi ils ont de la vertu.</p><p>Les hommes d’une vertu inférieure n’oublient pas<a href="#ancrage_38-3"><small><sup><span id="lien_38-3"> (3)</span></sup></small></a> leur vertu ; c’est pourquoi ils n’ont point de vertu.</p><p>Les hommes d’une vertu supérieure la pratiquent sans y songer<a href="#ancrage_38-4"><small><sup><span id="lien_38-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes d’une vertu inférieure la pratiquent avec intention<a href="#ancrage_38-5"><small><sup><span id="lien_38-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes d’une humanité supérieure la pratiquent sans y songer. </p><p>Les hommes d’une équité supérieure la pratiquent avec intention.</p><p>Les hommes d’une urbanité supérieure<a href="#ancrage_38-6"><small><sup><span id="lien_38-6"> (6)</span></sup></small></a> la pratiquent<a href="#ancrage_38-7"><small><sup><span id="lien_38-7"> (7)</span></sup></small></a> et personne n’y répond<a href="#ancrage_38-8"><small><sup><span id="lien_38-8"> (8)</span></sup></small></a> ; alors ils emploient la violence pour qu’on les paye de retour<a href="#ancrage_38-9"><small><sup><span id="lien_38-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi l’on a de la vertu après avoir perdu le Tao<a href="#ancrage_38-10"><small><sup><span id="lien_38-10"> (10)</span></sup></small></a> ; de l’humanité après avoir perdu la vertu ; de l’équité après avoir perdu l’humanité ; de l’urbanité après avoir perdu l’équité. </p><p>L’urbanité n’est que l’écorce de la droiture et de la sincérité ; c’est la source du désordre.</p><p>Le faux savoir<a href="#ancrage_38-12"><small><sup><span id="lien_38-12"> (12)</span></sup></small></a> n’est que la fleur du Tao et le principe de l’ignorance. </p><p>C’est pourquoi un grand homme<a href="#ancrage_38-13"><small><sup><span id="lien_38-13"> (13)</span></sup></small></a> s’attache au solide et laisse le superficiel. </p><p>Il estime le fruit et laisse la fleur. C’est pourquoi il rejette l’une et adopte l’autre.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_38-1"><span id="ancrage_38-1">(1)</span></a> Le sens que j’ai donné aux mots <i>chang-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">上徳</span> littéralement, « haute vertu, » est celui de la plupart des interprètes. H croit qu’ils désignent les saints hommes de la haute antiquité.</p><br><p><a href="#lien_38-2"><span id="ancrage_38-2">(2)</span></a> E : <i>Pou-tseu-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不自徳</span>, c’est-à-dire : « Ils ne se regardent pas comme vertueux. » A explique <i>pou-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不徳</span> par « ils ne laissent pas paraître leur vertu. »</p><br><p><a href="#lien_38-3"><span id="ancrage_38-3">(3)</span></a> H rend les mots <i>pou-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不失</span>, littéral. « ne pas perdre, » par « ne pas oublier. » D’autres interprètes ont donné à ces deux mots leur sens accoutumé. E : Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est de ne point <i>perdre</i> leur vertu. <i>Sou-tseu-yeou : </i>Les hommes d’un mérite inférieur savent que la vertu est honorée. Ils s’efforcent de l’acquérir et ne la <i>perdent</i> pas. </p><br><p><a href="#lien_38-4"><span id="ancrage_38-4">(4)</span></a> <i>Wou-wei-eul-wou-i-wei</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無為而無以為</span>, c’est-à-dire (B), <i>wou-yeou-sin-iu-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無有心於徳</span> « Ils ne songent point à pratiquer la vertu, ils la pratiquent naturellement. »</p><p>H : Ce qui fait que les hommes d’une vertu supérieure ont de la vertu, c’est que leur vertu émane du <i>non-agir</i> (c’est-à-dire qu’ils la pratiquent à leur insu et sans intention) et qu’ils ne s’en prévalent point. Cet interprète explique le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以</span> par <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">恃</span>, « s’appuyer sur, se prévaloir de (la pratique de la vertu). » Quoiqu’il analyse la phrase autrement que B, il arrive au même sens. E rend les mots <i>wou-i-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無以為</span> par <i>nihil agendo agit illud</i>, c’est-à-dire :« il pratique la vertu sans rien faire pour cela. »</p><br><p><a href="#lien_38-5"><span id="ancrage_38-5">(5)</span></a> <i>Wei-tchi-eul-yeou-i-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">為之而有以為</span>, c’est-à-dire (B), <i>yeou-sin-iu-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有心於徳</span> : « Ils ont l’intention de pratiquer la vertu. »</p><p>H explique le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以</span> par « se prévaloir de (<i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">恃</span>), » comme dans la phrase précédente. Ce qui fait, dit-il, que les hommes d’une vertu inférieure n’ont pas de vertu, c’est que leur vertu émane d’une intention formelle, c’est qu’ils se glorifient de leur mérite <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">矝功</span>,et se prévalent de la pratique de la vertu.</p><p>E : <i>Yeou-i-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有以為</span>, c’est-à-dire <i>yeou-weï-weï-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有為為之</span> « Ils font des efforts pour la pratiquer. »</p><br><p><a href="#lien_38-6"><span id="ancrage_38-6">(6)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Après avoir parlé de la vertu supérieure et de la vertu inférieure, <i>Lao-tseu</i> se contente de mentionner l’humanité supérieure, l’équité supérieure, et ne dit rien de l’humanité inférieure,de l’équité inférieure. En voici la raison. La vertu inférieure tient le milieu entre l’humanité et la justice, mais le degré inférieur de l’humanité et de l’équité ne mérite pas d’être cité. </p><br><p><a href="#lien_38-7"><span id="ancrage_38-7">(7)</span></a> <i>Liu-kie-fou : </i>L’homme d’une humanité supérieure la pratique sans s’y appliquer et comme à son insu. Mais il n’en est pas de même de la justice ; pour la suivre, il faut examiner auparavant ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. D’où il suit qu’on ne peut la pratiquer sans agir, c’est-à-dire sans y songer, sans intention.</p><br><p><a href="#lien_38-8"><span id="ancrage_38-8">(8)</span></a> A : Les princes d’une urbanité supérieure créent les rites, établissent des règlements et déterminent la nature et l’ordre des cérémonies qui peuvent rehausser la majesté royale. Mais lorsque les fleurs de l’urbanité sont abondantes et que son fruit a dépéri (c’est-à-dire lorsque l’urbanité ne se compose que de dehors spécieux et que la sincérité des sentiments s’est affaiblie), on fatigue les autres par des démonstrations trompeuses, et à chaque acte on s’éloigne du Tao. Il est impossible qu’ils y répondent par des marques de respect. </p><br><p><a href="#lien_38-9"><span id="ancrage_38-9">(9)</span></a> A : Alors les supérieurs se mettent en guerre avec les inférieurs. C’est pourquoi ils emploient la violence ( littéral. « ils étendent un bras menaçant » ) pour les forcer à leur rendre hommage. </p><br><p><a href="#lien_38-10"><span id="ancrage_38-10">(10)</span></a> A : Dès que le Tao se fut affaibli, la vertu naquit dans le monde ; dès que la vertu se fut affaiblie, l’humanité et l’affection apparurent ;dès que l’humanité se fut affaiblie, l’équité se montra avec éclat. Dès que l’équité se fut affaiblie, on commença à témoigner une politesse étudiée et à envoyer en présent du jade et des étoffes de soie. </p><br><p><a href="#lien_38-11"><span id="ancrage_38-11">(11)</span></a> E : <i>Lao-tseu</i> n’arrive à l’urbanité qu’après être descendu quatre fois au-dessous du Tao. En effet, il descend du Tao à la vertu, de la vertu à la justice, de la justice à l’équité, de l’équité aux rites ou à l’urbanité. L’urbanité est ce qu’il y a de plus faible dans les vertus sociales ; il est impossible de descendre plus bas. Si l’on descend plus bas, on entre dans la voie du désordre.</p><p><i>Ibid</i>. On ne peut pas dire que l’urbanité exclut nécessairement la droiture et la sincérité ; mais elle n’en est que la partie la plus faible,la plus superficielle. Elle n’est pas un désordre, mais elle est le principe du désordre. En effet, si l’un veut montrer son respect par une attitude humble, sa sincérité par des paroles bienveillantes, lorsqu’on multiplie ces démonstrations, le sentiment de la droiture et de la sincérité s’affaiblit de jour en jour. </p><br><p><a href="#lien_38-12"><span id="ancrage_38-12">(12)</span></a> A : Ne pas savoir et dire que l’on sait, cela s’appelle <i>thsien-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">前識</span>.</p><p>E explique la même expression par <i>thsien-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">前知</span>, « la faculté de connaître <i>les choses</i> d’avance. » Cette faculté n’exclut pas nécessairement le Tao, mais elle n’en est que la fleur ; ce n’est pas de l’ignorance, mais c’est le commencement de l’ignorance. La véritable étude du Tao consiste à nourrir ses esprits. Quoique l’éclat (de la vertu du Saint) puisse illuminer l’univers, il le renferme dans son intérieur. Quant à ces hommes qui font usage de leurs facultés intellectuelles pour prévoir la paix ou le désordre des états,pour prédire le malheur ou le bonheur, ils peuvent, il est vrai, exciter l’admiration du siècle ; mais lorsqu’ils se replient sur eux-mêmes,cette faculté ne leur sert de rien. Ils fatiguent leurs esprits en s’occupant des choses extérieures ; de là naissent le trouble et l’erreur. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : C’est le commencement de l’ignorance. </p><br><p><a href="#lien_38-13"><span id="ancrage_38-13">(13)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>L’homme saint pénètre tous les êtres à l’aide d’une intuition merveilleuse. Le vrai et le faux, le bien et le mal brillent à sa vue comme dans un miroir. Rien n’échappe à sa perspicacité. Les hommes vulgaires ne voient rien au delà de la portée de leurs yeux, n’entendent rien au delà de la portée de leurs oreilles,ne pensent rien au delà de la portée de leur esprit. Ils cheminent en aveugles au milieu des êtres ; ils usent leurs facultés pour acquérir du savoir, et ce n’est que par hasard qu’ils en entrevoient quelques lueurs. Ils se croient éclairés et ne voient pas qu’ils commencent à arriver au faîte de l’ignorance. Ils se réjouissent d’avoir acquis ce qu’il y a de plus bas, de plus vil au monde ; et ils oublient ce qu’il y a de plus sublime. Ils aiment le superficiel et négligent le solide ; ils cueillent la fleur et rejettent le fruit. Il n’y a qu’un grand homme qui sache rejeter l’une et adopter l’autre.</p><p>E : Plusieurs auteurs raisonnent ainsi : L’humanité, la justice,les rites, les lois, sont les instruments dont se sert un homme saint (c’est-à-dire un prince parfait) pour gouverner l’empire. Mais <i>Lao-tseu</i> veut qu’on abandonne l’humanité et la justice, qu’on renonce aux rites et aux lois. Si une telle doctrine était mise en pratique,comment l’empire ne tomberait-il pas dans le désordre ? En effet,parmi les lettrés des siècles suivants, on en a vu qui, séduits par le goût des discussions abstraites, négligeaient les actes de la vie réelle ;d’autres qui, entraînés par l’amour de la retraite, mettaient en oubli les lois de la morale. L’empire imita leur exemple, et bientôt la société tomba dans le trouble et le désordre. C’est ce qui arriva sous la dynastie des Tsin. Ce malheur prit sa source dans la doctrine de <i>Lao-tseu</i>. </p><p>Ceux qui raisonnent ainsi ne sont pas capables de comprendre le but de <i>Lao-tseu</i>, ni de pénétrer la véritable cause des vices qui ont éclaté sous les Tsin. Les hommes des Tsin ne suivaient pas la doctrine de <i>Lao-tseu ; </i>les troubles de cette époque ont eu une autre cause. Ce n’est point sans motif que <i>Lao-tseu</i> apprend à quitter l’humanité et la justice, à renoncer aux rites et à l’étude. Si les hommes doivent quitter l’humanité et la justice, c’est pour révérer le Tao et la Vertu ; s’ils doivent renoncer aux rites et à l’étude, c’est pour revenir à la droiture et à la sincérité. Quant aux hommes des Tsin,je vois qu’ils ont abandonné l’humanité et la justice ; je ne vois pas qu’ils aient révéré le Tao et la Vertu. Je vois qu’ils ont renoncé aux rites et à l’étude ; je ne vois pas qu’ils soient revenus à la droiture et à la sincérité. </p><p>Depuis la période <i>Thaï-kang</i> (l’an 280 après J. C.) jusqu’à la fuite sur la rive gauche du fleuve Kiang, les lettrés s’appliquaient en général à acquérir une réputation éminente ; ils s’abandonnaient mollement au repos ; ils couraient après le pouvoir et la fortune, et se passionnaient pour la musique et les arts. Le goût des discussions abstraites et l’amour de la solitude n’étaient rien en comparaison de ces excès coupables qui ont troublé la famille des Tsin, et dont il serait impossible de trouver la cause dans l’ouvrage de <i>Lao-tseu</i>. </p><p><br /> </p>
<b>CHAPITRE XXXIX</b><br><br><p><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以侯王自稱孤、寡、不穀。此非以賤為本耶?非乎?故致數譽無譽。不欲琭琭如玉,珞珞如石。</span> </p><br><p>Voici les choses qui jadis ont obtenu l’Unité<a href="#ancrage_39-1"><small><sup><span id="lien_39-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Le ciel est pur parce qu’il a obtenu l’Unité.</p><p>La terre est en repos parce qu’elle a obtenu l’Unité.</p><p>Les esprits sont doués d’une intelligence divine parce qu’ils ont obtenu l’Unité.</p><p>Les vallées se remplissent parce qu’elles ont obtenu l’Unité.</p><p>Les dix mille êtres naissent parce qu’ils ont obtenu l’Unité.</p><p>Les princes et rois sont les modèles<a href="#ancrage_39-2"><small><sup><span id="lien_39-2"> (2)</span></sup></small></a> du monde parce qu’ils ont obtenu l’Unité.</p><p>Voilà ce que l’Unité a produit.</p><p>Si le ciel perdait<a href="#ancrage_39-3"><small><sup><span id="lien_39-3"> (3)</span></sup></small></a> sa pureté, il se dissoudrait ;</p><p>Si la terre perdait son repos, elle s’écroulerait ;</p><p>Si les esprits perdaient leur intelligence divine, ils s’anéantiraient ;</p><p>Si les vallées ne se remplissaient plus, elles se dessécheraient ;</p><p>Si les dix mille êtres ne naissaient plus, ils s’éteindraient ;</p><p>Si les princes et les rois s’enorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation, et cessaient d’être les modèles (du monde), ils seraient renversés<a href="#ancrage_39-4"><small><sup><span id="lien_39-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi les nobles regardent la roture comme leur origine<a href="#ancrage_39-5"><small><sup><span id="lien_39-5"> (5)</span></sup></small></a> ; les hommes élevés regardent la bassesse de la condition comme leur premier fondement.</p><p>De là vient que les princes et les rois s’appellent eux-mêmes <i>orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu</i>. </p><p>Ne montrent-ils pas par là qu’ils regardent la roture comme leur véritable origine ? Et ils ont raison !</p><p>Cest pourquoi<a href="#ancrage_39-6"><small><sup><span id="lien_39-6"> (6)</span></sup></small></a>, si vous décomposez un char, vous n’avez plus de char<a href="#ancrage_39-7"><small><sup><span id="lien_39-7"> (7)</span></sup></small></a>. </p><p>(Le sage) ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_39-1"><span id="ancrage_39-1">(1)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>L’Unité, c’est le Tao. C’est du Tao que tous les êtres ont obtenu ce qui constitue leur nature. Les hommes de l’empire voient les êtres et oublient le Tao ; ils se contentent de savoir que le ciel est pur, que la terre est en repos, que les esprits sont doués d’une intelligence divine ; que les vallées sont susceptibles d’être remplies, que les dix mille êtres naissent, que les vassaux et les rois sont les modèles du monde. Mais ils ignorent que c’est du Tao qu’ils ont obtenu ces qualités. La grandeur du ciel et de la terre, la noblesse des vassaux et des rois, c’est l’Unité qui les a produites. Mais qu’est-ce donc que l’Unité ? Vous la regardez et ne pouvez la voir ; vous voulez la toucher et ne l’atteignez pas. On voit que c’est la chose la plus subtile du monde.</p><br><p><a href="#lien_39-2"><span id="ancrage_39-2">(2)</span></a> J’ai rendu le mot <i>tching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">正</span> par « modèle. » E : Les princes et les rois sont placés au-dessus des hommes. L’empire les révère et les prend pour <i>modèles</i>. H l’explique par <i>tchang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長</span>, « supérieur, chef. »</p><br><p><a href="#lien_39-3"><span id="ancrage_39-3">(3)</span></a> E : L’expression <i>thien-wou-i-thsing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天無以清[]</span>, littéral. « si le ciel n’avait pas de pureté, » signifie « si le ciel perdait son Unité, » c’est-à-dire ce qui constitue sa nature.</p><p>H : Le ciel, la terre et tous les êtres tirent leur origine de l’essence du Tao. C’est parce que le ciel a obtenu cette Unité, cette essence, qu’il est pur et s’élève sous forme d’éther au-dessus de nos têtes, etc. Si le ciel ne possédait pas cette Unité, c’est-à-dire s’il ne tenait pas du Tao cette pureté qui constitue sa nature, il se fendrait et ne pourrait s’arrondir en voûte. Si la terre ne possédait pas cette Unité, elle serait entraînée par un mouvement rapide (plusieurs interprètes expliquent le mot <i>fa</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">發</span> par « se mettre en mouvement <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">勤</span> ) et ne pourrait rester en repos pour supporter les êtres ; si les hommes ne la possédaient pas, leurs moyens de vivre s’épuiseraient et ils ne pourraient se perpétuer sans fin dans leurs fils et leurs petits-fils. Si les dix mille (c’est-à-dire tous) les êtres ne la possédaient pas, ils s’éteindraient et cesseraient d’exister. Si les princes et les rois ne la possédaient pas, ils seraient renversés, et ne pourraient rester en paix sur leur trône noble et élevé. C’est sur ce dernier point que <i>Lao-tseu</i> insiste particulièrement, parce qu’il désire que les rois s’attachent au Tao et gouvernent par le <i>non-agir</i>.</p><p>En général, tout homme qui est soumis aux autres et n’agit que d’après leurs ordres, s’appelle <i>hiu-tsien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">下賤</span>, « bas et abject. »C’est une comparaison qui s’applique au Tao. Le Tao est sans nom et tous les êtres du monde peuvent en faire usage, de même qu’on emploie un homme d’une condition basse et abjecte. Si les princes et les rois restaient sur leur trône noble et élevé sans posséder le Tao, ils seraient bientôt renversés. N’est-il pas évident que le Tao est leur fondement et leur racine ?</p><br><p><a href="#lien_39-4"><span id="ancrage_39-4">(4)</span></a> Plusieurs éditions portent : <i>heou-wang-wou-i-weï-tching-eul-koueï</i> <i>kao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">俟王無以為正而貴高</span>. « Si les princes et les rois cessaient d’être les modèles (du monde) et s’énorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation… » La construction que j’ai adoptée, d’après la glose de <i>Liu-kie-fou</i>, m’a paru plus régulière et plus logique. « Être noble (dit cet interprète) et oublier sa noblesse, être élevé et oublier son élévation, c’est le moyen d’être le modèle de l’empire et de ne pas être détrôné. »</p><br><p><a href="#lien_39-5"><span id="ancrage_39-5">(5)</span></a> E : Dans l’ordre de la nature, les vassaux et les rois sont de la même espèce que l’humble homme du peuple. Si les peuples se soumettent à eux, de simples particuliers qu’ils étaient, ils deviennent princes et rois. Si les peuples les abandonnent, de princes et de rois qu’ils étaient, ils descendent dans la classe des simples particuliers. On voit par là que la noblesse et l’élévation des princes et des rois ont pour base la classe abjecte et roturière du peuple. Quand les princes et les rois s’appellent eux-mêmes par humilité <i>orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu</i>, ils emploient les dénominations qui servent à désigner le pauvre peuple et les gens d’une condition basse et ignoble. S’ils se désignent ainsi eux-mêmes, au lieu d’employer des titres pompeux, c’est qu’ils n’ont pas oublié leur humble origine. </p><br><p><a href="#lien_39-6"><span id="ancrage_39-6">(6)</span></a> Suivant <i>Sie-hoeï</i> (E), le sens du mot <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">致</span> n’a pas encore été expliqué d’une manière satisfaisante ; il le regarde comme redondant. </p><br><p><a href="#lien_39-7"><span id="ancrage_39-7">(7)</span></a> B et <i>Sie-hoeï : </i>Avec une multitude de matériaux, vous formez un char. <i>Char</i> est un nom collectif des différents matériaux dont un char se compose. Si vous les comptez un à un (si vous décomposez le char), vous aurez un moyeu, des roues, des rais, un essieu, un timon, etc. si vous donnez à ces différentes parties leurs noms respectifs,le nom de char disparaîtra ; si vous en faites abstraction, il n’y aura plus de <i>char</i>. </p><p>De même, c’est la réunion et l’ensemble du peuple qui forment un prince ou un roi. <i>Prince, roi</i>, sont des noms collectifs de peuple.</p><p>Si vous faites abstraction du peuple, il n’y aura plus ni prince ni roi. </p><p>Quelque beau que soit un char, il ne l’est devenu que par la réunion d’une multitude de petits matériaux. Quelque noble que soit un prince ou un roi, il n’a pu le devenir que par la réunion d’une foule d’hommes d’une basse condition. </p><p>Il est donc à désirer que les princes et les rois sachent s’abaisser au milieu de leurs honneurs, et (C) devenir simples et humbles comme le Tao. Dès qu’un prince possède le Tao, il n’est pas au pouvoir des hommes de le rehausser ni de l’avilir. Il ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre. Or (E) si les princes et les rois perdent leur peuple, c’est parce qu’ils ont perdu l’<i>Unité</i> (le Tao). S’ils perdent l’<i>Unité</i>, c’est parce que, fiers de leur noblesse et de leur élévation, ils s’abandonnent, sur le trône, aux plus coupables excès. <i>Lao-tseu</i> explique ici la cause de la noblesse et de l’élévation, pour détourner les hommes de les rechercher. </p><br>
<b>CHAPITRE XL</b><br><br><p>Le retour au non-être (produit) le mouvement<a href="#ancrage_40-1"><small><sup><span id="lien_40-1"> (1)</span></sup></small></a> du Tao.</p><p>La faiblesse<a href="#ancrage_40-2"><small><sup><span id="lien_40-2"> (2)</span></sup></small></a> est la fonction du Tao.</p><p>Toutes les choses<a href="#ancrage_40-3"><small><sup><span id="lien_40-3"> (3)</span></sup></small></a> du monde sont nées de l’être ;l’être<a href="#ancrage_40-4"><small><sup><span id="lien_40-4"> (4)</span></sup></small></a> est né du non-être.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_40-1"><span id="ancrage_40-1">(1)</span></a> C’est-à-dire : Dès que les êtres sont retournés au <i>non-être</i>, le Tao leur donne (de nouveau) le mouvement vital.</p><p><i>Pi-ching : </i>Le moi <i>fan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">反</span> veut dire <i>fan-iu-wou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">反於無</span>, « retourner au <i>non-être</i>. »</p><p>E : Le mouvement du Tao, c’est-à-dire l’impulsion que le Tao donne aux êtres, a pour racine, pour origine, leur retour (au <i>non-être</i>). S’ils ne retournaient pas au non-être, (le Tao) ne pourrait les mettre en mouvement. Il faut qu’ils se condensent, qu’ils se resserrent (qu’ils décroissent), pour pouvoir atteindre ensuite toute la plénitude de leur développement. C’est pourquoi le retour au non-être permet au Tao de mettre les êtres en mouvement, c’est-à-dire de les faire renaître. </p><p>B : Parmi tous les êtres de l’univers, il n’en est pas un seul qui n’ait besoin de retourner au non-être pour exister de nouveau. Ce n’est que lorsqu’ils sont rentrés dans un repos absolu, que le Tao les met de nouveau en mouvement et les ramène à la vie. Ainsi le repos est la base et le principe du mouvement. </p><br><p><a href="#lien_40-2"><span id="ancrage_40-2">(2)</span></a> Littéralement : « La faiblesse — du Tao — usage. » A explique les mots <i>tao-tchi-yong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道之用</span> par <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道之所常用</span>,c’est-à-dire : « (La faiblesse est) ce dont le Tao fait constamment usage. » C’est pourquoi il peut subsister éternellement. E a adopté le même sens : La faiblesse est l’état constant du Tao ; s’il n’était pas faible, il ne pourrait subsister longtemps.</p><p>D’autres commentateurs ont entendu que la <i>faiblesse</i> était le moyen de <i>faire usage</i> du Tao, c’est-à-dire d’observer, d’imiter le Tao. B : Si ceux qui cultivent le Tao savaient que le retour au vide, au repos, est la base, le principe du mouvement, ils affaibliraient leur volonté, ils rendraient leur cœur vide. Dès que la volonté est affaiblie, le cœur devient vide ; lorsque ce vide est porté à son comble, on entre dans une quiétude parfaite et l’on retourne à sa racine. Voilà le plus puissant moyen de renouveler sa nature. </p><p><i>Pi-ching : </i>Par la faiblesse on ressemble en quelque sorte au Tao. <i>Tchao-tcki-kien : </i>Avoir le cœur vide et tranquille intérieurement,être mou et faible extérieurement, c’est le moyen de retourner à sa racine (au Tao). <i>Li-si-tchaï : </i>En se développant, les êtres deviennent forts. Si l’on revient de la force à la faiblesse, on pourra arriver peu à peu au Tao. </p><br><p><a href="#lien_40-3"><span id="ancrage_40-3">(3)</span></a> A : Les dix mille choses sont nées du ciel et de la terre, qui ont une place déterminée dans l’univers. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : « Elles sont nées de l’<i>être</i>. </p><br><p><a href="#lien_40-4"><span id="ancrage_40-4">(4)</span></a> B : D’où sont nés le ciel et la terre ? Ils sont nés du <i>non-être</i> (du Tao). Le Tao (A) n’a point de forme, c’est pourquoi Lao-tseu dit : « l’<i>être</i> est né du <i>non-être</i>. » </p><br>
<b>CHAPITRE XLI</b><br><br><p>Quand les lettrés supérieurs<a href="#ancrage_41-1"><small><sup><span id="lien_41-1"> (1)</span></sup></small></a> ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.</p><p>Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent. </p><p>Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao,ils le tournent en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.</p><p>C’est pourquoi les anciens<a href="#ancrage_41-2"><small><sup><span id="lien_41-2"> (2)</span></sup></small></a> disaient :Celui qui a l’intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres (3).</p><p>Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré<a href="#ancrage_41-4"><small><sup><span id="lien_41-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire<a href="#ancrage_41-5"><small><sup><span id="lien_41-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>L’homme d’une vertu supérieure est comme une vallée<a href="#ancrage_41-6"><small><sup><span id="lien_41-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>L’homme d’une grande pureté est comme couvert d’opprobre<a href="#ancrage_41-7"><small><sup><span id="lien_41-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>L’homme d’un mérite immense paraît frappé d’incapacité<a href="#ancrage_41-8"><small><sup><span id="lien_41-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>L’homme d’une vertu solide semble dénué d’activité<a href="#ancrage_41-9"><small><sup><span id="lien_41-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>L’homme simple et vrai<a href="#ancrage_41-10"><small><sup><span id="lien_41-10"> (10)</span></sup></small></a> semble vil et dégradé.</p><p>C’est un grand carré<a href="#ancrage_41-11"><small><sup><span id="lien_41-11"> (11)</span></sup></small></a> dont on ne voit pas les angles ;un grand vase qui semble loin d’être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grande image dont on n’aperçoit point la forme !</p><p>Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.</p><p>Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_41-1"><span id="ancrage_41-1">(1)</span></a> <i>Hi-ching : </i>Les lettrés supérieurs comprennent ce qui est caché comme ce qui est brillant dans le Tao ; ils pénètrent au delà des limites du corps. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils y ont foi et le pratiquent avec zèle. </p><p>Les lettrés du second ordre sont sur les limites du caché et du brillant (c’est-à-dire de ce qui est inaccessible et accessible aux sens) ;ils sont placés entre le Tao et la matière ; aussi, dès qu’ils en entendent parler, ils restent à moitié dans la foi et à moitié dans le doute. C’est pourquoi tantôt ils conservent (pratiquent) le Tao,tantôt ils le perdent (l’abandonnent). </p><p>Les lettrés inférieurs voient le brillant (c’est-à-dire ce qui est accessible aux sens) et ne voient pas le caché ; ils restent enveloppés dans la matière. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils le tournent en dérision et le calomnient.</p><p>Or le Tao est caché, subtil, profond, inscrutable. Les lettrés inférieurs, dit <i>Liu-kie-fou</i>, le tournent en dérision parce qu’ils le cherchent à l’aide des sens et ne peuvent l’atteindre. S’ils pouvaient l’atteindre, le saisir dans sa sublimité à l’aide des sens, ils ne le tourneraient pas en dérision ; mais, en devenant accessible à leur vue grossière, il perdrait toute sa grandeur et ne mériterait plus le nom de Tao !</p><p>E : Le Tao est profond, éloigné. C’est l’opposé des choses matérielles. Quand les lettrés supérieurs entendent parler du Tao, ils peuvent le pratiquer avec zèle, parce qu’ils le comprennent clairement et y croient avec une forte conviction.</p><p>Les lettrés du second ordre conservent des doutes sur le Tao,parce qu’ils sont incapables de le connaître véritablement et d’y croire avec une forte conviction. </p><p>Quant aux lettrés inférieurs, ils se bornent à le tourner en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, le Tao ressemblerait aux idées, aux vues des lettrés inférieurs. Il ne mériterait pas le nom de Tao. </p><p><i>Yen-kiun-ping : </i>Ce qu’entendent les lettrés du second ordre n’est point ce qu’il y a de plus beau ; ce que voient les lettrés inférieurs n’est pas ce qu’il y a de plus excellent. </p><p>Ce qui éblouit les lettrés du second ordre, ce que les lettrés inférieurs tournent en dérision, est ce qu’il y a de plus beau et de plus excellent parmi les choses les plus belles et les plus excellentes du monde. </p><br><p><a href="#lien_41-2"><span id="ancrage_41-2">(2)</span></a> H : Ces douze phrases (<i>lin</i>. 5 à 23) sont des axiomes empruntés aux anciens. E pense que ces axiomes vont jusqu’à la dernière phrase inclusivement (<i>lin</i>. 5 à 26). </p><br><p><a href="#lien_41-3"><span id="ancrage_41-3">(3)</span></a> H : L’homme vulgaire fait usage de la prudence, il s’en glorifie et se croit doué de capacité. Le Saint a des lumières, mais il ne les laisse pas briller au dehors ; il a de la prudence, mais il ne s’en sert pas. </p><p>E : Celui qui connaît le Tao arrive à une intelligence profonde. Alors il se dépouille de ses lumières et de sa pénétration, et il paraît comme un homme obtus et environné de ténèbres.</p><br><p><a href="#lien_41-4"><span id="ancrage_41-4">(4)</span></a> E : Celui qui pratique le Tao arrive au comble de la perfection ;mais il diminue sans cesse son propre mérite, et il ressemble à un homme qui n’a fait que marcher en arrière.</p><p>H : L’homme vulgaire se vante lui-même, il s’élance en avant avec une ardeur insatiable. Le Saint se conserve dans l’humilité,se dirige d’après le sentiment de sa bassesse et de son indignité. </p><br><p><a href="#lien_41-5"><span id="ancrage_41-5">(5)</span></a> H : L’homme vulgaire s’élève et s’exalte lui-même. Le Saint s’unit de cœur au Tao, il se rapproche de la poussière du siècle ; il se plie aux usages et ne les adopte pas.</p><p>A : L’homme qui possède le sublime Tao ne se distingue pas de la foule. Cet interprète explique le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">夷</span> dans le sens de <i>ta</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">大</span>, « grand. »</p><br><p><a href="#lien_41-6"><span id="ancrage_41-6">(6)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Il se tient constamment dans le rang le plus bas. <i>Aliter</i> H : L’homme vulgaire a une âme étroite ; elle ne contiendrait pas un atome. Le Saint embrasse dans son cœur le ciel et la terre. Il n’y a rien que sa vertu ne contienne. Elle est comme la mer,qui reçoit tous les fleuves. </p><br><p><a href="#lien_41-7"><span id="ancrage_41-7">(7)</span></a> H : L’homme vulgaire est rempli intérieurement de vices et de souillures, et il se pare de dehors spécieux pour paraître pur et sans tache. Le saint est droit et simple, il est pur et blanc comme la neige. Sa vertu n’a jamais reçu un atome de la poussière du siècle ;c’est pourquoi il peut endurer la honte et supporter les opprobres. A le voir, on le prendrait pour un homme du commun. </p><br><p><a href="#lien_41-8"><span id="ancrage_41-8">(8)</span></a> H : L’homme vulgaire ne laisse pas oublier la plus petite de ses vertus. Il se prévaut du bien qu’il fait et exige qu’on le paye de retour. Le Saint répand sa vertu et ses bienfaits sur toutes les créatures, et ne s’en fait point un mérite ; c’est pourquoi sa grande vertu parait insuffisante. </p><br><p><a href="#lien_41-9"><span id="ancrage_41-9">(9)</span></a> E donne au mot <i>teou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">偷</span> le sens de « paresseux, dépourvu de zèle. »</p><br><p><a href="#lien_41-10"><span id="ancrage_41-10">(10)</span></a> E : L’homme simple et vrai retranche les ornements et supprime les dehors spécieux. Il ressemble à un objet qui s’est détérioré et qui n’a plus rien de neuf.</p><p>Le mot <i>iu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">渝</span> signifie « changer en mal, se détériorer, » et « sale,repoussant. » A le rend par l’adjectif « superficiel. »</p><br><p><a href="#lien_41-11"><span id="ancrage_41-11">(11)</span></a> A, H, <i>Hi-ching</i> et <i>Youen-tse</i>, rapportent ces sons au Saint ; E les rapporte au Tao. Le reste du chapitre ne présente aucune difficulté. </p><br>
<b>CHAPITRE XLII</b><br><br><p>Le Tao a produit un<a href="#ancrage_42-1"><small><sup><span id="lien_42-1"> (1)</span></sup></small></a> ; un a produit deux<a href="#ancrage_42-2"><small><sup><span id="lien_42-2"> (2)</span></sup></small></a> ; deux a produit trois<a href="#ancrage_42-3"><small><sup><span id="lien_42-3"> (3)</span></sup></small></a> ; trois<a href="#ancrage_42-4"><small><sup><span id="lien_42-4"> (4)</span></sup></small></a> a produit tous les êtres.</p><p>Tous les êtres fuient<a href="#ancrage_42-5"><small><sup><span id="lien_42-5"> (5)</span></sup></small></a> le calme et cherchent le mouvement.</p><p>Un souffle immatériel<a href="#ancrage_42-6"><small><sup><span id="lien_42-6"> (6)</span></sup></small></a> forme l’harmonie.</p><p>Ce que les hommes détestent<a href="#ancrage_42-7"><small><sup><span id="lien_42-7"> (7)</span></sup></small></a> c’est d’être <i>orphelins, imparfaits, dénués de vertu</i>, et cependant les rois s’appellent ainsi eux-mêmes<a href="#ancrage_42-8"><small><sup><span id="lien_42-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant<a href="#ancrage_42-9"><small><sup><span id="lien_42-9"> (9)</span></sup></small></a> ; les autres se diminuent en s’augmentant. </p><p>Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi<a href="#ancrage_42-10"><small><sup><span id="lien_42-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle. </p><p>Je veux prendre leur exemple pour la base<a href="#ancrage_42-11"><small><sup><span id="lien_42-11"> (11)</span></sup></small></a> de mes instructions. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_42-1"><span id="ancrage_42-1">(1)</span></a> <i>Li-si-tchaï : </i>Tant que le Tao était concentré en lui-même, <i>Un</i> n’était pas encore né. <i>Un</i> n’étant pas encore né, comment aurait-il pu y avoir <i>deux ? </i>Deux n’existait pas parce que <i>Un</i> ne s’était pas encore divisé, répandu (dans l’univers pour former les êtres). Dès qu’il y a eu <i>Un</i> (c’est-à-dire dès que le Tao se fut produit au dehors),aussitôt il y a eu <i>deux</i>. </p><br><p><a href="#lien_42-2"><span id="ancrage_42-2">(2)</span></a> E : <i>Un</i> a produit <i>deux</i>, c’est-à-dire, un s’est divisé en principe <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span>, « femelle, » et en principe <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span>, « mâle. »</p><br><p><a href="#lien_42-3"><span id="ancrage_42-3">(3)</span></a> E : <i>Deux</i> a produit <i>trois</i> (c’est-à-dire, deux ont produit un <i>troisième</i> principe) : le principe femelle et le principe mâle se sont unis et ont produit l’<i>harmonie</i>. </p><br><p><a href="#lien_42-4"><span id="ancrage_42-4">(4)</span></a> <i>Trois</i>, c’est-à-dire ce troisième principe. E : Le souffle d’<i>harmonie</i> s’est condensé et a produit tous les êtres. Voyez note 6. </p><br><p><a href="#lien_42-5"><span id="ancrage_42-5">(5)</span></a> Plusieurs interprètes expliquent le mot <i>fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">負</span> par « tourner le dos à, fuir, » et le mot <i>pao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">抱</span> par « se tourner vers, chercher. »Suivant E, le mot <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span> désigne ici « le repos, » <i>tsing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">靜</span>, et <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span>, « le mouvement, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">動</span>. </p><p><i>Tong-sse-tsing</i> rapporte ce passage aux plantes et aux arbres, et rend les mots <i>in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陰</span> et <i>yang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陽</span> par « le froid » et « la chaleur. Les plantes, dit-il, se détournent du froid et se dirigent vers la chaleur,et un souffle vide (un principe vital) circule au dedans d’elles. (Cette application paraît trop restreinte.) </p><br><p><a href="#lien_42-6"><span id="ancrage_42-6">(6)</span></a> Le mot <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">氣</span> « souffle,  » a en partie l’extension du mot latin <i>anima</i>, qui signifie à la fois « souffle » et « principe vital ; » mais il ne se dit pas, comme anima, de l'âme intelligente de l’homme. »</p><p>H : Le mot <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">冲</span> veut dire « vide, <i>hiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">虚</span>, immatériel. » <i>Ibid</i>. Ce <i>souffle d’harmonie</i> est la racine de tous les êtres ; mais il est vide, mou et faible ; il n’est point de la même espèce que les êtres.</p><br><p><a href="#lien_42-7"><span id="ancrage_42-7">(7)</span></a> <i>Yen kiun-p’ing : </i>Ce qui est petit, exigu, mou et faible (le Tao),a été l’origine du ciel et de la terre, et la mère de tous les êtres ;mais les hommes détestent la faiblesse, l’exiguïté, l’imperfection ; et cependant les princes et les rois en tirent les noms qu’ils se donnent eux-mêmes. (H) N’est-ce pas parce qu’ils regardent l’humilité, la faiblesse,comme les plus puissants ressorts du monde !</p><br><p><a href="#lien_42-8"><span id="ancrage_42-8">(8)</span></a> H : Ces noms que se donnent les rois sont des termes d’humilité. Si les princes et les rois ne s’abaissaient pas (littéral. « ne se diminuaient pas », l’empire ne se soumettrait pas à eux. C’est pourquoi les empereurs <i>Yao</i> et <i>Chun</i> occupèrent le trône et le regardèrent comme s’il leur eut été étranger (ils oubliaient leur élévation) ; leurs bienfaits ont eu une étendue sans bornes, et jusqu’aujourd’hui on célèbre leur vertu. Aussi quiconque s’abaisse est élevé par les hommes (littéral. « quiconque se diminue, les hommes l’augmentent » ). </p><p><i>Lia-kie-fou : </i>Ceux qui ont créé, dans l’antiquité, les dénominations humbles par lesquelles les princes devaient se désigner eux-mêmes,les ont empruntées aux conditions que les hommes méprisent généralement. Ils ont voulu par là que, malgré leur noblesse et leur élévation, les rois n’oubliassent pas la condition abjecte et roturière d’où ils sont sortis. </p><p>B : Les rois s’appellent ainsi, parce que la diminution est la racine de l' <i>augmentation</i>, parce que, en s'appauvrissant et en s'abaissant extérieurement,on s’enrichit et on s’élève intérieurement.</p><br><p><a href="#lien_42-9"><span id="ancrage_42-9">(9)</span></a> H : <i>Kie</i> et <i>Tcheou</i> n’ont employé que pour eux seuls les richesses et la puissance de l’empire ; ils ont tyrannisé le peuple et assouvi leurs passions ; ils ne songeaient qu’à eux, sans prendre soin des autres hommes ; aussi, quoiqu’ils occupassent le trône, tout l’empire les abandonna. On voit par là que ceux qui s’élèvent eux-mêmes sont abaissés par les hommes (littér. « de là vient que ceux qui s’augmentent eux-mêmes, les hommes les diminuent » ).</p><br><p><a href="#lien_42-10"><span id="ancrage_42-10">(10)</span></a> H : Ce que les hommes enseignent, je n’ai jamais manqué de l’enseigner. Mais les hommes ordinaires ne savent pas enseigner les autres. Ils ne songent qu’à augmenter leurs connaissances (les connaissances des autres) ; ils les rendent orgueilleux, arrogants ; et cette présomption les pousse à des actes violents. Ils ignorent que les hommes violents (G : qui cherchent à subjuguer les autres) ne meurent jamais d’une manière naturelle. Mais, moi, j’enseigne aux hommes à diminuer chaque jour leurs désirs, à se maintenir dans l’humilité et la modestie, pour conserver la vertu d’harmonie qui est la base et le soutien de leur vie. </p><p>A, B : Les hommes de la multitude enseignent à quitter la faiblesse pour la force, la douceur pour la fermeté ; moi, j’enseigne à quitter la force pour la faiblesse, la fermeté qui résiste pour la douceur qui sait céder aux obstacles. </p><p>D’après les interprètes A, B, il semble qu’il devrait y avoir dans le texte : « J'enseigne le contraire de ce qu’enseignent les hommes vulgaires. »</p><p>Plusieurs commentateurs ont omis ce passage, à cause de l’impossibilité où ils se trouvaient, sans doute, de faire disparaître la contradiction qu’il présente. Peut-être vaut-il mieux adopter la leçon d’un ancien texte cité dans les variantes de G : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人之所以教我。亦我之所以教人</span>. « Ce que les hommes m’ont enseigné, je l’enseigne à mon tour aux autres hommes. »Mais ce passage aurait des conséquences graves. Il nous autoriserait à faire remonter plus haut que <i>Lao-tseu</i> la doctrine dont on le regarde comme l’auteur. J’ajouterai, à cette occasion, que, depuis les Han, les historiens chinois emploient souvent l’expression <i>Hoang-lao-tchi-yen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">黄老之言</span>, « La doctrine de l’empereur <i>Hoang-ti</i> et de <i>Lao-tseu</i>, » pour désigner les principes exposés dans le <i>Tao-te-king</i>. Ils écrivent aussi : <i>hio-Hoang-Lao, sse-Hoang-Lao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">學黄老事黄老</span> « étudier, servir <i>Hoang-ti</i> et <i>Lao-tseu</i> », pour dire :étudier, professer cette même doctrine. Cf. <i>Pien-i-tien</i>, liv. LV, fol. 1 r. et <i>Hio-tong</i>, liv. L. Or on sait que l’empereur <i>Hoang-ti</i> commença à régner l’an 2698 avant J. C. Malheureusement les circonstances de sa vie et de son règne ne sont pas exemptes de cette obscurité qui est inséparable des époques primitives de l’histoire du monde. </p><br><p><a href="#lien_42-11"><span id="ancrage_42-11">(11)</span></a> E : <i>Kiao-fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">教父</span> : C'est comme s’il disait : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">衆教之先</span>. « La <i>première de toutes</i> (mes) instructions. » ( On voit que E rend <i>fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">父</span> <i>vulgo</i> « père, » par <i>sien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">先</span>, « ce qui passe avant, »ce qui précède, <i>la chose première</i>. (A : <i>Fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">父</span>, c’est-à-dire <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">始</span>, « commencement. » Même sens.) <i>Lao-tseu</i> dit que « Les hommes violents n’obtiennent pas une bonne mort. » Quoique les hommes de son temps professassent cette doctrine, ils n’en saisissaient pas le sens, et ne la regardaient pas comme très-importante. L’auteur la prend pour base de ses instructions, parce qu’il en comprend toute la portée. </p><p>H explique le mot <i>fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">父</span> par <i>mo-to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">木鐸</span> (cf. Morrison,<i>Dict. chin.</i> part. II, n° 10305), « sorte de clochette dont on se servait pour appeler le peuple à venir recevoir l’instruction. » Ici ce mot se prendrait au figuré pour désigner celui qui annonce, qui prêche une doctrine. H : « Je serai le prédicateur de la doctrine. »</p><p>Un seul commentateur (G) rend les mots <i>kiao-fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">教父</span> au sens propre : « Je serai le père de la doctrine. » </p><br>
<b>CHAPITRE XLIII</b><br><br><p>Les choses les plus molles du monde subjuguent<a href="#ancrage_43-1"><small><sup><span id="lien_43-1"> (1)</span></sup></small></a> les choses les plus dures du monde.</p><p>Le non-être<a href="#ancrage_43-2"><small><sup><span id="lien_43-2"> (2)</span></sup></small></a> traverse les choses impénétrables<a href="#ancrage_43-3"><small><sup><span id="lien_43-3"> (3)</span></sup></small></a>. C’est par là que je sais que le non-agir est utile. </p><p>Dans l’univers, il y a bien peu d’hommes qui sachent instruire sans parler<a href="#ancrage_43-4"><small><sup><span id="lien_43-4"> (4)</span></sup></small></a> et tirer profit du <i>non-agir</i><a href="#ancrage_43-5"><small><sup><span id="lien_43-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_43-1"><span id="ancrage_43-1">(1)</span></a> <i>Sic</i> E : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">役使</span>. B : L’eau est extrêmement molle, et cependant elle peut renverser les montagnes et les collines. </p><br><p><a href="#lien_43-2"><span id="ancrage_43-2">(2)</span></a> A : <i>Wou-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無有</span> le <i>non-être</i>, c’est-à-dire le Tao. Le Tao n’a pas de corps ; c’est pourquoi il peut pénétrer les esprits et la multitude des êtres. </p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> pense que l’expression <i>non-être</i> s’applique aux esprits. <i>Liu-kie-fou</i> la rapporte au <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">氣</span>, à l’éther, qu’il regarde comme immatériel, <i>wou-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無質</span>. </p><br><p><a href="#lien_43-3"><span id="ancrage_43-3">(3)</span></a> B : L’expression <i>wou-kien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無閒</span> signifie « ce qui n’a point d’interstices » (ce qui est impénétrable). Il n’y a pas de corps plus délié, plus fin que la poussière, et cependant elle ne peut entrer dans un corps sans interstices. Mais l’être d’une subtilité ineffable traverse le duvet d’automne (qui pousse aux animaux en automne) et trouve de la place de reste ; il pénètre sans difficulté les pierres et les métaux les plus durs. </p><br><p><a href="#lien_43-4"><span id="ancrage_43-4">(4)</span></a> E : Le Saint ne parle pas, et le peuple se convertit ; il pratique le <i>non-agir</i>, et les affaires sont bien gouvernées. C’est par là que sa sincérité parfaite accomplit naturellement de grands mérites. Mais les autres hommes ont besoin de répandre des instructions pour qu’on leur obéisse ; ils ont besoin d’agir pour réussir dans leurs desseins. Ils se donnent beaucoup de peine, et n’obtiennent que de minces résultats. Ils sont bien loin de la voie du Saint !</p><p>E : <i>Yen-kiun-ping</i> dit : Celui qui agit d’une manière active peut faillir et perdre le mérite qu’il ambitionne ; celui qui agit sans agir obtient des succès sans bornes. C’est ainsi qu’opèrent le ciel et la terre ; c’est par là que surgissent les hommes et les êtres.</p><p>La voix qui s’exprime par des sons s’entend à peine jusqu’à cent lis ; la voix qui est dénuée de son pénètre au delà du ciel et ébranle tout l’empire. </p><p>Les paroles humaines ne sont pas comprises des différentes espèces d’hommes ; mais, à la parole de l’être qui ne parle pas, le <i>In</i> et le <i>Yang</i> (le principe femelle et le principe mâle) répandent leurs influences fécondes, le ciel et la terre s’unissent pour produire les êtres. Or le Tao et la Vertu n’agissent pas, et cependant le ciel et la terre donnent aux créatures leur entier développement. Le ciel et la terre ne parlent pas, et cependant les quatre saisons suivent leur cours. C’est (A) par là que je vois que le <i>non-agir</i> est utile aux hommes. </p><br><p><a href="#lien_43-5"><span id="ancrage_43-5">(5)</span></a> Littéralement : « L’instruction du <i>non-parler</i>, l’utilité du <i>non-agir</i>,dans le monde peu d’hommes atteignent cela. »</p><p>H : Les hommes ne savent pas enseigner les autres, parce qu’ils parlent. Alors ils se fient à leur prudence, s’estiment, se vantent et aiment à agir. Celui qui aime à agir est facile à renverser. On voit par là que l’instruction qu’accompagnent les paroles, la conduite qui se manifeste par l’action, sont des choses inutiles. D’où il résulte que, dans le monde, peu d’hommes sont en état d’instruire sans faire usage de la parole, et d’obtenir les avantages du <i>non-agir</i>. </p><br>
<b>CHAPITRE XLIV</b><br><br><p>Qu’est-ce qui nous touche de plus près, de notre gloire<a href="#ancrage_44-1"><small><sup><span id="lien_44-1"> (1)</span></sup></small></a> ou de notre personne ?</p><p>Qu’est-ce qui nous est le plus précieux, de notre personne ou de nos richesses ?</p><p>Quel est le plus grand malheur, de les acquérir ou de les perdre ?</p><p>C’est pourquoi celui qui a de grandes passions<a href="#ancrage_44-2"><small><sup><span id="lien_44-2"> (2)</span></sup></small></a> est nécessairement exposé à de grands sacrifices.</p><p>Celui qui cache un riche trésor<a href="#ancrage_44-3"><small><sup><span id="lien_44-3"> (3)</span></sup></small></a> éprouve nécessairement de grandes pertes.</p><p>Celui qui sait se suffire<a href="#ancrage_44-4"><small><sup><span id="lien_44-4"> (4)</span></sup></small></a> est à l’abri du déshonneur.</p><p>Celui qui sait s’arrêter<a href="#ancrage_44-5"><small><sup><span id="lien_44-5"> (5)</span></sup></small></a> ne périclite jamais.</p><p>Il pourra subsister<a href="#ancrage_44-6"><small><sup><span id="lien_44-6"> (6)</span></sup></small></a> longtemps. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_44-1"><span id="ancrage_44-1">(1)</span></a> C est-à-dire, sans interrogation : « Notre personne nous touche de plus près que notre gloire (H), notre personne nous est plus précieuse que les richesses ; c’est un plus grand malheur d’acquérir la gloire et les richesses que de les perdre. » B : La gloire et les richesses sont des choses extérieures. Méritent-elles que nous nous réjouissions après les avoir acquises, que nous nous affligions après les avoir perdues ?</p><p><i>Liu-kie-fou : </i>Ce que les guerriers recherchent avec ardeur, c’est la gloire ; et, pour l’obtenir, ils vont jusqu’à faire le sacrifice de leur vie. Ainsi ils ignorent que leur personne les touche de plus près que la gloire. </p><p>Ce que les hommes cupides recherchent avec ardeur, ce sont les richesses ; et, pour les acquérir, ils vont jusqu’à exposer leur vie ;ils ignorent que leur personne est plus précieuse que les richesses. Ils acquièrent les richesses, et ils perdent leur noblesse intérieure et leur richesse innée (leur vertu) !</p><p>Celui qui possède la vertu sait que la plus belle noblesse réside en lui-même, et il n’attend rien de la gloire ; c’est pourquoi il sait se suffire et ne connaît point le déshonneur. Il sait que la richesse la plus précieuse réside en lui-même, et il n’attend rien des biens que procure l’opulence. C’est pourquoi il sait s’arrêter et ne périclite pas. N’étant exposé ni au déshonneur, ni au danger, il peut subsister longtemps. </p><p><i>Yen-kiun-ping : </i>La gloire est le plus grand artisan des malheurs et des désordres ; pour l’obtenir, l’homme s’aliène le ciel et la terre, et court à sa perte. Les richesses l’enflent d’orgueil ; pour les obtenir, il accable le peuple de fatigues, il appauvrit le royaume,il trouble ses esprits, il expose son cœur à une foule de désirs, il se met en révolte contre le Tao, il se livre au vol et au brigandage ;l’univers le déteste, le monde lui déclare la guerre ; c’est souvent un malheur de les acquérir (la gloire et les richesses), un bonheur de les perdre. En effet, celui qui a acquis de la gloire ou de la fortune ne persévère pas dans le Tao et la Vertu. Les esprits l’abandonnent,et il tranche lui-même sa vie ; le ciel même ne pourrait le sauver. Mais dès qu’un homme est délivré de la gloire et des richesses, le Tao et la Vertu le favorisent, et les esprits le protègent. Sa gloire éclate d’elle-même, et ses richesses égalent celles du ciel et de la terre. </p><br><p><a href="#lien_44-2"><span id="ancrage_44-2">(2)</span></a> A : Celui qui aime beaucoup la volupté consume ses forces ;celui qui aime beaucoup les richesses tombe dans le malheur. Ce qu’il aime est peu de chose, ce qu’il perd est immense I </p><p><i>Lie-kiu-fou : </i>Celui qui aime la gloire désire s’anoblir ; mais, par son amour immodéré de la gloire, il la perd ainsi que sa noblesse innée (sa vertu) ! Celui qui amasse des richesses désire se rendre opulent ; mais, en les enfouissant en grande quantité, il les perd ainsi que ce qui fait sa véritable richesse (sa vertu). </p><br><p><a href="#lien_44-3"><span id="ancrage_44-3">(3)</span></a> A : Si, pendant votre vie, vous cachez beaucoup de richesses dans vos coffres, on viendra vous attaquer et vous piller. Si, après votre mort, on dépose de grandes richesses dans votre tombeau, les voleurs violeront votre sépulture et fouilleront votre cercueil. </p><br><p><a href="#lien_44-4"><span id="ancrage_44-4">(4)</span></a> A : L’homme qui sait se suffire renonce au profit, se dépouille de ses désirs, et ne s’expose pas au déshonneur pour les contenter. </p><br><p><a href="#lien_44-5"><span id="ancrage_44-5">(5)</span></a> A : Il ne se compromet point pour obtenir les richesses et le profit ; la musique, la beauté des femmes ne troublent point ses oreilles ni ses yeux. C’est pourquoi il n’est exposé à aucun danger. </p><br><p><a href="#lien_44-6"><span id="ancrage_44-6">(6)</span></a> A : Si un homme sait s’arrêter, se suffire, il trouvera en lui-même le bonheur et la fortune. En se gouvernant lui-même, il n’usera pas ses esprits ; en gouvernant le royaume, il ne tourmentera pas le peuple. C’est pourquoi il pourra subsister longtemps. </p><br>
<b>CHAPITRE XLV</b><br><br><p>(Le Saint) est grandement parfait, et il paraît plein d’imperfections<a href="#ancrage_45-1"><small><sup><span id="lien_45-1"> (1)</span></sup></small></a> ; ses ressources ne s’usent point.</p><p>Il est grandement plein, et il paraît vide ; ses ressources ne s’épuisent point.</p><p>Il est grandement droit<a href="#ancrage_45-2"><small><sup><span id="lien_45-2"> (2)</span></sup></small></a>, et il semble manquer de rectitude.</p><p>Il est grandement ingénieux<a href="#ancrage_45-3"><small><sup><span id="lien_45-3"> (3)</span></sup></small></a>, et il paraît stupide.</p><p>Il est grandement disert, et il paraît bègue.</p><p>Le mouvement triomphe du froid ; le repos triomphe de la chaleur<a href="#ancrage_45-4"><small><sup><span id="lien_45-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui est pur et tranquille devient le modèle de l’univers. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_45-1"><span id="ancrage_45-1">(1)</span></a> E : La perfection se détruit promptement, la plénitude s’épuise rapidement, parce que l’homme se glorifie de sa perfection et de sa plénitude, et ne sait pas les maintenir par le Tao. Pour conserver constamment sa perfection, il faut nécessairement paraître imparfait ;pour garder constamment sa plénitude (la plénitude de sa vertu ou de ses richesses), il faut nécessairement paraître vide. </p><p>A : Le prince qui possède la perfection du Tao et de la Vertu efface sa gloire et cache les louanges qu’il reçoit. Le prince qui possède la plénitude du Tao et de la Vertu paraît vide, c’est-à-dire qu’il est comblé d’honneurs et n’ose s’enorgueillir, qu’il est riche et n’ose se livrer au luxe et à la prodigalité. </p><br><p><a href="#lien_45-2"><span id="ancrage_45-2">(2)</span></a> B : Ce passage s’applique au jugement du Saint. En voici le mot à mot en latin : (vir) <i>magnopere rectus</i> (<i>est</i>) <i>veluti carvus</i>. </p><br><p><a href="#lien_45-3"><span id="ancrage_45-3">(3)</span></a> A : Il possède beaucoup de talents, mais il n’ose les laisser voir. </p><br><p><a href="#lien_45-4"><span id="ancrage_45-4">(4)</span></a> <i>Li-si-tchaï : </i>Le mouvement peut triompher du froid (en produisant de la chaleur), mais il ne peut triompher de la chaleur (c’est-à-dire produire du froid) ; le repos peut triompher de la chaleur (en produisant du froid), mais il ne peut triompher du froid (le froid naît de la cessation du mouvement, c’est-à-dire du repos). Chacune de ces deux choses a une propriété limitée. Mais lorsque l’homme est pur, tranquille, <i>non-agissant</i>, quoiqu’il ne cherche point à triompher des êtres, aucun être du monde ne peut triompher de lui. C’est pourquoi Lao-tseu dit : L’homme pur et calme devient le modèle de l’empire. </p><p>Aliter <i>Ho-chang-kong</i> (A). Il a cru que le mot <i>ching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">勝</span>, « vaincre, »signifiait ici « arriver au faite, au comble. » Au printemps, l’air vivifiant,la chaleur du principe <i>Yang</i> circule rapidement dans les régions supérieures, et les plantes croissent et grandissent. Quand cette chaleur est arrivée à son comble, elle est suivie du froid, et alors elles dépérissent et meurent. <i>Lao-tseu</i> enseigne à renoncer à la force et au mouvement qui amènent la mort.</p><p>En hiver, les plantes restent en repos au bas de la fontaine jaune (c’est-à-dire dans l’inertie de la mort) ; quand ce repos est arrivé à son comble, il est suivi de la chaleur (le printemps succède à l’hiver). La chaleur est la source de la vie. Il faut donc se tenir dans une quiétude absolue. </p><br>
<b>CHAPITRE XLVI</b><br><br><p>Lorsque le Tao régnait dans le monde<a href="#ancrage_46-1"><small><sup><span id="lien_46-1"> (1)</span></sup></small></a>, on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs.</p><p>Depuis que le Tao ne règne plus dans le monde<a href="#ancrage_46-2"><small><sup><span id="lien_46-2"> (2)</span></sup></small></a>, les chevaux de combat naissent sur les frontières.</p><p>Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs.</p><p>Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire.</p><p>Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir.</p><p>Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_46-1"><span id="ancrage_46-1">(1)</span></a> H : <i>Lao-tseu</i> veut montrer dans ce chapitre les malheurs qui naissent de la multitude des désirs et de l’<i>activité</i> (du contraire du <i>non-agir</i>), et le bonheur du sage qui sait se conserver par la modération. </p><p>Dans la haute antiquité, les princes qui possédaient le Tao étaient purs, calmes et exempts de désirs ; ils convertissaient les hommes par le <i>non-agir</i>. C’est pourquoi le peuple vivait en paix et se plaisait dans sa condition. On laissait <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">棄却</span> les chevaux, qui auparavant étaient destinés aux combats, et on ne les employait plus qu’à cultiver les champs. Aussi, chaque famille, chaque homme avait tout ce qui lui était nécessaire. Depuis que le siècle s’est corrompu et que le Tao a dépéri, les Saints ne surgissent plus dans le monde. Les vassaux s’abandonnent à la violence et au désordre. Chacun d’eux s’applique à enrichir son royaume et à dominer par la force des armes ; leur ambition est insatiable. Ils se livrent des combats continuels. C’est pourquoi les chevaux de guerre naissent sur les frontières. Voyez note 2. </p><p>E explique ce passage d’une manière générale : « Quand l’empire suit la droite voie, on renvoie les chevaux (de l’armée) et l’on n’en fait aucun usage. Les hommes s’appliquent uniquement à cultiver les champs. — Quand l’empire ne suit pas la droite voie, etc. » Il rend les mots <i>khio-tseou-ma</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">却走馬</span> par « renvoyer les chevaux dans l’intérieur du royaume ; il rapporte aux hommes le mot <i>fen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">糞</span>, et lui donne le sens de « cultiver les champs. »</p><p><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">走馬</span> Par <i>tseou-ma</i>, C entend les chevaux de l’armée, <i>tchen-ma</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">戰馬</span>.</p><br><p><a href="#lien_46-2"><span id="ancrage_46-2">(2)</span></a> C, E : La guerre se prolongeant, les chevaux ne reviennent plus dans l’intérieur du royaume, et restent si longtemps en dehors des frontières, qu’ils peuvent y propager leur race.</p><p>Le reste du chapitre ne présente aucune difficulté. </p><br>
<b>CHAPITRE XLVII</b><br><br><p>Sans sortir de ma maison, je connais l’univers<a href="#ancrage_47-1"><small><sup><span id="lien_47-1"> (1)</span></sup></small></a> ; sans regarder par ma fenêtre, je découvre les voies du ciel<a href="#ancrage_47-2"><small><sup><span id="lien_47-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Plus l’on s’éloigne et moins l’on apprend<a href="#ancrage_47-3"><small><sup><span id="lien_47-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi le sage<a href="#ancrage_47-4"><small><sup><span id="lien_47-4"> (4)</span></sup></small></a> arrive (où il veut) sans marcher ;il nomme les objets sans les voir ; sans agir, il accomplit de grandes choses. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_47-1"><span id="ancrage_47-1">(1)</span></a> E : Tous les hommes de l’univers tendent au même but,quoique par des voies diverses. Leurs sentiments ne différent pas des miens. C’est pourquoi, sans sortir de ma maison (littéral. « de ma porte » ), je peux connaître l’univers ; sans regarder par ma fenêtre,je peux connaître les voies du ciel. <i>Ibidem : </i>Ce qu’il y a de plus important pour l’homme réside dans son intérieur, et par conséquent très-près de lui. S’il le cherche au dehors, il s’en éloigne de plus en plus. </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Telle est l’essence de la nature humaine, qu’elle embrasse et parcourt tout l’univers ; elle ne connaît pas l’éloignement ni la proximité du temps ou de l’espace. Le Saint connaît tout sans sortir de sa porte et sans ouvrir sa fenêtre, parce que sa nature est d’une perfection absolue ; mais les hommes du siècle sont aveuglés par les choses matérielles, leur nature est bornée par les limites des sens ; ils sont troublés par leur corps et leur cœur. Extérieurement ils sont arrêtés par les montagnes et les eaux, ils ne voient pas au delà de la portée des yeux, ils n’entendent pas au delà de la portée de leurs oreilles. La plus faible clôture peut paralyser l’exercice de ces deux facultés. </p><p><i>Liu-kie-fou : </i>L’univers est immense. Il est nécessaire de sortir pour le connaître. Mais l’espace que nous pouvons en parcourir par la force de nos pieds est infiniment peu de chose ; ce que nous pouvons en connaître est très-borné. </p><p>Les voies du ciel ont une étendue incommensurable ; il faut absolument le regarder pour les juger ; mais l’éloignement que nous pouvons atteindre par la force de notre vue est bien limité ; ce que nous pouvons apercevoir est bien exigu. Le Saint connaît la nature de l’univers ; il comprend les voies du ciel, parce qu’il possède tout au dedans de lui-même. </p><br><p><a href="#lien_47-2"><span id="ancrage_47-2">(2)</span></a> Un seul commentateur (C) entend par <i>thien-tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天道</span>(les voies du ciel) les opérations des deux principes <i>In</i> et <i>Yang</i> (femelle et mâle), et les mouvements du soleil et de la lune. </p><br><p><a href="#lien_47-3"><span id="ancrage_47-3">(3)</span></a> H : Les hommes du monde sont aveuglés par l’intérêt et les passions. Ils s’élancent au dehors pour les satisfaire. L’amour du lucre trouble leur prudence. C’est pourquoi, de jour en jour, ils s’éloignent davantage de leur nature. La poussière des passions s’épaissit davantage de jour en jour, et leur cœur s’obscurcit de plus en plus. C’est pourquoi, plus ils s’éloignent, et plus leurs connaissances diminuent. Mais le saint homme reste calme et sans désirs ; il ne s’occupe point des choses sensibles, et, en restant en repos, il comprend tous les secrets de l’univers. </p><br><p><a href="#lien_47-4"><span id="ancrage_47-4">(4)</span></a> Les éditions B, E, donnent <i>pou-hing-eul-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不行而至</span>(<i>non incedit et pervenit</i>). J’ai préféré ce sens à celui des textes de A et de G, qui portent : <i>pou-hing-eul-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不行而知</span>(<i>non incedit et cognoscit</i>). Suivant A, qui lit <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">知</span> (<i>cognoscit</i>), le Saint n’a pas besoin de monter au ciel ou de descendre dans les abîmes pour connaître le ciel et la terre. Il les connaît par son propre <i>cœur</i>. </p><br>
<b>CHAPITRE XLVIII</b><br><br><p>Celui qui se livre à l’étude augmente<a href="#ancrage_48-1"><small><sup><span id="lien_48-1"> (1)</span></sup></small></a> chaque jour (ses connaissances).</p><p>Celui qui se livre au Tao diminue chaque jour (ses passions).</p><p>Il les diminue et les diminue<a href="#ancrage_48-2"><small><sup><span id="lien_48-2"> (2)</span></sup></small></a> sans cesse jusqu’à ce qu’il soit arrivé au <i>non-agir</i>.</p><p>Dès qu’il pratique le <i>non-agir</i><a href="#ancrage_48-3"><small><sup><span id="lien_48-3"> (3)</span></sup></small></a> il n’y a rien qui lui soit impossible.</p><p>C’est toujours par le <i>non-agir</i> que l’on devient le maître de l’empire.</p><p>Celui qui aime à <i>agir</i> est incapable de devenir le maître de l’empire<a href="#ancrage_48-4"><small><sup><span id="lien_48-4"> (4)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_48-1"><span id="ancrage_48-1">(1)</span></a> B : Celui qui étudie craint toujours que ses connaissances ne soient incomplètes ; c’est pourquoi il travaille sans relâche pour faire des progrès. Celui qui pratique le Tao craint toujours de ne pouvoir se dégager de ses passions ; c’est pourquoi il s’applique sans relâche à déraciner ses désirs. </p><p><a href="#lien_48-2"><span id="ancrage_48-2">(2)</span></a> E : Le mot <i>sun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">損</span> veut dire « diminuer ses passions et revenir au non-agir. » Les désirs de l’homme sont très-nombreux. Quoiqu’il les diminue chaque jour, il ne peut les détruire promptement ;c’est pourquoi il faut qu’il les diminue sans relâche. Ensuite ses désirs s’épuisent peu à peu, et il parvient au <i>non-agir</i>. Dès qu’il est parvenu au <i>non-agir</i>, il est semblable au Tao. Intérieurement il devient un saint, extérieurement il devient le maître de tout l’empire. </p><br><p><a href="#lien_48-3"><span id="ancrage_48-3">(3)</span></a> E : L’expression <i>wou-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無事</span> veut dire ici <i>wou-weî</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無為</span> « pratiquer le <i>non-agir</i>. »</p><p>H : Celui qui pratique le <i>non-agir</i> est exempt de désirs, Si le roi est exempt de désirs, le peuple se rectifie de lui-même. Lorsque le peuple s’est rectifié de lui-même, l’affection de tout l’empire est acquise au roi. Alors il lui est aussi aisé de bien gouverner l’empire que de regarder dans sa main. On voit par là qu’il suffit de pratiquer le <i>non-agir</i> pour se rendre maître de l’empire.</p><br><p><a href="#lien_48-4"><span id="ancrage_48-4">(4)</span></a> B : Les hommes de l’empire aiment le repos et la quiétude ;ils abhorrent le trouble et le désordre. Ils se soumettent aux princes justes et humains ; ils abandonnent ceux qui sont violents et cruels. Lorsque le roi se dégage de toute occupation (E : c’est-à-dire lorsqu’il pratique le <i>non-agir</i>), le peuple goûte la paix, et l’empire se soumet à lui. Lorsqu’il se livre à l’<i>action</i> (A), il fatigue et tourmente ses sujets par une foule de règlements, et tout l’empire l’abandonne. </p><p>H : Si le roi se livre à l’<i>action</i>, il a des désirs ; s’il a des désirs, le peuple se trouble et s’agite ; si le peuple se trouble et se livre au désordre, le roi perd l’affection du peuple. Cette affection une fois perdue, la multitude l’abandonne et ses parents le fuient. On voit par là qu’en se livrant à l’<i>action</i> on est incapable de devenir le maître de l’empire. <i>Lao tseu</i> a raison de dire (chap. <span class="sc">xliii</span>) que peu d’hommes sont en état de comprendre l’utilité du <i>non-agir</i>.</p><p>Suivant <i>Ho-chang-kong</i>, le mot <i>thsin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">取</span> (<i>vulgo</i> prendre) signifie ici <i>tchhi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">治</span> « bien gouverner (l’empire). » </p><br>
<b>CHAPITRE XLIX</b><br><br><p>Le Saint n’a point de sentiments immuables. Il adopte les sentiments du peuple<a href="#ancrage_49-1"><small><sup><span id="lien_49-1"> (1)</span></sup></small></a></p><p>Celui qui est vertueux, il<a href="#ancrage_49-2"><small><sup><span id="lien_49-2"> (2)</span></sup></small></a> le traite comme un homme vertueux ; celui qui n’est pas vertueux, il le traite aussi comme un homme vertueux. C’est là le comble de la vertu<a href="#ancrage_49-3"><small><sup><span id="lien_49-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui est sincère, il le traite comme un homme sincère ; celui qui n’est pas sincère, il le traite aussi comme un homme sincère. C’est là le comble de la sincérité. </p><p>Le Saint vivant dans le monde reste calme et tranquille,et conserve<a href="#ancrage_49-4"><small><sup><span id="lien_49-4"> (4)</span></sup></small></a> les mêmes sentiments pour tous.</p><p>Les cent familles attachent sur lui leurs oreilles et leurs yeux. </p><p>Le Saint regarde le peuple comme un enfant<a href="#ancrage_49-5"><small><sup><span id="lien_49-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_49-1"><span id="ancrage_49-1">(1)</span></a> B : Il gouverne en se conformant aux mœurs du peuple ; il ne froisse point ses affections et règle ses sentiments sur les siens.</p><br><p><a href="#lien_49-2"><span id="ancrage_49-2">(2)</span></a> <i>Sou-tseu : </i>Il n’a point de sentiments déterminés ; il base ses sentiments sur ceux du peuple. Que les hommes soient vertueux ou dénués de vertu, il les traite tous comme des gens vertueux ;qu’ils soient sincères ou hypocrites, il les traite tous comme des gens sincères (E : Il ne met aucune différence entre eux). Il sait que la vertu ou le vice, la sincérité ou l’hypocrisie résident en eux ;c’est pourquoi ses sentiments ne changent point. S’il en était autrement,s’il traitait les hommes vertueux comme tels, et rejetait les hommes dénués de vertu ; s’il traitait les hommes sincères comme tels, et repoussait les hypocrites, pourrait-on dire qu’il sait constamment sauver les hommes ? C’est pourquoi il ne repousse personne. Dans le monde, les bons et les méchants, les gens sincères et les hypocrites s’approuvent eux-mêmes, tandis qu’ils se calomnient et se déchirent les uns les autres. Le Saint les traite tous de la même manière. Il ne se réjouit point à la vue des bons ; il ne témoigne point de déplaisir à la vue des méchants. De cette manière, les uns (les bons) ne s’enorgueillissent point, les autres (les méchants) ne s’irritent point. Alors tous se convertissent, et le monde commence à goûter la paix. </p><p>Littéralement « je le traite, etc. » <i>Lao-tseu</i> emploie quatre fois le pronom <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">吾</span> <i>ou</i>, « je » avant les verbes <i>regarder comme vertueux</i>,<i>regarder comme sincère</i>. La première phrase m’a engagé à mettre ces verbes à la troisième personne du singulier de l’indicatif. Ce passage a reçu une autre interprétation. B : Si quelqu’un est vertueux, j’imite sa vertu ; si quelqu’un n’est pas vertueux, je l’accueille avec un sentiment de vertu, afin qu’il revienne à la vertu. Si quelqu’un est sincère, j’imite sa sincérité. Si quelqu’un n’est pas sincère, je le traite avec sincérité, afin qu’il revienne à la sincérité.</p><br><p><a href="#lien_49-3"><span id="ancrage_49-3">(3)</span></a> J’ai suivi E : Tel est son mérite (<i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳</span>), qu’on peut l’appeler extrêmement vertueux (<i>tchi-chen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">至善</span>), extrêmement sincère (<i>tchi-sin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">至信</span>).</p><p>L’édition B offre la leçon <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">得</span> « posséder, » au lieu de <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳</span> « mérite » : « Il <i>possède</i> la vertu, il <i>possède</i> la sincérité. »</p><br><p><a href="#lien_49-4"><span id="ancrage_49-4">(4)</span></a> E : Cette expression veut dire qu’il traite les hommes pervers et hypocrites comme s’ils étaient vertueux et sincères, et ne met aucune différence entre eux. </p><br><p><a href="#lien_49-5"><span id="ancrage_49-5">(5)</span></a> E : Le peuple voyant que le Saint semble ne pas distinguer les bons des méchants, n’en peut sonder le motif et le regarde avec étonnement ; c’est pourquoi il attache sur lui ses oreilles et ses yeux. De son côté le Saint regarde le peuple comme un enfant. Il sait qu’il est dépourvu de connaissance comme un enfant. En effet, un enfant a des vues trop bornées pour comprendre la conduite d’un grand homme. De même le peuple ne saurait sonder et comprendre les voies du Saint. </p><p><i>Aliter</i> B : Le peuple admire les exemples du Saint, il écoute avidement ses paroles, il le contemple avec respect, il a confiance en lui, il l’aime comme un père et une mère. De son côté, le Saint craint de blesser le peuple, il le conserve avec sollicitude et le chérit comme un enfant qui vient de naître. </p><br>
<b>CHAPITRE L</b><br><br><p>L’homme sort de la vie pour entrer dans la mort<a href="#ancrage_50-1"><small><sup><span id="lien_50-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Il y a treize causes de vie et treize causes de mort<a href="#ancrage_50-2"><small><sup><span id="lien_50-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>A peine est-il né que ces treize causes de mort l’entraînent rapidement au trépas.</p><p>Quelle en est la raison ? C’est qu’il veut vivre avec trop d’intensité<a href="#ancrage_50-3"><small><sup><span id="lien_50-3"> (3)</span></sup></small></a>. </p><p>Or j’ai appris que celui qui sait gouverner sa vie ne craint sur sa route ni le rhinocéros, ni le tigre.</p><p>S’il entre dans une armée, il n’a besoin ni de cuirasse,ni d’armes. </p><p>Le rhinocéros ne saurait où le frapper de sa corne, le tigre où le déchirer de ses ongles, le soldat où le percer de son glaive. </p><p>Quelle en est la cause ? Il est à l’abri de la mort<a href="#ancrage_50-4"><small><sup><span id="lien_50-4"> (4)</span></sup></small></a> !</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_50-1"><span id="ancrage_50-1">(1)</span></a> E : La vie et la mort sont deux choses qui se correspondent. La mort est la conséquence de la vie (F : La vie est la porte de la mort, la mort est celle de la vie). Dès que l’homme est sorti de la vie, il entre immédiatement dans la mort. Les anciens disaient :Tous les hommes désirent uniquement de se délivrer de la mort ; ils ne savent pas se délivrer de la vie. </p><br><p><a href="#lien_50-2"><span id="ancrage_50-2">(2)</span></a> Ce passage a reçu une multitude d’interprétations qui manquent,la plupart, de justesse et de clarté. L’explication de <i>Yen-kiun-ping</i> me paraît seule plausible ; mais elle m’oblige de rendre le mot <i>tou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徒</span> (<i>vulgo</i> disciple, compagnon) par « voie, cause. » Plusieurs commentateurs l’ont expliqué de la même manière par <i>tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道</span>. Il y a treize causes de vie, c’est-à-dire treize moyens d’arriver à la vie spirituelle, savoir : la vacuité, l’attachement au non-être, la pureté,la quiétude, l’amour de l’obscurité, la pauvreté, la mollesse, la faiblesse,l’humilité, le dépouillement, la modestie, la souplesse, l’économie. Il y a treize causes de mort, qui sont le contraire des treize états que nous venons denumérer, savoir : la plénitude, l’attachement aux êtres, l’impureté, l’agitation, le désir de briller, la richesse,la dureté, la force, la fierté, l’excès de l’opulence, la hauteur, l’inflexibilité,la prodigalité. </p><br><p><a href="#lien_50-3"><span id="ancrage_50-3">(3)</span></a> E : L’auteur parle ici des hommes du siècle, qui sont passionnément attachés à la vie mondaine et qui ne connaissent pas le Tao. L’expression <i>sing-sing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">生生</span> signifie « chercher à alimenter sa vie. » Comment se fait-il qu’en cherchant avidement le bonheur ils trouvent le malheur ? C’est parce qu’ils ne songent qu’à contenter leurs passions et à satisfaire leurs intérêts privés ; ils ne savent pas que plus ils sont ardents à chercher les moyens de vivre, plus ils approchent de la mort. </p><p>D : Les monstres des mers trouvent que les abîmes ne sont pas assez profonds et s’y creusent encore des retraites ; les vautours et les aigles trouvent les montagnes trop basses, et ils élèvent encore leur nid au-dessus d’elles ; ni la flèche du chasseur, ni les filets du pêcheur ne peuvent les atteindre. Ils semblent placés dans des lieux inaccessibles à la mort ; mais l’appât de la nourriture les fait sortir des abîmes et descendre des hauteurs, et ils ne tardent pas à périr. De même les besoins de la vie matérielle et le goût effréné des plaisirs,entraînent l’homme à sa perte. </p><br><p><a href="#lien_50-4"><span id="ancrage_50-4">(24)</span></a> <i>Pi-ching : </i>Un ancien disait : Celui qui aime la vie peut être tué ; celui qui aime la pureté peut être souillé ; celui qui aime la gloire peut être couvert d’ignominie ; celui qui aime la perfection peut la perdre. Mais si l’homme reste étranger à la vie (corporelle),qui est-ce qui peut le tuer ? S’il reste étranger à la pureté, qui est-ce qui peut le souiller ? S’il reste étranger à la gloire, qui est-ce qui peut le déshonorer ? S’il reste étranger à la perfection, qui est-ce qui peut la lui faire perdre ? Celui qui comprend cela peut se jouer de la vie et de la mort. </p><p><i>Liu-kie-fou : </i>Pourquoi l’homme peut-il être blessé par la corne du rhinocéros, par les ongles du tigre, par l’épée du soldat ? Parce qu’il a un corps. S'il sait se dégager de son corps, intérieurement il ne verra plus son corps ; extérieurement il ne verra plus les objets sensibles. La mort ne pourra l’atteindre par aucun endroit. </p><br>
<b>CHAPITRE LI</b><br><br><p>Le Tao produit<a href="#ancrage_51-1"><small><sup><span id="lien_51-1"> (1)</span></sup></small></a> les êtres, la Vertu les nourrit. Ils leur donnent un corps<a href="#ancrage_51-2"><small><sup><span id="lien_51-2"> (2)</span></sup></small></a> et les perfectionnent par une secrète impulsion<a href="#ancrage_51-3"><small><sup><span id="lien_51-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi<a href="#ancrage_51-4"><small><sup><span id="lien_51-4"> (4)</span></sup></small></a> tous les êtres révèrent le Tao et honorent la Vertu. </p><p>Personne<a href="#ancrage_51-5"><small><sup><span id="lien_51-5"> (5)</span></sup></small></a> n’a conféré au Tao sa dignité, ni à la Vertu sa noblesse : ils les possèdent éternellement en eux-mêmes. </p><p>C’est pourquoi le Tao produit les êtres<a href="#ancrage_51-6"><small><sup><span id="lien_51-6"> (6)</span></sup></small></a>, les nourrit,les fait croître, les perfectionne, les mûrit, les alimente,les protège. </p><p>Il les produit et ne se les approprie point<a href="#ancrage_51-7"><small><sup><span id="lien_51-7"> (7)</span></sup></small></a> ; il les fait ce qu’ils sont et ne s’en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres<a href="#ancrage_51-8"><small><sup><span id="lien_51-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>Cest là ce qu’on appelle une vertu profonde<a href="#ancrage_51-9"><small><sup><span id="lien_51-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_51-1"><span id="ancrage_51-1">(1)</span></a> C : La Vertu dont parle ici l’auteur est la manifestation du Tao dans les créatures. C : Le Tao s’est répandu comme un fleuve,il s’est manifesté au dehors (dans les êtres) et est devenu la Vertu <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳</span>.E : Ce qui est vide, <i>non-être</i>, immatériel, s’appelle <i>Tao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道</span> ou la Voie ; ce qui transforme et nourrit toutes les créatures s’appelle <i>te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徳</span> ou la Vertu. </p><br><p><a href="#lien_51-2"><span id="ancrage_51-2">(2)</span></a> Littéralement : « Ils les manifestent par une forme, sous une forme matérielle. » Sur ce sens de <i>we</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">物</span>, <i>vulgo</i> res, ici « materia,corpus, » voyez mon édition de <i>Meng-tseu</i>, liv. II, p. 84, lig. 9. </p><p><i>Aliter</i> A : La Vertu leur donne un corps et une figure. </p><p><i>Aliter</i> H : Le Tao et la Vertu n’ont point de corps, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道徳無形</span> : ils se manifestent par les êtres, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">乃因物以形</span>. Si l’homme ne connaît pas la grandeur du Tao et de la Vertu, pour en juger, il lui suffit de contempler les êtres. </p><br><p><a href="#lien_51-3"><span id="ancrage_51-3">(3)</span></a> E, regarde le Tao et la Vertu comme sujets des verbes <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">形</span><i>hing</i>, manifester, et <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">成</span> <i>tch’ing</i>, perfectionner. H : Le mot <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">勢</span>renferme l’idée de « presser, pousser avec force. » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以勢成之</span> c’est-à-dire : « Par une force d’impulsion, ils les perfectionnent ou les conduisent à leur entier développement. » De même, si la force du printemps pousse les plantes, elles ne peuvent s’empêcher de naître ;si la force de l’automne pousse les plantes, elles ne peuvent s’empêcher d’arriver à leur maturité. </p><br><p><a href="#lien_51-4"><span id="ancrage_51-4">(4)</span></a> E : Il n’y a pas un seul être qui, depuis sa naissance jusqu’à son entier développement, n’ait eu besoin du Tao et de la Vertu. C’est pourquoi tous les êtres les honorent et les révèrent pareillement. </p><br><p><a href="#lien_51-5"><span id="ancrage_51-5">(5)</span></a> E : Il n’y a pas un seul être qui apporte sa noblesse en naissant. Pour que l’empereur soit révéré et entouré d’honneurs, il faut qu’il ait été institué par le ciel. Pour que les vassaux soient révérés et entourés d’honneurs, il faut qu’ils aient été institués par l’empereur. Mais le Tao et la Vertu n’ont pas besoin qu’on leur confère leur dignité et leur noblesse ; ils sont honorables par eux-mêmes. </p><br><p><a href="#lien_51-6"><span id="ancrage_51-6">(6)</span></a> J’ai négligé de traduire <i>hio-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">育之</span> « les nourrit, » parce que cette pensée se trouve exprimée deux fois par les mots <i>yo-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">畜之</span>, <i>yang-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">養之</span>.</p><br><p><a href="#lien_51-7"><span id="ancrage_51-7">(7)</span></a> J’ai suivi E : <i>Pou-tseu-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不自私</span>. </p><br><p><a href="#lien_51-8"><span id="ancrage_51-8">(8)</span></a> E : Quoiqu’il règne sur eux comme un prince <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">雖君長之</span>, il les laisse suivre leur nature ; jamais <i>il ne les a tenus sons ses lois</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">未嘗宰制</span>. Telle est sa vertu dont le peuple est incapable de sonder la profondeur. </p><p>H explique autrement le mot <i>tsaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">宰</span> : « Quoiqu’il soit le maître de tous les êtres, il ne se regarde pas comme leur souverain. <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不自以為宰</span> </p><br><p><a href="#lien_51-9"><span id="ancrage_51-9">(9)</span></a> H : Le souverain de l’empire doit mettre toute sa gloire à s’attacher intimement au Tao et à vider son cœur (à se détacher de toutes les choses sensibles) pour parvenir au comble de la Vertu. </p><br>
<b>CHAPITRE LII</b><br><br><p>Le principe<a href="#ancrage_52-1"><small><sup><span id="lien_52-1"> (1)</span></sup></small></a> du monde est devenu la mère du monde.</p><p>Dès qu’on possède la mère<a href="#ancrage_52-2"><small><sup><span id="lien_52-2"> (2)</span></sup></small></a>, on connaît ses enfants.</p><p>Dès que l’homme connaît les enfants et qu’il conserve leur mère, jusqu’à la fin de sa vie il n’est exposé à aucun danger<a href="#ancrage_52-3"><small><sup><span id="lien_52-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>S’il clot sa bouche<a href="#ancrage_52-4"><small><sup><span id="lien_52-4"> (4)</span></sup></small></a>, s’il ferme ses oreilles et ses yeux<a href="#ancrage_52-5"><small><sup><span id="lien_52-5"> (5)</span></sup></small></a>,jusqu’au terme de ses jours, il n’éprouvera aucune fatigue.</p><p>Mais s’il ouvre sa bouche et augmente ses désirs<a href="#ancrage_52-6"><small><sup><span id="lien_52-6"> (6)</span></sup></small></a>, jusqu’à la fin de sa vie, il ne pourra être sauvé. </p><p>Celui qui voit les choses les plus subtiles<a href="#ancrage_52-7"><small><sup><span id="lien_52-7"> (7)</span></sup></small></a> s’appelle éclairé ; celui qui conserve la faiblesse s’appelle fort<a href="#ancrage_52-8"><small><sup><span id="lien_52-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>S’il fait usage<a href="#ancrage_52-9"><small><sup><span id="lien_52-9"> (9)</span></sup></small></a> de l’éclat (du Tao) et revient à sa lumière,son corps n’aura plus à craindre aucune calamité.</p><p>C’est là ce qu’on appelle être doublement éclairé<a href="#ancrage_52-10"><small><sup><span id="lien_52-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_52-1"><span id="ancrage_52-1">(1)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Lorsque le Tao n’avait pas encore de nom, les êtres reçurent de lui leur principe ; lorsqu’il eut un nom (lorsqu’il eut le nom de Tao), les êtres reçurent de lui leur vie. C’est pourquoi le Tao est appelé d’abord principe et ensuite mère. Les mots ses enfants désignent tous les êtres. Le Saint connaît tous les êtres,parce qu’il s’est identifié avec le Tao, de même que par la mère on connaît les enfants. Mais, quoique sa rare prudence lui permette de pénétrer tous les êtres, jamais les êtres ne lui font oublier le Tao. C’est pourquoi, jusqu’à la fin de sa vie, il conserve fidèlement leur mère (le Tao). Le malheur des hommes du siècle, c’est d’oublier le Tao, en recherchant avec ardeur les objets et les choses qui flattent leurs sens. </p><p><a href="#lien_52-2"><span id="ancrage_52-2">(2)</span></a> E : Toutes les choses du monde sont étalées devant nos yeux. Parmi les hommes instruits, il y en a qui ne les connaissent pas ;alors ils conservent encore une multitude de doutes. Il est quelques hommes qui les connaissent, mais d’une manière vague et incertaine. Il leur est impossible de posséder la mère des êtres (le Tao) ;ils diffèrent peu de ceux qui ne connaissent pas les êtres. Mais lorsqu’un homme connaît les enfants (les êtres), par cela même qu’il connaît la mère (le Tao), il n’y a rien au monde qu’il ne connaisse. Or celui qui possède <i>la mère</i> ne veut pas uniquement connaître <i>les enfants ; </i>ce qu’il désire, c’est de conserver <i>la mère</i> (le Tao). </p><p>Si l’homme connaissait les enfants et ne conservait pas <i>la mère</i>,il laisserait le principal (le Tao) pour courir après <i>l’accessoire</i> (les créatures), et il finirait par détruire sa vie de mille manières. Quand il pourrait embrasser par ses connaissances le ciel et la terre, façonner par son habileté les dix mille êtres, pénétrer par sa puissance l’intérieur des mers, il ne mériterait aucune estime. </p><br><p><a href="#lien_52-3"><span id="ancrage_52-3">(3)</span></a> E : Celui qui conserve la mère des êtres (qui pratique constamment le Tao) est comme un arbre qui a des racines profondes et une tige solide ; il possède l'art de subsister longtemps. Cf. ch. <span class="sc">lix</span>.</p><br><p><a href="#lien_52-4"><span id="ancrage_52-4">(4)</span></a> E : Suivant le <i>I-king</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">易經</span>, le mot <i>touï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兌</span> désigne la bouche, <i>kheou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">口</span>. Il faut fermer la bouche, afin que les choses intérieures ne s’échappent pas au dehors. Alors, dit <i>Liu-kie-fou</i>, le cœur ne s’égare pas en voulant se mettre en rapport avec les objets sensibles. </p><br><p><a href="#lien_52-5"><span id="ancrage_52-5">(5)</span></a> Littéralement : « S’il ferme ses portes. » H : Le mot <i>men</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">門</span>« portes » désigne ici les oreilles et les yeux. H : Si l’homme se laisse entraîner par le goût de la musique ou l’amour de la beauté, et oublie de revenir sur ses pas, il poursuit les êtres et se révolte contre sa nature. Il doit donc concentrer intérieurement son ouïe et sa vue. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> lui conseille de fermer les oreilles et les yeux, afin (E) que les choses extérieures n’entrent point dans son âme. S’il agit ainsi, il pourra, toute sa vie, faire usage du Tao et n’éprouvera jamais aucune fatigue. Mais s’il se livrait aux désirs qui flattent les oreilles et les yeux, s’il se laissait entraîner par l’impétuosité des sens sans revenir dans la bonne voie, il perdrait son cœur sous l’influence des êtres, et, jusqu’à la fin de sa vie, il ne pourrait être sauvé. </p><br><p><a href="#lien_52-6"><span id="ancrage_52-6">(6)</span></a> A explique les mots <i>tsi-khi-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">濟其事</span> (littéralement <i>auxiliari suis rebus</i>) par « augmenter ses désirs. » Cette interprétation est appuyée par <i>Li-si-tchaï</i> et plusieurs autres commentateurs.</p><p>E : Si l’homme ouvre sa bouche (A : et augmente ses désirs), il sera bientôt entraîné vers la mort et ne pourra jamais être sauvé. </p><br><p><a href="#lien_52-7"><span id="ancrage_52-7">(7)</span></a> E : Si l’homme ne voit les choses que lorsqu’elles ont éclaté au grand jour, il est évident que son esprit est incapable de connaître ce qu’il y a de plus subtil. Mais (A) celui qui aperçoit les germes imperceptibles du malheur et du désordre avant qu’ils aient commencé à poindre, ne peut ( B) être aveuglé par les choses extérieures. C’est pourquoi on l’appelle éclairé. </p><br><p><a href="#lien_52-8"><span id="ancrage_52-8">(8)</span></a> A : Celui qui conserve la force n’est pas longtemps fort ; celui qui conserve la faiblesse devient fort. </p><p>C : Si l’homme s’affaiblit extérieurement, il se fortifie à l’intérieur. </p><p>On peut voir, chap. <span class="sc">lxxvi</span> et <span class="sc">lxxviii</span>, comment <i>Lao-tseu</i> prouve la supériorité des choses faibles sur les choses fortes.</p><br><p><a href="#lien_52-9"><span id="ancrage_52-9">(9)</span></a> <i>Liu-kie-fou : </i>Si l’homme se sert de l’éclat du Tao pour apercevoir les mouvements imperceptibles des créatures et se soustraire à leur influence, s’il revient à la lumière du Tao pour rentrer dans une quiétude absolue, il n’ouvrira pas la bouche, les oreilles, ni les yeux, et n’augmentera pas ses désirs ; il ne sera pas réduit à un état de malheur sans remède. Quelles calamités pourrait-il redouter ?</p><p>Aliter <i>Li-si-tchaï : </i>Le Tao peut être considéré comme un arbre dont sa lumière est la racine, et l’émanation de sa lumière, les branches. Ces branches se divisent et produisent dans l’homme la faculté de voir, d’entendre, de sentir, de percevoir. Le Tao coule de la racine aux branches. L’étude part des branches pour chercher la racine. C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit : Si l’homme fait usage de l’éclat du Tao pour revenir à sa lumière, c’est ce qu’on appelle être doublement éclairé. </p><br><p><a href="#lien_52-10"><span id="ancrage_52-10">(10)</span></a> Ce passage a reçu de nombreuses interprétations. Je me bornerai à rapporter les principales. </p><p>G : L’expression <i>si-tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲常</span> a le même sens que les mots <i>si-ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲明</span> être doublement éclairé, » du chapitre <span class="sc">xxvii</span>. E : Le mot <i>si</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲</span> veut dire <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">重</span> « double. » <i>Li-si-tchaï : </i>Le mot <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span> désigne ici la lumière, <i>ming</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">明</span> (qui émane du Tao).</p><p><i>Aliter</i> A : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">是謂習修常道</span> « C’est ce qu’on appelle « cultiver l’éternel Tao. » L’édition A porte <i>si-tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">習常</span> « s’appliquer au Tao, » au lieu de <i>si-tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲謂</span>.</p><p>H croit aussi que <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span> « ce qui est éternel » désigne le Tao ;de plus il explique le mot <i>si</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲</span> par « hériter de. » Le Tao vrai et éternel, nous l’avons reçu dès l’origine ; mais les hommes vulgaires ne peuvent en <i>conserver l’héritage</i> et l’abandonnent. Si l’homme suit les conseils de <i>Lao-tseu</i>, on pourra dire qu’il conserve l’héritage du Tao. </p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> pense quue le mot <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span> signifie ici la nature constante, éternelle de l’homme. « Alors, dit cet interprète, il conserve sa <i>nature éternelle</i> (<span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">其常性</span>) sans interruption et dans « toute sa pureté. »</p><p>On voit que <i>Sou-tseu-yeou</i> et le commentateur H prennent le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">襲</span> <i>si</i> dans le sens de « continuer, conserver. » </p><br>
<b>CHAPITRE LIII</b><br><br><p>Si j’étais doué de quelque connaissance<a href="#ancrage_53-1"><small><sup><span id="lien_53-1"> (1)</span></sup></small></a>, je marcherais dans la grande Voie.</p><p>La seule chose que je craigne, c’est d’agir<a href="#ancrage_53-2"><small><sup><span id="lien_53-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>La grande Voie est très-unie, mais le peuple<a href="#ancrage_53-3"><small><sup><span id="lien_53-3"> (3)</span></sup></small></a> aime les sentiers.</p><p>Si les palais sont très-brillants<a href="#ancrage_53-4"><small><sup><span id="lien_53-4"> (4)</span></sup></small></a>, les champs sont très-incultes,et les greniers très-vides.</p><p>Les princes s’habillent de riches étoffes<a href="#ancrage_53-5"><small><sup><span id="lien_53-5"> (5)</span></sup></small></a> ; ils portent un glaive tranchant ; ils se rassasient de mets exquis ; ils regorgent<a href="#ancrage_53-6"><small><sup><span id="lien_53-6"> (6)</span></sup></small></a> de richesses.</p><p>C’est ce qu’on appelle se glorifier du vol<a href="#ancrage_53-7"><small><sup><span id="lien_53-7"> (7)</span></sup></small></a> ; ce n’est point pratiquer le Tao<a href="#ancrage_53-8"><small><sup><span id="lien_53-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_53-1"><span id="ancrage_53-1">(1)</span></a> E, H, et la plupart des commentateurs expliquent <i>kiaï-jen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">介然</span> par « petit, mimce, un peu. » A seul le rend par « grand, » <i>ta</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">大</span> A : <i>Lao-tseu</i> déteste les princes de son temps qui ne pratiquent pas le grand Tao. C’est pourquoi il fait cette supposition (pour les avertir) : « Si j’avais de grandes connaissances (E, H : quelque connaissance) dans l’art de l’administration, je marcherais dans la « grande Voie, et je donnerais moi-même le salutaire exemple du <i>non-agir</i>. »</p><br><p><a href="#lien_53-2"><span id="ancrage_53-2">(2)</span></a> A explique <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">施</span> par <i>chi-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">是為</span> « agir. » Je désire récompenser les hommes vertueux, mais je crains de faire surgir une vertu hypocrite ; je veux donner ma confiance à des hommes fidèles et loyaux, mais je crains de donner naissance à une fausse loyauté. </p><p>E explique <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">施</span> par <i>tch’ang-ta</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長大</span>, « s’agrandir, paraître grand. » H le rend par <i>donner</i>, l’opposé de <i>recevoir</i>. « Si je veux,dit-il, donner (c’est-à-dire, enseigner aux hommes) le grand Tao,et qu’ils se refusent à le recevoir, etc. »</p><br><p><a href="#lien_53-3"><span id="ancrage_53-3">(3)</span></a> H : Le cœur de l’homme est pervers et corrompu ; il ne suit pas la grande Voie. Alors l’influence de l’instruction dépérit de jour en jour, la ruse et la méchanceté du peuple s’augmentent, et les lois deviennent de plus en plut sévères.</p><br><p><a href="#lien_53-4"><span id="ancrage_53-4">(4)</span></a> E : Le mot <i>tch’ou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">除</span> a le sens de <i>kie-hao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">潔好</span> « propre (c’est-à-dire bien nettoyé) et beau (avoir). »</p><br><p><a href="#lien_53-5"><span id="ancrage_53-5">(5)</span></a> B : Pour que le prince puisse porter des vêtements de soie de différentes couleurs et se nourrir de mets exquis, il faut qu’il accable le peuple d’impôts, qu’il le dépouille de ses richesses. <i>Hoc est quod agunt prœdones !</i> </p><br><p><a href="#lien_53-6"><span id="ancrage_53-6">(6)</span></a> E : Pour que le prince ait du superflu, il faut que le peuple soit privé du nécessaire. </p><br><p><a href="#lien_53-7"><span id="ancrage_53-7">(7)</span></a> E : L’expression <i>thao-khoua</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">盜誇</span> veut dire « prendre le bien d’autrui et s’en faire gloire. »</p><p>Plusieurs éditeurs ont adopté, d’après le célèbre philosophe <i>Han-fei</i>,la leçon <i>thao-iu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">盜竽</span> « donner l’exemple du vol. » On la trouve aussi dans le Dictionnaire de <i>Khang-hi</i>, à propos de ce même passage de <i>Lao-tseu</i>. « <i>la</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">竽</span> y est-il dit, est le plus grand des cinq instruments de musique. Il a quatre pieds deux pouces de longueur. Dans un concert, lorsqu’il commence à se faire entendre,tous les autres instruments se mettent à l’unisson. De même, quand les grands voleurs donnent l’exemple, les petits voleurs les imitent C’est pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit ici <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">盜竽</span>, « donner l’exemple du vol ; »(littéralement : « pour le vol, imiter l’instrument », c’est-à-dire donner le signal, donner l’exemple). »</p><br><p><a href="#lien_53-8"><span id="ancrage_53-8">(8)</span></a> E : Le Saint n’habite qu’une humble maison, il porte des habits grossiers et se nourrit de la manière la plus simple ; mais il s’applique à l’agriculture et il estime les grains. De cette manière,le profit ne manque pas de se répandre également sur tous les hommes, et les riches n’éblouissent pas les pauvres. Les princes d’aujourd’hui font tout le contraire ; aussi <i>Lao-tseu</i> dit qu’ils ne pratiquent point le Tao. </p><br>
<b>CHAPITRE LIV</b><br><br><p>Celui qui sait fonder<a href="#ancrage_54-1"><small><sup><span id="lien_54-1"> (1)</span></sup></small></a>. ne craint point la destruction ; celui qui sait conserver ne craint point de perdre.</p><p>Ses fils et ses petits-fils<a href="#ancrage_54-2"><small><sup><span id="lien_54-2"> (2)</span></sup></small></a> lui offriront des sacrifices sans interruption. </p><p>Si (l’homme) cultive le Tao au dedans de lui-même,sa vertu deviendra sincère. </p><p>S’il le cultive dans sa famille, sa vertu deviendra surabondante. </p><p>S’il le cultive dans le village, sa vertu deviendra étendue.</p><p>S’il le cultive dans le royaume, sa vertu deviendra florissante. </p><p>S’il le cultive dans l’empire, sa vertu deviendra universelle. </p><p>C’est pourquoi, d’après moi-même, je juge des autres hommes ; d’après une famille, je juge des autres familles ;d’après un village, je juge des autres villages ;d’après un royaume, je juge des autres royaumes ; d’après l’empire, je juge de l’empire<a href="#ancrage_54-3"><small><sup><span id="lien_54-3"> (3)</span></sup></small></a>. Comment sais-je qu’il en est ainsi de l’empire ? C’est uniquement par là<a href="#ancrage_54-4"><small><sup><span id="lien_54-4"> (4)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_54-1"><span id="ancrage_54-1">(1)</span></a> E : <i>Ou-yeou-thsing</i> dit : Si l’on plante un arbre dans une plaine,il viendra nécessairement un temps où il sera arraché et renversé. Mais ce qui est bien établi n’est jamais arraché (renversé). Si l’on tient un objet entre ses deux mains, il vient nécessairement un moment où on le lâche ; mais ce que nous conservons fortement ne nous échappe jamais. Je pense, dit <i>Sie-hoeï</i> (E), que cette double comparaison s’applique à celui qui sait établir profondément la vertu en lui-même et conserver fermement le Tao.</p><p>C : Tout objet matériel a un corps que l’on peut établir quelque part ; aussi l’on peut l’enlever de l’endroit où il a été établi. Mais celui qui cultive le Tao ne fonde pas matériellement, il fonde en esprit. Aussi ce qu’il fonde est-il insaisissable, indestructible. </p><p>H : Si les mérites et la vertu du Saint sont impérissables, si ses bienfaits s’étendent à la postérité la plus reculée, c’est parce que la culture sincère du Tao est la base de sa conduite. Parmi les hommes du siècle qui recherchent le mérite et la réputation, il n’en est pas un seul qui désire fonder des mérites éternels et laisser après lui des œuvres impérissables. </p><p>Si les hommes vulgaires ne savent pas éterniser leurs mérites,c’est parce qu’ils veulent les fonder par la force de leur prudence,et qu’ils rencontrent des hommes doués d’une prudence supérieure,qui l’emportent sur eux et les dépouillent de leur réputation. </p><br><p><a href="#lien_54-2"><span id="ancrage_54-2">(2)</span></a> E : C’est-à-dire que sa vertu deviendra florissante, et que ses bienfaits s’étendront jusqu’à ses derniers neveux.</p><p>H : Le Saint renouvelle la pureté de sa nature et fonde dans l’empire le Tao et la Vertu. Les hommes de l’empire sont touchés de son exemple et se soumettent du fond du cœur. Ses œuvres sont éternelles. C’est pourquoi ses mérites coulent jusqu’à dix mille générations et ses bienfaits s’étendent à l’infini. Voilà un homme qui sait fonder et conserver le Tao. </p><br><p><a href="#lien_54-3"><span id="ancrage_54-3">(3)</span></a> E : D’après l’état actuel de l’empire, je juge de l’état futur de l’empire. </p><br><p><a href="#lien_54-4"><span id="ancrage_54-4">(4)</span></a> E : L’empire n’a pas deux Tao (Voies). Si le Saint connaît l’empire, c’est uniquement par ce Tao. </p><p><i>Aliter</i> C : Comment sais-je que l’empire ne diffère pas d’un royaume, un royaume d’un village, un village d’une famille, une famille d’un homme ? Parce que tous les hommes se ressemblent,parce qu’ils sont également propres à cultiver la vertu. Comment sais-je cela ? Je le sais par ce corps, c’est-à-dire par moi-même, en examinant la manière dont je pratique le Tao. Cf. chap. <span class="sc">xlvii</span>. </p><p><i>Aliter</i> A : D’après ceux qui cultivent le Tao, je juge des hommes qui ne le cultivent pas ; je vois quels sont ceux qui périront ou seront sauvés. </p><p>A suit la même interprétation dans les trois phrases suivantes ;mais il explique les mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天下</span> <i>thien-kia</i> (<i>vulgo</i> « l’empire, ») par « maître, souverain <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">主</span>. » D’après un souverain qui cultive le Tao, je juge des souverains qui ne le cultivent pas.</p><p>A : Par ces cinq choses, je sais que les hommes de l’empire qui cultivent le Tao sont dans un état florissant, et que ceux qui abandonnent le Tao ne tardent pas à périr. </p><br>
<b>CHAPITRE LV</b><br><br><p>Celui qui possède une vertu solide ressemble à un nouveau-né<a href="#ancrage_55-1"><small><sup><span id="lien_55-1"> (1)</span></sup></small></a> qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux<a href="#ancrage_55-2"><small><sup><span id="lien_55-2"> (2)</span></sup></small></a>, ni les griffes des bêtes féroces <a href="#ancrage_55-3"><small><sup><span id="lien_55-3"> (3)</span></sup></small></a>, ni les serres des oiseaux de proie<a href="#ancrage_55-4"><small><sup><span id="lien_55-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Ses os sont faibles, ses nerfs sont mous, et cependant il saisit fortement les objets. </p><p>Il ne connaît pas encore l’union des deux sexes, et cependant certaines parties (de son corps) éprouvent un orgasme viril<a href="#ancrage_55-5"><small><sup><span id="lien_55-5"> (5)</span></sup></small></a>. Cela vient de la perfection du <i>semen</i>.</p><p>Il crie tout le jour et sa voix ne s’altère point ; cela vient<a href="#ancrage_55-6"><small><sup><span id="lien_55-6"> (6)</span></sup></small></a> de la perfection de l’harmonie (de la force vitale).</p><p>Connaître l’harmonie s’appelle être constant<a href="#ancrage_55-7"><small><sup><span id="lien_55-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Connaître la constance<a href="#ancrage_55-8"><small><sup><span id="lien_55-8"> (8)</span></sup></small></a> s’appelle être éclairé.</p><p>Augmenter sa vie s’appelle une calamité<a href="#ancrage_55-9"><small><sup><span id="lien_55-9"> (9)</span></sup></small></a>. Quand le cœur donne l’impulsion à l’énergie vitale,cela s’appelle être fort<a href="#ancrage_55-10"><small><sup><span id="lien_55-10"> (10)</span></sup></small></a>. </p><p>Dès que les êtres sont devenus robustes, ils vieillissent.</p><p>C’est ce qu’on appelle ne pas<a href="#ancrage_55-11"><small><sup><span id="lien_55-11"> (11)</span></sup></small></a> imiter le Tao.</p><p>Celui qui n’imite pas le Tao périt de bonne heure.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_55-1"><span id="ancrage_55-1">(1)</span></a> <i>Liu-kie-fou : </i>Quand l’homme vient de naître, sa vertu est pure et solide. Quand il est devenu grand, il se met en rapport avec les objets extérieurs, au moyen des oreilles et des yeux, il les reçoit au fond de son cœur et s’y attache fortement ; il cherche à augmenter sa vie, c’est-à-dire à vivre avec plus d’intensité. Plus ses désirs s’accroissent,et plus la solidité de sa vertu s’affaiblit. Mais celui qui pratique le Tao retranche les choses qui peuvent augmenter sa vie (c’est-à-dire le faire vivre avec plus d’intensité) ; il renonce aux objets sensibles, il cultive sa nature et revient à sa vertu primitive. Quand sa vertu est devenue parfaite, il ressemble à un nouveau-né. </p><p><i>Sou-tseu-yeou : </i>Un enfant nouveau-né est calme et exempt de désirs ;il n’en est que plus parfait. Si les objets extérieurs se présentent à sa vue, il ne sait pas leur répondre, c’est-à-dire se mettre en rapport avec eux. Le Tao n’a pas de corps (est immatériel) ; les êtres ne sauraient le voir, et, à plus forte raison, ils ne pourraient le blesser. Les hommes arrivent à avoir un corps (c’est-à-dire à sentir qu’ils ont un corps) parce qu’ils ont un cœur. Ayant un cœur, ils ont ensuite des ennemis qui accourent en foule pour les blesser. Dès qu’un homme n’a plus de cœur (s’est dépouillé de son cœur), aucun être ne peut lui résister en ennemi, et, à plus forte raison, lui faire du mal. Pourquoi l’enfant est-il arrivé à ce point (à ne rien redouter) ?C’est uniquement parce qu’il n’a point de cœur (c’est-à-dire parce qu’il n’a point le sentiment de son existence).</p><br><p><a href="#lien_55-2"><span id="ancrage_55-2">(2)</span></a> G : Par exemple, des scorpions. </p><br><p><a href="#lien_55-3"><span id="ancrage_55-3">(3)</span></a> G : Par exemple, des tigres et des léopards. </p><br><p><a href="#lien_55-4"><span id="ancrage_55-4">(4)</span></a> G : Par exemple, des aigles et des faucons. </p><br><p><a href="#lien_55-5"><span id="ancrage_55-5">(5)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Si <i>pueri recens nati virilia</i> (<span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">䘒</span>) absque cupiditate <i>surgunt</i> (<span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">作</span>), id e seminis redundantia, non cordis ardore oriri patet. </p><br><p><a href="#lien_55-6"><span id="ancrage_55-6">(6)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Quand le cœur est ému, la force vitale est lésée. Quand la force vitale est lésée, si l’on crie, la voix devient rauque. Comme un nouveau-né crie tout le jour sans que sa voix s’altère,on reconnaît que son cœur n’éprouve aucune émotion, et que sa force vitale est dans une parfaite harmonie, c’est-à-dire est calme et reposée. Celui qui possède cette harmonie ne se laisse pas troubler (littéral. « blesser » ) intérieurement par les objets extérieurs. </p><br><p><a href="#lien_55-7"><span id="ancrage_55-7">(7)</span></a> E : Celui qui connaît (cette) harmonie peut subsister constamment <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可以長久</span>. C’est pourquoi on l’appelle <i>tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">常</span>,« non sujet au changement, immuable. » </p><p>Cette même idée se trouve dans le chap. <span class="sc">xvi</span> (texte chinois, mots 35-42). Dans le monde, dit E, chap. <span class="sc">xvi</span>, il n’y a que les principes de la vie spirituelle qui soient constants. Toutes les autres choses sont sujettes au changement. Celui qui possède le Tao conserve son esprit par le repos ; les grandes vicissitudes de la vie et de la mort ne peuvent le changer, etc. </p><br><p><a href="#lien_55-8"><span id="ancrage_55-8">(8)</span></a> Le mot constance est pris ici dans le sens d’immutabilité,c’est-à-dire l’état de ce qui n’est point sujet au changement ; je le dérived’une des significations de l’adjectif <i>constant</i>, qui veut dire quelquefois <i>immuable</i>. (Voy. note 7.) </p><p>E : Connaître la constance (connaître l’art d’être constant, c’est-à-direde ne pas se laisser changer ou pervertir par les objets extérieurs), c’est connaître le Tao. C’est pourquoi la connaître s’appelle être éclairé. </p><br><p><a href="#lien_55-9"><span id="ancrage_55-9">(9)</span></a> B : Si l’homme se livre à la cupidité et à l’ambition, s’il (H) contente les désirs de sa bouche et l’intempérance de son ventre pour augmenter sa vie, il s’attire infailliblement des malheurs et finit par succomber à une mort prématurée.</p><br><p><a href="#lien_55-10"><span id="ancrage_55-10">(10)</span></a> H : Quand le cœur n’est pas calme, il se livre à des mouvements désordonnés et donne l’impulsion à la force vitale. Lorsque (<i>Liu-kie-fou</i>) le cœur donne l’impulsion à la force vitale, l’homme devient fort et violent ; mais la force et la violence le conduisent promptement à la mort. Cf. chap. <span class="sc">xlii</span>, pag. 159, lin. 5, et <span class="sc">lxxvi</span>.</p><br><p><a href="#lien_55-11"><span id="ancrage_55-11">(11)</span></a> H : Ceux qui sont mous et faibles comme le Tao subsistent longtemps, et jusqu’à la fin de leur vie ils ne sont jamais exposés à aucun danger. D’un autre côté ceux qui ne songent qu’à augmenter leurs richesses, leurs honneurs, leurs forces physiques, ne tardent pas à perdre leur fortune, leurs dignités, leur santé, et succombent avant le temps. </p><br>
<b>CHAPITRE LVI</b><br><br><p>L’homme qui<a href="#ancrage_56-1"><small><sup><span id="lien_56-1"> (1)</span></sup></small></a> connaît (le Tao) ne parle pas ; celui qui parle ne le connaît pas.</p><p>Il clot sa bouche<a href="#ancrage_56-2"><small><sup><span id="lien_56-2"> (2)</span></sup></small></a>, il ferme ses oreilles et ses yeux<a href="#ancrage_56-3"><small><sup><span id="lien_56-3"> (3)</span></sup></small></a>,il émousse son activité<a href="#ancrage_56-4"><small><sup><span id="lien_56-4"> (4)</span></sup></small></a>, il se dégage<a href="#ancrage_56-5"><small><sup><span id="lien_56-5"> (5)</span></sup></small></a> de tous liens, il tempère<a href="#ancrage_56-6"><small><sup><span id="lien_56-6"> (6)</span></sup></small></a> sa lumière (intérieure), il s’assimile<a href="#ancrage_56-7"><small><sup><span id="lien_56-7"> (7)</span></sup></small></a> au vulgaire. On peut dire qu’il ressemble<a href="#ancrage_56-8"><small><sup><span id="lien_56-8"> (8)</span></sup></small></a> au Tao.</p><p>Il est inaccessible<a href="#ancrage_56-9"><small><sup><span id="lien_56-9"> (9)</span></sup></small></a> à la faveur comme à la disgrâce,au profit comme au détriment, aux honneurs comme à l’ignominie. </p><p>C’est pourquoi il est l’homme le plus honorable de l’univers. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_56-1"><span id="ancrage_56-1">(1)</span></a> E : Le Tao est caché ; il n’a pas de nom. Ceux qui le connaissent le méditent en silence. Mais ceux qui cherchent à briller par l’éclat et l’élégance de la parole sont des hommes qui ne connaissent pas le Tao. </p><br><p><a href="#lien_56-2"><span id="ancrage_56-2">(2)</span></a> Ces six phrases se trouvent dans le chap. <span class="sc">iv</span>. Cf. <i>ibid.</i> not. 3.</p><p>H : Le mot <i>touï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兌</span> désigne ici « la bouche. » Le Saint se conserve dans le calme et dans le silence. Il réprime l’intempérance de sa langue. B : Il n’ose parler. Cf. chap. <span class="sc">lii</span>, not. 4. </p><br><p><a href="#lien_56-3"><span id="ancrage_56-3">(3)</span></a> H : Le mot <i>men</i>, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">門</span>, « portes, » désigne ici « les oreilles et les yeux. » Il ne fait aucune attention aux choses qui peuvent flatter ses oreilles et ses yeux. C : Il concentre intérieurement sa faculté de voir et d’entendre. Cf. chap. <span class="sc">lii</span>, not. 5. </p><br><p><a href="#lien_56-4"><span id="ancrage_56-4">(4)</span></a> Ce passage a reçu plusieurs interprétations. H (au chap. iv) explique les mots <i>thso-khi-jouï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">挫其銳</span> par : « il réprime la fougue de son caractère. » A : Si ses passions veulent montrer de l’activité,il pense au Tao et les réprime par le <i>non-agir</i>. E, <i>ibidem</i>, explique ces trois mots par : « il fait usage de la souplesse et de la faiblesse, » c’est-à-dire, il plie au lieu de résister, il paraît faible au lieu de vouloir déployer la force et la violence qui entraînent l’homme à sa perte. Cf. chap. <span class="sc">lv</span>, not. 10.</p><p>J’avais traduit (pag. 16) : « il émousse sa subtilité, » et cette interprétation est conforme à celle que donne ici H : S’il rencontre une chose confuse, il ne laisse pas voir sa pointe, c’est-à-dire la finesse de son esprit (il n’emploie point la finesse de son esprit pour la pénétrer). La première interprétation de H (au chap. <span class="sc">iv</span>) me paraît aujourd’hui préférable. </p><br><p><a href="#lien_56-5"><span id="ancrage_56-5">(5)</span></a> Dans le chapitre <span class="sc">iv</span>, j’ai traduit, d’après E : « Il se dégage de tous liens, » c’est-à-dire, des liens du siècle. <i>Aliter</i> H. Cet interprète explique (chap. iv) le mot <i>fen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">紛</span> par « la confusion (<i>fen</i>) des opinions favorables ou contraires. » Chacun, dit-il, tient à l’approbation ou au blâme qu’il a une fois exprimés ; dans le conflit des opinions populaires, personne ne peut dissiper les doutes pour établir la vérité. Mais celui qui possède le Tao peut seul y réussir sans parler. Dans ce passage-ci (chap. <span class="sc">lvi</span>), H explique fen <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">紛</span> « <i>vulgo</i> confus, » par « les pensées confuses, » c’est-à-dire les pensées qui jettent son âme dans la confusion. Son cœur et son corps sont dans une quiétude parfaite ; il se dégage de toutes pensées. </p><br><p><a href="#lien_56-6"><span id="ancrage_56-6">(6)</span></a> E (chap. <span class="sc">iv</span>) : Il jette de l’éclat, mais il n’éblouit personne. </p><br><p><a href="#lien_56-7"><span id="ancrage_56-7">(7)</span></a> H : Il s’est élevé à la sublimité du Tao, il a pris son essor au-dessus du siècle (littéral, de la poussière), et cependant (E chap. <span class="sc">iv</span>),à le juger extérieurement, il n’a rien qui le distingue des autres êtres. </p><br><p>(8) <i>Sou-tseu-yeou</i> explique les mots <i>hiouen-thong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄同</span> par <i>in-tao-thong</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">與道同</span>, « il est semblable au Tao. » <i>Aliter</i> E : Les mots <i>hiouen-thong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄同</span> (littéral. « profond et semblable, » ) signifient :« Il est grandement semblable aux êtres ; mais il est tellement profond qu’on ne peut le connaître. » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">大同於物。深不可識也</span> </p><br><p><a href="#lien_56-9"><span id="ancrage_56-9">(9)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou : </i>Celui qu’un prince peut honorer de sa faveur (littéral, « rapprocher de lui ») peut aussi être disgracié (littéral. « éloigné, écarté » ). Si l’on peut procurer du profit à quelqu’un, on peut aussi lui causer du dommage ; si l’on peut lui accorder des honneurs, on peut aussi le dégrader. Mais le sage qui s’est identifié avec le Tao met au même niveau toutes les choses du monde ; il ne fait attention ni à la faveur ni à la disgrâce, il regarde du même œil le bonheur et l’adversité, le profit et le détriment. Il ne connaît ni la gloire, ni l’ignominie, et, pour lui, il n’existe ni noblesse, ni roture,ni élévation ni abaissement. </p><p>E : Comme il a peu de désirs et peu d’intérêts privés, on ne peut lui procurer du profit ; comme il possède la plénitude de la vertu (voyez chap. <span class="sc">lv</span>), on ne peut lui faire du mal ; comme il ne désire ni la faveur des princes ni la gloire, on ne peut lui accorder des honneurs ;comme il ne dédaigne pas une condition basse et abjecte, il est impossible de l’avilir. C’est là le caractère d’une vertu parfaite ;c’est pourquoi il est l’homme le plus honorable du monde. </p><br>
<b>CHAPITRE LVII</b><br><br><p>Avec la droiture, on gouverne le royaume ; avec la ruse<a href="#ancrage_57-1"><small><sup><span id="lien_57-1"> (1)</span></sup></small></a>, on fait la guerre ; avec le <i>non-agir</i>, on devient le maître de l’empire<a href="#ancrage_57-2"><small><sup><span id="lien_57-2"> (2)</span></sup></small></a>. </p><p>Comment sais-je qu’il en est ainsi de l’empire<a href="#ancrage_57-3"><small><sup><span id="lien_57-3"> (3)</span></sup></small></a> ? Par ceci. </p><p>Plus le roi<a href="#ancrage_57-4"><small><sup><span id="lien_57-4"> (4)</span></sup></small></a> multiplie les prohibitions et les défenses<a href="#ancrage_57-5"><small><sup><span id="lien_57-5"> (5)</span></sup></small></a>,et plus le peuple s’appauvrit ;</p><p>Plus le peuple a d’instruments de lucre<a href="#ancrage_57-6"><small><sup><span id="lien_57-6"> (6)</span></sup></small></a>, et plus le royaume se trouble ;</p><p>Plus le peuple<a href="#ancrage_57-7"><small><sup><span id="lien_57-7"> (7)</span></sup></small></a> a d’adresse et d’habileté, et plus l’on voit fabriquer d’objets bizarres ;</p><p>Plus les lois se manifestent, et plus les voleurs s’accroissent<a href="#ancrage_57-8"><small><sup><span id="lien_57-8"> (8)</span></sup></small></a>. </p><p>C’est pourquoi le Saint<a href="#ancrage_57-9"><small><sup><span id="lien_57-9"> (9)</span></sup></small></a> dit : Je pratique le <i>non-agir</i>,et le peuple se convertit de lui-même.</p><p>J’aime la quiétude, et le peuple se rectifie de lui-même<a href="#ancrage_57-10"><small><sup><span id="lien_57-10"> (10)</span></sup></small></a>. </p><p>Je m’abstiens de toute occupation<a href="#ancrage_57-11"><small><sup><span id="lien_57-11"> (11)</span></sup></small></a>, et le peuple s’enrichit de lui-même. </p><p>Je me dégage de tous désirs, et le peuple revient de lui-même à la simplicité<a href="#ancrage_57-12"><small><sup><span id="lien_57-12"> (12)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_57-1"><span id="ancrage_57-1">(1)</span></a> A, H : Le mot <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奇</span> a ici le sens de <i>t’cha</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">詐</span>, « fausseté,ruse, artifice. »</p><p>E : Dans la guerre on désire prendre l’ennemi à l’improviste ; c’est pourquoi l’on a recours à des stratagèmes habilement combinés. </p><br><p><a href="#lien_57-2"><span id="ancrage_57-2">(2)</span></a> B : Lorsque le prince observe le non-agir, quand il évite de créer une multitude de lois, les peuples jouissent de la paix et lui donnent toute leur affection. Lorsque, au contraire, l’administration devient importune et tracassière, les peuples se soulèvent et ne savent plus que le haïr. </p><br><p><a href="#lien_57-3"><span id="ancrage_57-3">(3)</span></a> H : Comment sais-je que, par le non-agir, on peut devenir le maître paisible de l’empire ? Je le sais en voyant que les prohibitions,les instruments de lucre, les arts, les lois, qui tous se rattachent à une <i>activité blâmable</i>, sont impuissants pour procurer le gouvernement paisible de l’empire. </p><br><p><a href="#lien_57-4"><span id="ancrage_57-4">(4)</span></a> Suivant A, les mots <i>thien-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">天下</span> (<i>vulgo</i> « empire » ) désignent ici « le prince, » <i>jin-tchou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人主</span>. On pourrait conserver la signification usuelle de cette expression, et, à cause du mot <i>to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多</span> (<i>vulgo</i> « beaucoup »), qui devient, par position, le verbe actif <i>multiplier</i>, la rendre au locatif par « dans l’empire. » Plus bas, 36, 45, le mot <i>to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多</span> veut dire « avoir beaucoup de ; » mais le dernier <i>to</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多</span>(57<sup style="font-size:70%">e</sup> mot du texte) reprend le sens ordinaire de « beaucoup, en grande abondance. »</p><br><p><a href="#lien_57-5"><span id="ancrage_57-5">(5)</span></a> A : L’expression <i>ki-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">急諱</span> veut dire « défenses, prohibitions. » <i>Liu-kie-fou : </i>Quand les défenses et les prohibitions sont très-relâchées, les hommes de l’empire jouissent d’une entière liberté d’agir ou de parler. ( H explique <i>ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">急</span> par « défense d’agir, » et <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">諱</span>par « défense de parler de certaines choses »). Mais quand les défenses sont très-multipliées et très-sévères, beaucoup d’hommes violent les lois, bravent les prohibitions et perdent leur emploi ; c’est pourquoi le peuple ne fait que s’appauvrir de plus en plus.</p><br><p><a href="#lien_57-6"><span id="ancrage_57-6">(6)</span></a> E : Lorsque le peuple s’applique sincèrement à ses devoirs sans courir après des choses futiles, quand il aurait beaucoup d’instruments de lucre, il n’en ferait pas usage.</p><p><i>Ibid</i>. L’expression <i>to-li-khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">多利器</span>, « lorsqu’il y a beaucoup d’instruments de lucre, » veut dire lorsqu’il « court avec ardeur après le lucre. »</p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> explique les mots <i>li-ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">利器</span>, par <i>khiouen-meou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">權謀</span>, « trames, stratagèmes. » <i>Lao-tseu</i> veut que le prince rende le peuple ignorant et exempt de désirs, afin de le ramener à sa simplicité et à sa pureté primitives ; si, au contraire, le peuple est habile à former des plans, des stratagèmes, pour obtenir du profit et assouvir sa cupidité, le royaume tombera dans le désordre. </p><br><p><a href="#lien_57-7"><span id="ancrage_57-7">(7)</span></a> La plupart des éditions portent <i>jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人</span>, « les hommes. »E lit <i>min</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">民</span>, « le peuple. » Lorsque le peuple est véritablement pur et simple, nul n’a besoin de briller par une habileté extraordinaire. Mais quand le peuple montre beaucoup d’adresse et d’habileté dans les arts, on voit paraître une foule d’objets aussi étranges qu’inutiles qui deviennent pour l’empire des instruments de trouble et de désordre. </p><p>E explique l’adjectif <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奇</span> (<i>vulgo</i> « rare, extraordinaire » ), par <i>khie-sie</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奇邪</span>, expression à laquelle on donne dans le dictionnaire de <i>Khang-hi</i>, le sens de « étrange, bizarre. » E ajoute les mots <i>wou-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無益</span>, « inutile, » (des objets étranges et inutiles) pour mieux caractériser les résultats de l’espèce d’habileté que recherchait le peuple dont parle <i>Lao-tseu</i>. </p><p>Le mot <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">起</span> signifie « surgir, naître. » </p><br><p><a href="#lien_57-8"><span id="ancrage_57-8">(8)</span></a> E : En temps de paix, les lois et les règlements se réduisent à peu de chose ; en temps de trouble, ils sont très-multipliés. Si le prince emploie des lois d’une sévérité excessive pour contenir les inférieurs, ceux-ci éludent les lois à force de ruse et d’adresse et se moquent du prince ; alors les trahisons s’augmentent, et les voleurs se multiplient de jour en jour. Les quatre sortes de malheurs que nous venons de rapporter viennent de ce que le roi <i>se livre à l’action</i>. Voilà les désordres qu’une telle activité fait naître dans l’empire. On voit par là que, pour devenir le maître de l’empire, il faut absolument observer le <i>non-agir</i>. </p><br><p><a href="#lien_57-9"><span id="ancrage_57-9">(9)</span></a> E : Le Saint (cette expression désigne un prince parfait) observe le <i>non-agir ; </i>il instruit sans parler (c’est-à-dire, par son exemple) :c’est pourquoi le peuple vit dans une douce harmonie et se convertit de lui-même. </p><br><p><a href="#lien_57-10"><span id="ancrage_57-10">(10)</span></a> E : Lorsque le Saint aime la quiétude, le peuple aussi observe le <i>non-agir</i>. En observant le <i>non-agir</i>, il se rectifie de lui-même. </p><br><p><a href="#lien_57-11"><span id="ancrage_57-11">(11)</span></a> E : Si le roi est très-occupé (si, par exemple, il ordonne des travaux publics, s’il entreprend des expéditions militaires), le peuple est forcé d’abandonner ses travaux particuliers, de quitter son état,sa profession ; comment pourrait-il ne pas devenir pauvre ? C’est pourquoi, lorsque le roi ne se livre à aucune occupation, le peuple s’enrichit de lui-même. </p><br><p><a href="#lien_57-12"><span id="ancrage_57-12">(12)</span></a> E : Si le roi a des désirs, le peuple s’empressera de les satisfaire,et on verra paraître la fausseté et l’hypocrisie. C’est pourquoi,lorsque le roi est sans désirs, le peuple revient de lui-même à la simplicité. </p><p>A : Si le roi est constamment sans désirs, s’il supprime le luxe et la magnificence, le peuple imitera son exemple et reviendra de lui-même à la simplicité. </p><br>
<b>CHAPITRE LVIII</b><br><br><p>Lorsque l’administration (paraît) dépourvue de lumières<a href="#ancrage_58-1"><small><sup><span id="lien_58-1"> (1)</span></sup></small></a>, le peuple devient riche<a href="#ancrage_58-2"><small><sup><span id="lien_58-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Lorsque l’administration est clairvoyante<a href="#ancrage_58-3"><small><sup><span id="lien_58-3"> (3)</span></sup></small></a>, le peuple manque de tout.</p><p>Le bonheur<a href="#ancrage_58-4"><small><sup><span id="lien_58-4"> (4)</span></sup></small></a> naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Qui peut en prévoir la fin<a href="#ancrage_58-5"><small><sup><span id="lien_58-5"> (5)</span></sup></small></a> ?</p><p>Si le prince n’est pas droit, les hommes droits<a href="#ancrage_58-6"><small><sup><span id="lien_58-6"> (6)</span></sup></small></a> deviendront trompeurs, et les hommes vertueux, pervers.</p><p>Les hommes sont plongés dans l’erreur, et cela dure depuis bien longtemps<a href="#ancrage_58-7"><small><sup><span id="lien_58-7"> (7)</span></sup></small></a> ! </p><p>C’est pourquoi le Saint est juste<a href="#ancrage_58-8"><small><sup><span id="lien_58-8"> (8)</span></sup></small></a> et ne blesse pas (le peuple).</p><p>Il est désintéressé et ne lui fait pas de tort.</p><p>Il est droit<a href="#ancrage_58-9"><small><sup><span id="lien_58-9"> (9)</span></sup></small></a> et ne le redresse pas.</p><p>Il est éclairé<a href="#ancrage_58-10"><small><sup><span id="lien_58-10"> (10)</span></sup></small></a> et ne l’éblouit pas.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_58-1"><span id="ancrage_58-1">(1)</span></a> A : Lorsque l’administration est large, libérale et indulgente,lorsqu’elle néglige d’entrer dans des détails minutieux, de rechercher les plus légères fautes pour tourmenter le peuple. </p><br><p><a href="#lien_58-2"><span id="ancrage_58-2">(2)</span></a> G explique l’expression <i>chun-chun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">醇醇</span> par <i>fou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">富</span>, « (le peuple) <i>devient riche ; </i>» A la rend par <i>fon-heou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">富厚</span>, même sens. D’autres interprètes lui donnent le sens ordinaire de « fidèle,honnête, et, par conséquent (B), « facile à gouverner » ; mais ils font disparaître l’opposition qui doit exister entre cette phrase et celle qui suit. </p><br><p><a href="#lien_58-3"><span id="ancrage_58-3">(3)</span></a> B, C : Lorsque l’administration devient minutieuse et tracassière,lorsqu’elle fait exécuter les lois dans toute leur rigueur, le peuple, gêné par une multitude de règlements, ne peut gagner tranquillement sa vie, et se voit hors d’état d’échapper au besoin et à la mort. </p><br><p><a href="#lien_58-4"><span id="ancrage_58-4">(4)</span></a> B : En général, lorsqu’un homme est tombé dans quelque calamité, s’il peut se repentir de ses fautes, s’examiner sévèrement,être sans cesse sur ses gardes, il change son malheur en bonheur.</p><p>Lorsqu’au contraire un homme est au comble de ses vœux, s’il s’enorgueillit et s’abandonne à ses passions sans songer à revenir au bien, une foule de malheurs vient fondre sur lui. </p><br><p><a href="#lien_58-5"><span id="ancrage_58-5">(5)</span></a> G : Le mot <i>ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">極</span> veut dire <i>tchong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">終</span>, « fin. » E : Au commencement, quelques-uns semblent être malheureux ; qui peut prévoir s’ils ne finiront pas par être heureux ? D’autres semblent être heureux au commencement ; qui sait s’ils ne finiront pas par être malheureux ?</p><p><i>Liu-kie-fou : </i>Qui peut en prévoir la fin, de manière à éviter l’un (le malheur) et à arriver à l’autre (au bonheur) ?</p><br><p><a href="#lien_58-6"><span id="ancrage_58-6">(6)</span></a> A : Les inférieurs imiteront son exemple. </p><br><p><a href="#lien_58-7"><span id="ancrage_58-7">(7)</span></a> B : Ce n’est pas d’hier que les hommes sont aveuglés et ont abandonné la droiture. Cet aveuglement vient d’une manière insensible ;leur malheur est de ne pas s’en apercevoir. C’est pourquoi le Saint prend garde aux choses les plus légères ; il craint toujours que le peuple ne se perde. A rapporte aux princes ce que B et les. autres commentateurs appliquent aux hommes en général. Suivant lui,il faut traduire : « Il y a bien longtemps que les rois sont plongés dans l’aveuglement ! »</p><br><p><a href="#lien_58-8"><span id="ancrage_58-8">(8)</span></a> B : Les hommes injustes ou cupides deviennent justes et désintéressés par la seule influence de son exemple et sans qu’il ait besoin de les punir. </p><p>E : Lorsque le Saint gouverne, quoiqu’il soit extrêmement juste et éclairé, il conserve une généreuse indulgence pour tous les hommes. S’il en était autrement, il montrerait une sévérité excessive et tomberait dans les excès où conduit l’abus des lumières,c’est-à-dire, l’abus d’une pénétration qui ne s’exerce qu’à trouver des fautes dans les autres. </p><br><p><a href="#lien_58-9"><span id="ancrage_58-9">(9)</span></a> A rend le mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">肆</span> par <i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">申</span>, « étendre, » c’est-à-dire,« redresser. »</p><br><p><a href="#lien_58-10"><span id="ancrage_58-10">(10)</span></a> A : Quoique le Saint soit très-éclairé, il concentre (B) ses lumières en lui-même et aime à paraître ignorant comme les hommes vulgaires. </p><br>
<b>CHAPITRE LIX</b><br><br><p>Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien n’est comparable à la modération<a href="#ancrage_59-1"><small><sup><span id="lien_59-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>La modération doit être le premier soin de l’homme<a href="#ancrage_59-2"><small><sup><span id="lien_59-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand elle est devenue son premier soin, on peut dire qu’il accumule abondamment la vertu.</p><p>Quand il accumule abondamment la vertu, il n’y a rien dont il ne triomphe<a href="#ancrage_59-3"><small><sup><span id="lien_59-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand il n’y a rien dont il ne triomphe, personne ne connaît ses limites<a href="#ancrage_59-4"><small><sup><span id="lien_59-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand personne ne connaît ses limites, il peut posséder le royaume. </p><p>Celui qui possède la mère du royaume<a href="#ancrage_59-5"><small><sup><span id="lien_59-5"> (5)</span></sup></small></a> peut subsister longtemps.</p><p>C’est ce qu’on appelle avoir des racines profondes et une tige solide.</p><p>Voilà l’art de vivre longuement et de jouir d’une existence durable<a href="#ancrage_59-6"><small><sup><span id="lien_59-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_59-1"><span id="ancrage_59-1">(1)</span></a> Plusieurs commentateurs pensent que le mot <i>se</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">嗇</span>, « économie, modération, » s’applique ici à l’action de ménager à la fois ses richesses et ses esprits vitaux.</p><p>E le rapporte à <i>l’économie</i> proprement dite. Régler ses dépenses avec modération, ne pas consumer ses richesses, ne pas faire de tort au peuple, c’est là l’économie qui sert à gouverner les hommes. Dans la cérémonie appelée <i>Kiao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">郊</span>, faire usage d’une seule victime, se contenter de balayer la terre avant d’offrir le sacrifice, se servir de vases de terre, de courges et de nattes de paille, c’est là l’économie qu’il faut observer pour sacrifier au ciel.</p><br><p><a href="#lien_59-2"><span id="ancrage_59-2">(2)</span></a> E : L’expression <i>thsao-fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">早服</span> a le sens de <i>sien-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">先事</span>, « la première occupation, la première affaire. » (Cf. Dictionnaire de <i><span class="coquille" title="Kangh-i">Kang-hi</span></i>, au mot <i>fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">服</span>.) Celui qui est économe n’a jamais le malheur de manquer du nécessaire ; aussi prend-il d’avance ses mesures pour ne pas tomber dans le besoin.</p><p><i>Li-si-tchaï</i> rend le mot <i>fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">服</span> par « dompter. » Intérieurement il dompte son cœur, extérieurement il dompte son corps. Il reste calme et immobile, et alors il accumule la vertu.</p><br><p><a href="#lien_59-3"><span id="ancrage_59-3">(3)</span></a> E : Le mot <i>khe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">克</span> veut dire « vaincre. » Quand il accumule la vertu, tous les hommes sont dans l’aisance ; aussi il n’y a pas (d’obstacles, d’ennemis) dont il ne triomphe. </p><br><p><a href="#lien_59-4"><span id="ancrage_59-4">(4)</span></a> H : Le mot <i>ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">極</span> signifie « bornes, limites. » E : Quand il triomphe de tous les obstacles, on ne peut mesurer, calculer la durée de son royaume. C’est pourquoi <i>personne ne connaît ses limites</i>. Quand <i>personne ne connaît ses limites</i>, il peut conserver longtemps ses états ; c’est pourquoi (<i>Lao-tseu</i> dit) « il peut posséder le royaume. »</p><br><p><a href="#lien_59-5"><span id="ancrage_59-5">(5)</span></a> Suivant E, les mots <i>mère du royaume</i> désignent « l’économie ; » suivant C, « la modération. » A croit qu’ils s’appliquent au Tao.</p><br><p><a href="#lien_59-6"><span id="ancrage_59-6">(6)</span></a> Il y a dans le texte chinois un pléonasme que j’ai tâché de conserver en français. Les deux expressions <i>tchhang-sing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">長生</span>,« vivre longtemps, » et <i>khieou-chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">久視</span>, « voir longtemps, » expriment la même idée. </p><br>
<b>CHAPITRE LX</b><br><br><p>Pour gouverner un grand royaume, (on doit) imiter (celui qui) fait cuire<a href="#ancrage_60-1"><small><sup><span id="lien_60-1"> (1)</span></sup></small></a> un petit poisson.</p><p>Lorsque le prince dirige l’empire par le Tao, les démons<a href="#ancrage_60-2"><small><sup><span id="lien_60-2"> (2)</span></sup></small></a> ne montrent point leur puissance<a href="#ancrage_60-3"><small><sup><span id="lien_60-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Ce n’est point que les démons manquent de puissance, c’est que les démons ne blessent point les hommes.</p><p>Ce n’est point que les démons ne (puissent) blesser les hommes, c’est que le Saint lui-même ne blesse point les hommes.</p><p>Ni le Saint ni les démons ne les blessent<a href="#ancrage_60-4"><small><sup><span id="lien_60-4"> (4)</span></sup></small></a> ; c’estpourquoi ils confondent ensemble leur vertu<a href="#ancrage_60-5"><small><sup><span id="lien_60-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_60-1"><span id="ancrage_60-1">(1)</span></a> A : Lorsqu’on fait cuire un petit poisson, on n’ôte ni ses entrailles ni ses écailles ; on n’ose le manier rudement de peur del’écraser. De même (B), lorsqu’on gouverne un grand royaume, il ne faut pas se donner beaucoup de mouvement, ni établir une multitudede lois et de règlements, de peur de tourmenter les inférieurset de les exciter au désordre.</p><p>Le reste du chapitre offre le retour fréquent des mêmes mots, et semble aussi insignifiant qu’inintelligible, si l’on donne aux mots chinois leur acception ordinaire.</p><p>Je me bornerai à citer en grande partie le commentateur B, qui, comme tous les autres, a pris ici la glose ancienne de <i>Ho-chang-kong</i>(A) pour base de ses développements.</p><p>Le Saint emploie le vide et la lumière (c’est-à-dire se dépouille de ses passions et dissipe leurs ténèbres) pour nourrir sa nature, la modération et l’économie pour subvenir aux besoins de son corps, la pureté et l’attention la plus sévère pour fortifier sa volonté, le calme et la quiétude pour gouverner son royaume.</p><p>Lorsqu’on gouverne l’empire par le Tao, les démons n’osent (A) montrer leur puissance, parce qu’un Saint est assis sur le trône. Si les démons n’osent montrer leur puissance pour nuire aux hommes, ce n’est pas qu’ils manquent de puissance, c’est uniquementparce que la perversité ne peut vaincre la droiture. C’est pourquoi on reconnaît que si les démons n’osent attaquer les hommes, c’est parce qu’ils craignent et respectent l’homme droit et sage qui est sur le trône. Si le Saint n’ose nuire au peuple, c’est qu’il l’affectionne comme s’il était son père. Si, dans le nombre, il se trouve des hommes aveugles qui se laissent aller au mal, le Saint se garde de les punir immédiatement à cause du mal qu’ils ont fait. Il les sauve par sa bonté, il les console par ses bienfaits et les fait revenir au bien. Le Saint ne fait point de mal au peuple, et alors les démons se convertissent. Cela montre la grandeur de sa vertu. De leur côté, les démons ne font point de mal aux hommes ; cela prouve aussi l’excellence de leur vertu.</p><p>Tout l’empire en attribue le mérite au Saint ; mais celui-ci ne voit aucun mérite dans ses œuvres, et il rapporte ce mérite aux démons.Ainsi ils confondent ensemble leur vertu.</p><p><br /><a href="#lien_60-2"><span id="ancrage_60-2">(2)</span></a> Toutes les éditions portent <i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">神</span> « esprits » au lieu de <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鬼</span> « démons » (n<sup style="font-size:70%;">os</sup> 23 et 29 du texte chinois). J’ai cru devoir adopter la leçon <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鬼</span>, afin de rétablir le parallélisme qui semble devoir exister entre ces deux phrases et celles qui précèdent.</p><p>E explique le mot <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鬼</span> « démons, » par <i>koueï-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鬼神</span> « esprits » en général. Cependant les malheurs qu’il cite plus bas, tels que fléaux, morts prématurées, pestes, etc. montrent qu’il faut prendre le mot <i>koueï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">鬼</span> en mauvaise part et le rendre par « démons. »</p><br><p><a href="#lien_60-3"><span id="ancrage_60-3">(3)</span></a> Le mot <i>chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">神</span> (n<sup style="font-size:70%;">os</sup> 16 et 21) signifie « être doué d’une puissance surnaturelle. »</p><br><p><a href="#lien_60-4"><span id="ancrage_60-4">(4)</span></a> E : Les esprits (<i>sic</i>) et le Saint ne font point de mal aux hommes.</p><br><p><a href="#lien_60-5"><span id="ancrage_60-5">(5)</span></a> C’est le sens de C : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">聖人與鬼合其德</span> « Sanctus vir et dæmones conjungunt ipsorum virtutem. » Il y a une grande différence entre cette glose, qu’appuient plusieurs commentateurs, et celle-ci de E : « Itaque <i>Viæ</i> et <i>Virtutis</i> merita simul congregantur in præsenti sæculo. » </p><br>
<b>CHAPITRE LXI</b><br><br><p>Un grand royaume (doit s’abaisser comme) les fleuves et les mers, où se réunissent (toutes les eaux de) l’empire<a href="#ancrage_61-1"><small><sup><span id="lien_61-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Dans le monde, tel est le rôle de la femelle<a href="#ancrage_61-2"><small><sup><span id="lien_61-2"> (2)</span></sup></small></a>. En restanten repos, elle triomphe constamment du mâle. Ce repos est une sorte d’abaissement. </p><p>C’est pourquoi, si un grand royaume<a href="#ancrage_61-3"><small><sup><span id="lien_61-3"> (3)</span></sup></small></a> s’abaisse devantles petits royaumes, il gagnera les petits royaumes.</p><p>Si les petits royaumes s’abaissent<a href="#ancrage_61-4"><small><sup><span id="lien_61-4"> (4)</span></sup></small></a> devant un grand royaume, ils gagneront le grand royaume.</p><p>C’est pourquoi les uns s’abaissent<a href="#ancrage_61-5"><small><sup><span id="lien_61-5"> (5)</span></sup></small></a> pour recevoir, les autres s’abaissent pour être reçus.</p><p>Ce que désire uniquement un grand royaume, c’est de réunir et de gouverner<a href="#ancrage_61-6"><small><sup><span id="lien_61-6"> (6)</span></sup></small></a> les autres hommes.</p><p>Ce que désire uniquement un petit royaume<a href="#ancrage_61-7"><small><sup><span id="lien_61-7"> (7)</span></sup></small></a>, c’est d’être admis à servir les autres hommes.</p><p>Alors tous deux obtiennent ce qu’ils désiraient.</p><p>Mais les grands doivent s’abaisser !</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_61-1"><span id="ancrage_61-1">(1)</span></a> E : L’expression <i>hia-lieou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">下流</span>, « ce qui coule en bas, » désigne les fleuves et les mers. La voie, c’est-à-dire la conduite d’un grand royaume peut être comparée aux fleuves et aux mers et <i>omnibus mundi fœminis</i>. Or les fleuves et les mers se tiennent (littéral. « résident ») au-dessous du niveau de toutes les eaux ; et, parce qu’ils occupent une situation basse et inférieure, les eaux de tout l’empire(ou de tout l’univers) vont se rendre dans leur sein.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> donne un autre sens aux mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">下流</span> ; il les expliquepar « état d’abaissement, » littéral. « courant inférieur. » Si un grand royaume peut véritablement se tenir dans le courant inférieur,c’est-à-dire s’abaisser, s’humilier, pour amener l’empire à se joindre et à se soumettre à lui.... C’est aussi le sens de <i>Li-si-tchaï</i> : Si un grand royaume peut s’abaisser pour attirer à lui les êtres, ils ne pourront s’empêcher de venir se joindre et se soumettre à lui.</p><p>B : Celui qui gouverne un grand royaume doit ressembler aux fleuves et aux mers qui, coulant en bas, reçoivent dans leur sein toutes les rivières du monde. Si le prince d’un grand royaume sait s’humilier et accueillir les inférieurs avec bonté, ceux qui sont près de lui se réjouiront, ceux qui sont éloignés accourront avec empressement ;tout l’empire viendra se soumettre à lui, de même que les eaux se précipitent vers les fleuves et les mers, et vont se réunir dans leur sein.</p><br><p><a href="#lien_61-2"><span id="ancrage_61-2">(2)</span></a> E : La femelle n’est pas plus forte que le mâle, et cependant, au moyen de la douceur et du calme, elle triomphe constamment du mâle. Cela vient de ce que, par ce calme, elle s’humilie et s’abaisseau-dessous du mâle.</p><br><p><a href="#lien_61-3"><span id="ancrage_61-3">(3)</span></a> B : Si le prince d’un grand royaume peut s’humilier, s’abaisser,rester calme et tranquille, et traiter les petits royaumes avec bienveillance et humanité, ceux-ci seront touchés de sa vertu et se soumettront à lui. Voilà l’art par lequel les grands royaumes gagnent les petits royaumes, les attirent à eux et s’enrichissent de leur territoire.</p><br><p><a href="#lien_61-4"><span id="ancrage_61-4">(4)</span></a> B : Si le prince d’un petit royaume sait s’humilier et s’abaisser, être calme, tranquille, et servir docilement le chef d’un grand royaume,celui-ci le traitera avec bienveillance et humanité. Il (C) le recevra au nombre de ses tributaires et le préservera des attaques de ses ennemis. Voilà l’art par lequel les petits royaumes gagnent la bienveillance et la protection des grands royaumes.</p><br><p><a href="#lien_61-5"><span id="ancrage_61-5">(5)</span></a> E : Les mots <i>i-thsiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以取</span> signifient <i>thsiu-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">取人</span>, « prendre, gagner les hommes, » c’est-à-dire, suivant <i>Liu-kie-fou</i>, « gagner leur affection et ne point la perdre. »</p><p>Les mots <i>eul-thsiu</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">而取</span> signifient <i>thsiu-iu-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">取於人</span>, littéral. « être pris (c’est-à-dire être accueilli) par les hommes. »</p><br><p><a href="#lien_61-6"><span id="ancrage_61-6">(6)</span></a> A explique le mot <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">畜</span> par <i>mo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">牧</span>, verbe qui, comme <span class="lang-grc" lang="grc">ποιμαίνειν</span>, en grec, veut dire « faire paître » et « gouverner. » </p><br><p><a href="#lien_61-7"><span id="ancrage_61-7">(7)</span></a> E : Un grand royaume désire de réunir sous sa puissance et de gouverner les hommes des autres états. Si maintenant il s’abaisse devantles petits royaumes, les petits royaumes viendront se soumettre à lui. Un petit royaume désire d’être admis à servir les hommes (c’est-à-dire les princes des grands royaumes). Si maintenant il s’abaisse devant un grand royaume, et que ce grand royaume l’accueilleavec bienveillance, ils obtiendront l’un et l’autre ce qu’ilsdésiraient.</p><p>Les vœux d’un petit royaume se bornent à vouloir servir les hommes (les princes puissants) ; mais le vœu que forme un grand royaume est de réunir sous sa puissance et de gouverner les hommes (des états voisins). Si celui qui sert les autres hommes voit que tel prince manque d’égards envers lui, il le quittera et ira offrir son obéissance à un autre. Si celui qui avait réuni sous sa puissance et qui gouvernait les hommes (des états voisins) vient à perdre l’obéissanced’un petit royaume, on ne pourra plus dire <i>qu’il réunit et </i>gouverne les hommes<i>. C’est pourquoi les grands doivent surtout </i>s’abaisser.</p><p>En s’abaissant, dit <i>Wang-fou-sse</i>, un petit royaume se conserve ; c’est là toute son ambition. Il ne peut déterminer tout l’empire à se soumettre à lui. Mais si un grand royaume s’abaisse, tous les autres états viendront se soumettre à lui. Voilà pourquoi les grands surtout doivent s’humilier et s’abaisser. </p><br>
<b>CHAPITRE LXII</b><br><br><p>Le Tao est l’asile<a href="#ancrage_62-1"><small><sup><span id="lien_62-1"> (1)</span></sup></small></a> de tous les êtres ; c’est le trésor de l’homme vertueux et l’appui<a href="#ancrage_62-2"><small><sup><span id="lien_62-2"> (2)</span></sup></small></a> du méchant<a href="#ancrage_62-3"><small><sup><span id="lien_62-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Les paroles excellentes peuvent faire notre richesse<a href="#ancrage_62-4"><small><sup><span id="lien_62-4"> (4)</span></sup></small></a>, les actions honorables peuvent<a href="#ancrage_62-5"><small><sup><span id="lien_62-5"> (5)</span></sup></small></a> nous élever au-dessus des autres.</p><p>Si un homme n’est pas vertueux<a href="#ancrage_62-6"><small><sup><span id="lien_62-6"> (6)</span></sup></small></a>, pourrait-on le repousser avec mépris ? </p><p>C’est pour cela qu’on avait établi un empereur et institué trois ministres.</p><p>Il est beau de tenir devant <i>soi</i> une tablette de jade<a href="#ancrage_62-7"><small><sup><span id="lien_62-7"> (7)</span></sup></small></a>, ou d’être monté sur un quadrige ; mais il vaut mieux rester assis pour avancer dans le Tao.</p><p>Pourquoi les anciens estimaient-ils le Tao ?</p><p>N’est-ce pas parce qu’on le trouve<a href="#ancrage_62-8"><small><sup><span id="lien_62-8"> (8)</span></sup></small></a> naturellement sans le chercher tout le jour ? n’est-ce pas parce que les coupablesobtiennent par lui la liberté et la vie<a href="#ancrage_62-9"><small><sup><span id="lien_62-9"> (9)</span></sup></small></a>?</p><p>C’est pourquoi (le Tao) est l’être le plus estimable du monde.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_62-1"><span id="ancrage_62-1">(1)</span></a> A : Le mot <i>ngao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奧</span> a ici le sens de <i>thsang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">藏</span>, « réceptacle, asile. » <i>Li-si-tchaï</i>, même sens. B : Le Tao est naturellement subtil, il est impossible d’exprimer son nom, de figurer sa forme. Il s’élève à l’infini, il s’étend sans bornes, il enveloppe le ciel et la terre dans son immensité.</p><p><i>Aliter</i>. E : Le mot <i>ngao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奧</span> a le sens de <i>thsun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">尊</span> « honorable. »Dans l’intérieur d’une chambre, dit E, l’angle situé au S. O. s’appelle<i>ngao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奧</span>. Dans l’antiquité, lorsqu’on bâtissait une maison, on plaçaitla porte près du côté de l’E. et non au milieu. Alors le coin situé au S. O. était le plus profond et le plus obscur ; c’était l’endroit qu’occupait toujours celui qui offrait un sacrifice, ou la personne la plus honorée de la famille.</p><p>D’après cette explication, il faudrait traduire : « le Tao est le plushonorable de tous les êtres ; » mais le sens d’honorable, qu’E donne par extension au mot <i>ngao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">奧</span> ne me paraît pas suffisamment justifié.</p><br><p><a href="#lien_62-2"><span id="ancrage_62-2">(2)</span></a> A : Le mot <i>pao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">保</span> (<i>vulgo</i> « protéger ») veut dire ici <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">倚</span>, « s’appuyer sur ». E, même sens : « <i>s’appuyer sur</i> une chose pourtrouver la stabilité et le repos. » Quand l’homme vertueux a obtenu le Tao, c’est comme s’il possédait un trésor au dedans de lui ; et partout où il va, il peut en tirer un immense profit.</p><br><p><a href="#lien_62-3"><span id="ancrage_62-3">(3)</span></a> E : L’homme dénué de vertu a commencé à perdre le Tao. Lorsqu’une fois il craint le malheur et songe à son salut, s’il peut chercher son appui dans le Tao, il pourra changer le malheur qui le menaçait en un bonheur durable. <i>Lao-tseu</i> veut dire que le Tao est répandu dans l’univers, et que les bons comme les méchants peuvent en profiter.</p><br><p><a href="#lien_62-4"><span id="ancrage_62-4">(4)</span></a> E : Ce passage s’applique à l’homme vertueux. H : Le mot <i>chi</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">巿</span> (<i>vulgo</i> « marché, acheter ») veut dire ici <i>li</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">利</span> « profit, procurer du profit. » <i>Ou-yeou-thsing</i> donne au mot <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">巿</span> son acception usuelle : les paroles excellentes, dit-il, ont beaucoup de charme,<i>kho-ngaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可愛</span> (littéralement : « peuvent être, méritent d’être aimées ») ; elles ressemblent à des objets élégants, qui <i>peuvent être</i>, qui méritent d’être <i>achetés</i>.</p><p>Le lecteur remarquera que cet interprète regarde l’expression <i>kho-i</i><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可以</span> (qui a la propriété de donner le sens actif au verbe suivant, conf. Rémusat, <i>Grammaire chin.</i> § 254) comme synonyme du mot <i>kho</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可</span>, « pouvoir, » qui indique ordinairement que le verbe suivantdoit être pris dans le sens passif.</p><br><p><a href="#lien_62-5"><span id="ancrage_62-5">(5)</span></a> <i>Sic</i> H : <i>Kho-i-kia-iu-jin-tchi-chang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可以加于人之上</span>. E, même sens : les belles actions sont dignes d’être honorées ;(par elles) nous nous élevons au-dessus des autres hommes.</p><p><i>Aliter</i> A : Le mot <i>kia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">加</span> signifie <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">別異</span> « se distinguer de ; » par des actions honorables, l’homme se distingue du vulgaire.</p><br><p><a href="#lien_62-6"><span id="ancrage_62-6">(6)</span></a> E : Si un homme a des défauts, il lui suffit de se corriger pour devenir vertueux. C’est pourquoi il ne faut pas le repousser à cause de ses défauts. Si, dans l’antiquité, on avait établi un empereur et trois ministres, c’était précisément pour instruire et réformer les hommes vicieux.</p><br><p><a href="#lien_62-7"><span id="ancrage_62-7">(7)</span></a> E : L’expression <i>kong-p’i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">拱璧</span> veut dire <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">合拱璧</span>,« tablette de pierre précieuse (de forme ronde) qu’on tenait à deux mains. »B : Quoique les trois ministres aient chacun une tablette de pierre précieuse, c’est-à-dire de jade (pour cacher leur visage lorsqu’ilsse présentent devant le souverain) ; quoique l’empereur ait un attelage de quatre chevaux dociles, tout cela est insuffisant pour les rendre honorables. La véritable gloire consiste à cultiver le Tao. C rapporte les mots <i>i-sien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以先</span>, « devant, » à l’action de tenir <i>devant son visage</i> la tablette de jade mentionnée plus haut, lorsqu’on est en présence de l’empereur.</p><p>E s’est imaginé qu’il s’agissait dans cet endroit « d’offrir à quelqu’unune tablette précieuse » ou « quatre chevaux attelés, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">獻人以拱璧駟馬</span>,et il a rendu par « donner » le mot <i>thsin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">進</span>,qui, dans le sens actif, signifie « présenter, offrir. » Lorsqu’on offre à quelqu’un, dit E, une tablette précieuse ou quatre chevaux attelés, ce don est considéré, dans le monde, comme le plus insigne honneur ; mais il vaut mieux <i>donner</i> (c’est-à-dire enseigner) le Tao aux hommes, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">然不如以此進與人</span>. Le Tao esttellement honorable, que les choses les plus honorables du monde ne pourraient lui être comparées.</p><br><p><a href="#lien_62-8"><span id="ancrage_62-8">(8)</span></a> A : Les sages de l’antiquité ne voyageaient pas au loin pour chercher le Tao ; ils (H) revenaient à leur pureté primitive et le trouvaient en eux-mêmes.</p><p>J’ai suivi A, B et plusieurs autres éditions qui portent <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">日</span> « jour, » au lieu de <i>youe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">曰</span>, « dire. »</p><br><p><a href="#lien_62-9"><span id="ancrage_62-9">(9)</span></a> H : Les cruels Kie et Tcheou étaient des empereurs, et cependant ils ne purent échapper à leur châtiment. (Voyez <i>Chou-king</i>, traduction de Gaubil, pag. 81, 147 et <i>passim</i>.) Les quatre scélérats (appelés <i>Kong-kong</i>, <i>Houan-teou</i>, <i>San-miao</i> et <i>Kouen</i>) étaient revêtus de la dignité de <i>san-kong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">三公</span> (c’étaient des espèces de ministres ; voyez Morrison, <i>Dict. chin.</i> part. 1, clef 40, pag. 808, n°2) :et cependant ils ne purent se soustraire à une mort ignominieuse.(Cf. <i>Chou-king</i>, traduction de Gaubil, pag. 16.) D’un autre côté, l’intègre <i>I-thsi</i> réprimanda l’empereur <i>Wou-wang</i>, le sage <i>Thsao-hiu</i>traita l’empereur avec fierté, et ils ne furent point punis. Ne voit-onpas par là que ceux qui suivent le Tao échappent aux châtiments ? Si l’homme songe une seule fois à recouvrer sa pureté innée, tous ses crimes seront aussitôt effacés ; s’il cherche le Tao, il le trouvera, et s’élancera avec lui au delà de la corruption du siècle. </p><br>
<b>CHAPITRE LXIII</b><br><br><p>(Le sage) pratique le <i>non-agir</i><a href="#ancrage_63-1"><small><sup><span id="lien_63-1"> (1)</span></sup></small></a> il s’occupe de la <i>non-occupation</i>, et savoure ce qui est sans saveur.</p><p>Les choses grandes ou petites, nombreuses ou rares, (sont égales à ses yeux<a href="#ancrage_63-2"><small><sup><span id="lien_63-2"> (2)</span></sup></small></a>).</p><p>Il venge ses injures par des bienfaits<a href="#ancrage_63-3"><small><sup><span id="lien_63-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Il commence par des choses aisées, lorsqu’il en médite de difficiles ; par de petites choses, lorsqu’il en projette de grandes.</p><p>Les choses les plus difficiles du monde ont nécessairementcommencé par être aisées<a href="#ancrage_63-4"><small><sup><span id="lien_63-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Les choses les plus grandes du monde ont nécessairementcommencé par être petites<a href="#ancrage_63-5"><small><sup><span id="lien_63-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>De là vient que, jusqu’à la fin, le Saint<a href="#ancrage_63-6"><small><sup><span id="lien_63-6"> (6)</span></sup></small></a> ne <i>cherche</i> point à faire de grandes choses ; c’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.</p><p>Celui qui promet à la légère tient rarement sa parole<a href="#ancrage_63-7"><small><sup><span id="lien_63-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui trouve beaucoup de choses faciles éprouve nécessairement de nombreuses difficultés.</p><p>De là vient que le Saint trouve tout difficile ; c’est pourquoi, jusqu’au terme de sa vie, il n’éprouve nulles difficultés.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_63-1"><span id="ancrage_63-1">(1)</span></a> E : Une seule expression suffit pour rendre l’idée de « pratiquer le non-agir. » C’est uniquement afin de donner plus de corps à son style que <i>Lao-tseu</i> développe sa pensée en ajoutant les <span class="coquille" title="mois">mots</span> <i>sse-wou-sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">事無事</span>, « faire consister son occupation dans l’absence de toute occupation ; » <i>weï-wou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">味無味</span>, « savourer ce qui est sans saveur (le Tao) », qui se rapportent également à l’idée de <i>non-agir</i>.</p><p>J’ai déjà expliqué précédemment, dit E, que l’expression <i>wou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無爲</span> a le sens de <i>feï-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">非爲</span>, « ne pas agir, » <i>non agere</i>.Pourquoi <i>Lao-tseu</i> dit-il : <i>weï-wou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲無爲</span>, littéralement <i>agere τὸ non agere</i> ? C’est parce que <i>Lao-tseu</i> pense que les hommes des siècles suivants perdront leur pureté naturelle en se livrant avec ardeur <i>à l’action</i>. Là dessus, il tâche de leur inculquer le <i>non-agir</i>. Le mot <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲</span> (<i>vulgo</i> « agir »), qu’il emploie, ne fait qu’exprimer précisément l’idée de « <i>pratiquer ce non-agir</i>. » (Il y a ici une faute dans le texte de E, où il faut lire <i>tching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">正</span>, « précisément, justement, » au lieu de <i>tching</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">政</span> « administration. ») Dès que l’homme « pratique le non-agir, » pourrait-on trouver dans sa conduite un atome (littéralement « un cheveu ») d’<i>activité</i>, c’est-à-dire de cette <i>activité</i> qui, selon <i>Lao-tseu</i>, est la cause de tous les désordres ? Celui qui observe le Tao ne doit certainement pas s’attacher à l’<i>action</i> et oublier le (littéralement « tourner le dos au ») <i>non-agir</i>. En effet, plus le cœur <i>agit</i> et plus il se trouble ; plus un prince <i>agit</i> et plus son royaume est en proie au désordre ; plus la vertu <i>agit</i> et plus elle perd sa pureté ; plus on <i>agit</i> dans le Tao et plus on s’éloigne du Tao. Ainsi les maux que cause l’<i>action</i> ou l’<i>activité</i> éclatent en tous lieux. Mais, si l’on remplace l’activité par le <i>non-agir</i>, alors les principes des choses énumérées plus haut (de l’administration, de la Vertu, du Tao) reviendront chacun à leur état naturel, et on pourra les trouver avec une extrême facilité (littéralement « en restant assis »), <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">可以坐而得之</span>. Le commentateur <i>Yen-kiun-ping</i> disait jadis : C’est comme les dix mille choses (du monde), qui reposent sur le prince ; comme notre esprit, qui réside dans notre corps ; comme l’eau d’un puits, qui se trouve dans la cour d’une maison. L’eau ne doit pas se remuer (littéralement « se livrer à l’action, » <i>yeou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有爲</span>) ; alors elle sera pure ; notre esprit ne doit pas se livrer aux pensées et aux inquiétudes ; alors il sera calme. Voilà des paroles sublimes, ajoute E, mais il faut <span class="coquille" title="connaîre">connaître</span> le Tao pour être en état de les comprendre.</p><br><p><a href="#lien_63-2"><span id="ancrage_63-2">(2)</span></a> J’ai suppléé les mots placés entre parenthèses d’après <i>Sse-ma-wen-kong</i>, qui est d’accord avec la plupart des commentateurs : il regardeles petites choses du même œil que les grandes, les choses rares du même œil que les choses nombreuses. Si on l’attaque, il ne lutte point (E).</p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> : Parmi les hommes du siècle, il n’en est pas un seul qui ne redoute les grandes choses et ne dédaigne les petites ; qui ne regarde les choses nombreuses comme difficiles, les choses rares (c’est-à-dire peu nombreuses) comme aisées. C’est seulement quand les choses sont devenues difficiles qu’ils les projettent, quand elles sont devenues grandes, qu’ils s’en occupent, et ils échouent constamment.Le Saint met au même niveau les choses grandes et petites, nombreuses ou rares ; il les redoute toutes également ; il les trouve toutes également difficiles. Comment pourrait-il ne pas réussir ?</p><br><p><a href="#lien_63-3"><span id="ancrage_63-3">(3)</span></a> B : Le Saint ne connaît ni bienfaits ni injures ; il n’a ni vengeance ni reconnaissance à exercer ; il ne songe qu’à la vertu. Il fait du bien à tous, même à ceux qui lui ont fait du mal. C’est ainsi qu’il venge ses injures par des bienfaits.</p><br><p><a href="#lien_63-4"><span id="ancrage_63-4">(4)</span></a> E : Toute chose difficile ne l’est pas devenue subitement ; elle est née de choses aisées, et, par leur accumulation insensible, elle est devenue difficile. C’est pourquoi celui qui médite des choses difficiles doit commencer par ce qu’elles ont de facile. Ne dédaignezpas de vous occuper des choses aisées, de peur que plus tard vous ne puissiez venir à bout d’une entreprise difficile.</p><br><p><a href="#lien_63-5"><span id="ancrage_63-5">(5)</span></a> E : Les grandes choses ne le sont pas devenues subitement ; elles ont commencé par être petites, et, par un progrès et un accroissement graduels, elles sont devenues grandes. C’est pourquoi celui qui veut faire une grande chose doit commencer par ce qu’elle a de plus petit. Ne dédaignez pas une chose parce qu’elle est exiguë, de peur de ne pouvoir accomplir un jour des œuvres grandes et durables.</p><br><p><a href="#lien_63-6"><span id="ancrage_63-6">(6)</span></a> E : Le Saint ne cherche jamais à faire (tout à coup) de grandeschoses ; il se contente d’accumuler peu à peu de petites choses ; c’est pourquoi il arrive insensiblement à en faire de grandes. </p><br><p><a href="#lien_63-7"><span id="ancrage_63-7">(7)</span></a> E : <i>Lao-tseu</i> cite ce fait pour montrer que celui qui trouve beaucoup de choses faciles rencontre nécessairement beaucoup de difficultés. </p><br>
<b>CHAPITRE LXIV</b><br><br><p><span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">學不學,復衆人之所過,以輔萬物之自然,而不敢為。</span></p><br><p>Ce qui est calme est aisé<a href="#ancrage_64-1"><small><sup><span id="lien_64-1"> (1)</span></sup></small></a> à maintenir ; ce qui n’a pas encore paru est aisé à prévenir ; ce qui est faible<a href="#ancrage_64-2"><small><sup><span id="lien_64-2"> (2)</span></sup></small></a> est aisé à briser ; ce qui est menu est aisé à disperser.</p><p>Arrêtez le mal<a href="#ancrage_64-3"><small><sup><span id="lien_64-3"> (3)</span></sup></small></a> avant qu’il n’existe ; calmez le désordre avant qu’il n’éclate.</p><p>Un arbre d’une grande circonférence est né d’une racine aussi déliée qu’un cheveu<a href="#ancrage_64-4"><small><sup><span id="lien_64-4"> (4)</span></sup></small></a> ; une tour de neuf étages est sortie d’une poignée de terre<a href="#ancrage_64-5"><small><sup><span id="lien_64-5"> (5)</span></sup></small></a> ; un voyage de mille lis a commencé par un pas<a href="#ancrage_64-6"><small><sup><span id="lien_64-6"> (6)</span></sup></small></a> !</p><p>Celui qui agit échoue<a href="#ancrage_64-7"><small><sup><span id="lien_64-7"> (7)</span></sup></small></a> ; celui qui s’attache à une chose la perd.</p><p>De là vient que le Saint n’agit pas, c’est pourquoi il n’échoue point.</p><p>Il ne s’attache à rien, c’est pourquoi il ne perd point.</p><p>Lorsque le peuple fait une chose, il échoue toujours<a href="#ancrage_64-8"><small><sup><span id="lien_64-8"> (8)</span></sup></small></a>au moment de réussir.</p><p>Soyez attentif à la fin comme au commencement, et alors vous n’échouerez jamais.</p><p>De là vient que le Saint<a href="#ancrage_64-9"><small><sup><span id="lien_64-9"> (9)</span></sup></small></a> fait consister ses désirs dans l’absence de tout désir. Il n’estime point les biens<a href="#ancrage_64-10"><small><sup><span id="lien_64-10"> (10)</span></sup></small></a> d’une acquisition difficile.</p><p>Il fait consister son étude<a href="#ancrage_64-11"><small><sup><span id="lien_64-11"> (11)</span></sup></small></a> dans l’absence de toute étude, et se préserve des fautes des autres hommes<a href="#ancrage_64-12"><small><sup><span id="lien_64-12"> (12)</span></sup></small></a>. </p><p>Il n’ose pas agir afin d’aider tous les êtres à suivre leur nature.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_64-1"><span id="ancrage_64-1">(1)</span></a> H : <i>Lao-tseu</i> développe ici la pensée des deux passages du chapitre précédent : <i>thou-nan-iu-i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">圖難於易</span>, « (le sage) médite des choses difficiles en commençant par des choses faciles ; » <i>weï-ta-iu-si</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲大於細</span>, « il fait de grandes choses en commençant par de petites choses. »</p><p><i>Ibid</i>. Les mots <i>ngan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">安</span>, « quietum, » et <i>weï-tchao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">未兆</span> « nondum exiit, apparuit, » désignent l’époque où une seule pensée n’est pas encore née (dans le cœur), où la joie et la colère ne se sont pas encore manifestées (sur le visage), où l’âme est parfaitement calme et exempte de toute émotion.</p><br><p><a href="#lien_64-2"><span id="ancrage_64-2">(2)</span></a> H : Les mots <i>tsouï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">脆</span>, « faible, » et <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">微</span>, « menu, » (se prennent au figuré et) désignent les germes naissants de la première pensée.</p><br><p><a href="#lien_64-3"><span id="ancrage_64-3">(3)</span></a> Toutes les éditions portent <i>weï-tchi-iu-weï-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲之於未有</span>, « faire les choses avant qu’elles n’existent. » Cette idée est évidemment contraire à l’esprit du présent chapitre et à la doctrinede <i>Lao-tseu</i>. Pour faire disparaître cette altération du texte, B, que je suis ici, a écrit, dans son commentaire, <i>fang-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">防之</span>,« arrêtez les choses (avant qu’elles n’existent) » au lieu de « <i>weï-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲之</span>, « faites les, etc. » A confirme cette correction en exprimantla même idée par <i>se</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">塞</span>, « boucher, arrêter. »</p><p>G : Les mots <i>weï-yeou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">未有</span> (littéral. « nondum exstitit ») indiquent l’époque où le cœur n’a pas encore éprouvé d’émotion ; les mots <i>weï-loen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">未亂</span> (littéral. « nondum turbatum est »), l’époque où il n’a pas encore été corrompu.</p><br><p><a href="#lien_64-4"><span id="ancrage_64-4">(4)</span></a> A : De petit il est devenu grand. Cette comparaison montre, dit <i>Liu-kie-fou</i>, que les petites choses sont l’origine des grandes. <i>Chi-sun</i> (dans l’édition A) : Si l’on veut abattre un arbre, il faut nécessairementcommencer par arracher sa racine ; autrement il repoussera.Si l’on veut arrêter l’eau et qu’on ne commence pas par boucher sa source, elle ne manquera pas de couler de nouveau. Si l’on veut étouffer un malheur et qu’on ne l’arrête pas dans son principe,il ne manquera pas d’éclater de nouveau.</p><br><p><a href="#lien_64-5"><span id="ancrage_64-5">(5)</span></a> C : Elle est née d’une cuillerée de terre. A : De basse qu’elle était dans le commencement, elle est parvenue peu à peu à une grande élévation.</p><br><p><a href="#lien_64-6"><span id="ancrage_64-6">(6)</span></a> J’ai suivi C : <i>pi-tseu-i-pou-eul-chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">必自一步而始</span>,mot à mot : « necessario ab uno passu initium duxit. » Les mots du texte <i>chi-iu-tso-hia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">始於足下</span> signifient littéralement : « il a commencé au bas de votre pied. »</p><br><p><a href="#lien_64-7"><span id="ancrage_64-7">(7)</span></a> E : D’après les principes du <i>non-agir</i>, l’action et l’attachement (aux objets extérieurs) sont des choses désordonnées ; c’est pourquoicelui qui <i>agit</i> échoue et ne peut réussir. Celui qui s’attache (aux objets extérieurs) les perd et ne peut les posséder. En conséquencele sage pratique le <i>non-agir</i> ; aussi reste-t-il étranger aux succès comme aux échecs. Il laisse (les objets extérieurs) et ne s’y attache pas ; aussi reste-t-il étranger à leur possession comme à leur perte.</p><br><p><a href="#lien_64-8"><span id="ancrage_64-8">(8)</span></a> E : Le mot <i>ki</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">幾</span> veut dire « être près de. » Lorsque les hommes vulgaires voient qu’une chose est sur le point de réussir (littéralement « de s’accomplir »), ils se laissent aller à la négligence et à la légèreté ; alors elle {cette affaire) change de face, et ils échouent complètement. Soyez donc sur vos gardes à la fin de vos entreprises comme on l’est au commencement ; alors vous pourrez les conduire à leur parfait accomplissement et vous n’échouerez jamais. </p><br><p><a href="#lien_64-9"><span id="ancrage_64-9">(9)</span></a> J’ai suivi E : <i>wou-yo-i-weï-yo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無欲以爲欲</span>. C’est aussi le sens de <i>Li-si-tchaï</i> et de plusieurs commentateurs estimés.E : La multitude désire des choses qui lui sont inutiles et use ses esprits à les chercher, tandis qu’elle méprise ce qu’il y a de précieux en elle (c’est-à-dire la pureté de sa nature) : c’est le comble de l’aveuglement ! Le Saint ne prise pas les choses extérieures ; il attache uniquement du prix à l’absence de tout désir.</p><p><i>Aliter</i> A : Le Saint désire ce que les hommes (vulgaires) ne désirentpas. Ils se plaisent à briller, et il aime à cacher l’éclat de sa vertu ; ils aiment l’élégance et le luxe, et il aime la simplicité ; ils n’aspirent qu’après la volupté, et il n’aspire qu’après la vertu.</p><br><p><a href="#lien_64-10"><span id="ancrage_64-10">(10)</span></a> <i>Li-si-tchaï</i> : Cette expression ne s’applique pas seulement à l’or et aux pierres précieuses ; elle désigne en général toutes les choses qui sont en dehors de nous.</p><br><p><a href="#lien_64-11"><span id="ancrage_64-11">(11)</span></a> J’ai suivi E : <i>wou-hio-i-weï-hio</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無學以爲學</span>.</p><p><i>Aliter</i> A : Le Saint étudie ce que les hommes vulgaires ne peuvent étudier. Ils étudient la prudence et la ruse, il étudie sa nature ; ils apprennent à gouverner le royaume, il apprend à gouverner sa personne et à conserver la pureté du Tao.</p><br><p><a href="#lien_64-12"><span id="ancrage_64-12">(12)</span></a> E : Le mot <i>fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">復</span> a ici le sens de <i>fan</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">反</span>, « être opposé à. » <i>Tchong-jin-tchi-so-kouo</i>, <i>tse-fan-tchi-eul-pou-weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">衆人之所過。則反之而不爲</span>, littéralement : « Ce en quoi pèche la multitude, il y est opposé et ne le fait pas. » <i>Ibid</i>. Tous les êtres ont chacun leur nature. Les hommes de la multitude ne suivent pas la pureté de leur nature ; ils l’altèrent en se livrant à une activité désordonnée. Ils abandonnent la candeur et la simplicité,pour rechercher la prudence et l’astuce ; ils laissent ce qui est facile et simple, pour courir après les choses ardues et compliquées. C’est en cela qu’ils pèchent. Le Saint s’applique à faire le contraire. </p><p><i>Aliter</i> A. Cet interprète rend <i>fo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">復</span> par « faire revenir, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;"></span> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">使反</span>. Dans les études auxquelles ils se livrent, les hommes de la multitude prennent l’accessoire pour le principal (littéralement : « l’extrémité des branches pour la racine ») et la fleur pour le fruit. Le Saint les fait revenir à la racine (au Tao) <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">使之反本</span>. </p><br>
<b>CHAPITRE LXV</b><br><br><p>Dans l’antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao ne l’employaient point à éclairer le peuple ; ils l’employaientà le rendre simple et ignorant<a href="#ancrage_65-1"><small><sup><span id="lien_65-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Le peuple est difficile à gouverner parce qu’il a trop de prudence<a href="#ancrage_65-2"><small><sup><span id="lien_65-2"> (2)</span></sup></small></a> ;</p><p>Celui qui se sert de la prudence pour gouverner le royaume, est le fléau du royaume<a href="#ancrage_65-3"><small><sup><span id="lien_65-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui ne se sert pas de la prudence pour gouverner le royaume, fait le bonheur du royaume<a href="#ancrage_65-4"><small><sup><span id="lien_65-4"> (4)</span></sup></small></a>. </p><p>Lorsqu’on connaît ces deux choses<a href="#ancrage_65-5"><small><sup><span id="lien_65-5"> (5)</span></sup></small></a>, on est le modèle (de l’empire).</p><p>Savoir être<a href="#ancrage_65-6"><small><sup><span id="lien_65-6"> (6)</span></sup></small></a> le modèle (de l’empire), c’est être doué d’une vertu céleste<a href="#ancrage_65-7"><small><sup><span id="lien_65-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Cette vertu céleste est profonde, immense<a href="#ancrage_65-8"><small><sup><span id="lien_65-8"> (8)</span></sup></small></a>, opposée aux créatures<a href="#ancrage_65-9"><small><sup><span id="lien_65-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><p>Par elle on parvient à procurer une paix générale<a href="#ancrage_65-10"><small><sup><span id="lien_65-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_65-1"><span id="ancrage_65-1">(1)</span></a> Dans ce chapitre, les mots <i>lumières</i>, <i>prudence</i>, se prennent en mauvaise part, et les mots <i>simplicité</i>, <i>ignorance</i>, en bonne part. E : La prudence et la perspicacité sont la source de l’hypocrisie et de la froideur (des sentiments). Dans l’antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao ne l’employaient pas (sic <i>Sou-tseu-yeou</i>) à éclairer le peuple, à développer sa prudence et sa perspicacité. Ils l’employaientau contraire à le rendre simple et borné, afin (A) qu’il ne se livrât point à la ruse et à la fraude.</p><br><p><a href="#lien_65-2"><span id="ancrage_65-2">(2)</span></a> E : Lorsque le peuple n’a pas encore perdu son naturel simple et candide, il est aisé de l’instruire et de le convertir ; lorsque la sincérité de ses sentiments n’est pas encore altérée, il est aisé de le faire obéir aux défenses et aux lois. Mais dès qu’il a acquis beaucoupde prudence, sa pureté et sa simplicité s’évanouissent tandis que la ruse et l’hypocrisie croissent en lui de jour en jour. Si l’on veut lui enseigner le Tao et lui faire adopter une conduite droite et régulière, on éprouvera d’immenses difficultés. C’est uniquement pour cela que les sages de l’antiquité s’étudiaient à rendre le peuple simple et ignorant, au lieu de lui donner des lumières.</p><br><p><a href="#lien_65-3"><span id="ancrage_65-3">(3)</span></a> E : Si le prince emploie la prudence pour gouverner le royaume, le peuple sera influencé par son exemple ; il cherchera à devenir prudent, et se livrera à la fausseté et à la fourberie. De cette manière, le prince aura fait le malheur du royaume.</p><p><a href="#lien_65-4"><span id="ancrage_65-4">(4)</span></a> E : Si le prince n’emploie pas la prudence pour gouverner le royaume, le peuple sera influencé par son exemple et cherchera à devenir simple et pur. La simplicité, l’honnêteté du peuple, feront le bonheur du royaume.</p><p>Le peuple est difficile à gouverner, dit <i>Wang-fou-sse</i>, parce qu’il a trop de sagacité ; il faut le rendre ignorant et exempt de désirs. Mais si l’on mène le peuple à l’aide de la prudence et de la ruse, une fois que ses mauvaises dispositions auront été éveillées, il faudra encore employer l’habileté, l’artifice, pour comprimer l’hypocrisie du peuple. Le peuple s’apercevra des obstacles qu’on lui oppose et saura s’y soustraire aussitôt. Il ne songera qu’à former des stratagèmessecrets, et alors la fausseté et l’hypocrisie s’accroîtront de jour en jour. C’est pour cela que <i>Lao-tseu</i> dit : Celui qui gouverne le royaume par la prudence est le fléau du royaume.</p><br><p><a href="#lien_65-5"><span id="ancrage_65-5">(5)</span></a> A : L’expression <i>thseu-liang-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">此兩者</span>, « ces deux choses, » désigne ici la prudence et l’absence de la prudence. Il faut savoir que la prudence est un fléau, et que l’absence ou le <i>non-emploi</i>de la prudence peut devenir une source de bonheur.</p><p>E : Quand les hommes vulgaires parlent de l’administration du royaume, ils s’imaginent qu’il est bien gouverné lorsque le prince fait usage de la prudence, et que, faute de prudence, il tombe dans le désordre. Raisonner ainsi, ce n’est pas savoir choisir la véritable science et être incapable de bien gouverner les hommes. C’est pourquoicelui qui peut connaître les avantages et les inconvénients de ces deux choses (c’est-à-dire les avantages du <i>non-emploi</i> de la prudenceet les inconvénients de son emploi) est capable de devenir le modèle de l’empire.</p><br><p><a href="#lien_65-6"><span id="ancrage_65-6">(6)</span></a> Littéral. « connaître constamment le modèle, » c’est-à-dire ce qui fait qu’on est le modèle (de l’empire). E : Les hommes vulgaires n’estiment que l’emploi de la prudence pour bien gouverner, mais le Saint n’estime au contraire que le <i>non-emploi</i> de la prudence pour bien gouverner. C’est ce qui fait dire à <i>Lao-tseu</i> que la <i>vertu céleste</i>est profonde, immense et opposée aux créatures, c’est-à-dire qu’elle recherche le contraire de ce qui plaît aux créatures.</p><br><p><a href="#lien_65-7"><span id="ancrage_65-7">(7)</span></a> A : L’expression <i>hiouen-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄德</span> veut dire « vertu céleste. » <i>Aliter</i> H : L’expression <i>hiouen-te</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">玄德</span> signifie une vertu tellement subtile, que les hommes ne peuvent la comprendre.</p><br><p><a href="#lien_65-8"><span id="ancrage_65-8">(8)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Le mot <i>youen</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">遠</span> (<i>vulgo</i> « éloigné ») veut dire <i>pou-kho-liang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不可量</span>, « incommensurable. »</p><br><p><a href="#lien_65-9"><span id="ancrage_65-9">(9)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Ce que j’estime, c’est la vertu ; ce que les hommes estiment, c’est la prudence. La vertu et la prudence sont opposées l’une à l’autre ; la <i>soumission</i> (cet interprète conserve à <i>chun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">順</span> sa signification usuelle) qu’on obtient en gouvernant par la prudence, est médiocre et bornée ; la soumission qu’on obtient par la vertu, est universelle.</p><br><p><a href="#lien_65-10"><span id="ancrage_65-10">(10)</span></a> E : Toutes les fois que l’empire est en proie à de grands désordres, il faut en accuser l’amour de la prudence. Mais dès qu’un prince ne fait pas usage de la prudence, il parvient à procurer une paix générale.</p><p>Ibidem : Le mot <i>chun</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">順</span> (<i>vulgo</i> « obéir, obéissance, soumission) » a ici le sens de <i>tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">治</span>, « l’état de ce qui est bien gouverné, la paix. »</p><p>Les mots <i>jen-heou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">然後</span>, « ensuite, » signifient « après qu’on a acquis cette vertu. » </p><br>
<b>CHAPITRE LXVI</b><br><br><p>Pourquoi les fleuves et les mers peuvent-ils être les rois<a href="#ancrage_66-1"><small><sup><span id="lien_66-1"> (1)</span></sup></small></a> de toutes les eaux ?</p><p>Parce qu’ils savent se tenir au-dessous d’elles. </p><p>C’est pour cela qu’ils peuvent être les rois de toutes les eaux.</p><p>Aussi lorsque le Saint désire d’être au-dessus du peuple, il faut que, par ses paroles<a href="#ancrage_66-2"><small><sup><span id="lien_66-2"> (2)</span></sup></small></a>, il se mette au-dessous de lui. </p><p>Lorsqu’il désire d’être placé en avant du peuple, il faut que, de sa personne, il se mette après lui.</p><p>De là vient que le Saint est placé au-dessus de tous et il n’est point à charge au peuple<a href="#ancrage_66-3"><small><sup><span id="lien_66-3"> (3)</span></sup></small></a> ; il est placé en avant de tous et le peuple n’en souffre pas<a href="#ancrage_66-4"><small><sup><span id="lien_66-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Aussi tout l’empire aime à le servir<a href="#ancrage_66-5"><small><sup><span id="lien_66-5"> (5)</span></sup></small></a> et ne s’en lasse point<a href="#ancrage_66-6"><small><sup><span id="lien_66-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Comme il ne dispute pas (le premier rang), il n’y apersonne dans l’empire qui puisse le lui disputer<a href="#ancrage_66-7"><small><sup><span id="lien_66-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_66-1"><span id="ancrage_66-1">(1)</span></a> H : Dans ce chapitre, <i>Lao-tseu</i> apprend aux rois à s’oublier eux-mêmes (littér. « il leur enseigne la vertu qui consiste à ne pas « avoir <i>le moi</i>, en allemand <i>das Ich</i> »).</p><p>E : On définit ainsi le mot <i>wang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">王</span>, « roi : » c’est celui vers lequel tout l’empire va (<i>wang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">往</span>) pour se soumettre à lui. (Il y a ici une espèce de jeu de mots.) Les ruisseaux de tout l’univers se rendent dans les fleuves et les mers, comme pour se soumettre à eux ; c’est pourquoi les fleuves et les mers sont les rois de tous les courants. Comment obtiennent-ils cela (c’est-à-dire que les courantsse rendent dans leur sein) ? C’est uniquement parce qu’ils sont situés au-dessous de tous les courants. Cf. chap. <span class="sc">lxi</span>.</p><br><p><a href="#lien_66-2"><span id="ancrage_66-2">(2)</span></a> A : Le roi doit s’abaisser comme les fleuves et les mers.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Lorsque le roi s’appelle lui-même <i>orphelin</i>, <i>médiocre</i>, <i>dénué de vertu</i>, on voit que par ses paroles il se met au-dessous du peuple.</p><p><i>Ou-yeou-thsing</i> : Le Saint est d’une modestie, d’une humilité si éminentes, qu’il se voit placé au-dessus et en avant des hommes sans l’avoir désiré (et comme à son insu). Le lecteur, dit <i>Ou-yeou-thsing</i>(doit aller au devant du sens) ; il ne doit pas, suivant l’expression de <i>Meng-tseu</i>, dénaturer la pensée de l’auteur en s’attachant servilement à la lettre.</p><br><p><a href="#lien_66-3"><span id="ancrage_66-3">(3)</span></a> E : Les hommes aiment naturellement à empiéter sur les droits de leurs supérieurs ; mais, comme le Saint peut s’abaisser au-dessous des hommes et se placer après eux, quoiqu’il soit élevé au-dessus d’eux, ils le portent (<i>sic</i>) avec joie et ne le trouvent pas lourd. (<i>Liu-kie-fou</i> : Ils le trouvent léger ; <i>Li-si-tchaï</i> : Ils ne s’aperçoivent pas qu’ils ont un roi.)</p><br><p><a href="#lien_66-4"><span id="ancrage_66-4">(4)</span></a> H : <i>Pou-i-weï-haï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不以爲害</span>, « il (le peuple) n’en éprouve pas de dommage. » <i>Liu-kie-fou</i>, même sens : <i>i-tsong-tchi-weï-li</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以從之爲利</span>, il trouve qu’il est avantageux de le suivre et « de lui obéir. »</p><p><i>Aliter</i> E : Quoiqu’il soit placé en avant des hommes, ceux-ci se réjouissent de le suivre et n’ont nulle intention de lui nuire, <i>eul-wou-chang-haï-tchi-sin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">而無傷害之心</span>.</p><br><p><a href="#lien_66-5"><span id="ancrage_66-5">(5)</span></a> B explique <i>tchouï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">推</span> par <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">事</span>, « servir, » et E par <i>jang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">讓</span>, « céder le pas à, obéir à, » même sens. A le rend par <i>thsin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">進</span>, « pousser en avant. » Ils aiment à le mettre en avant, à le présenter pour qu’il devienne leur maître.</p><br><p><a href="#lien_66-6"><span id="ancrage_66-6">(6)</span></a> E : S’il était élevé au-dessus des hommes et qu’il leur fût à charge ; s’il était placé en avant des hommes et qu’ils lui fissent du mal (H : et qu’ils en souffrissent), alors, quoiqu’ils lui obéissent, ils ne s’en réjouiraient pas ; s’ils s’en réjouissaient, ils ne manqueraient pas de s’en lasser. Mais, comme il ne leur est point à charge, et qu’ils ne veulent pas lui faire du mal (cf. H, E, note 4), ils aiment à le servir, et jusqu’à la fin de leur vie ils ne se lassent point de lui.</p><br><p><a href="#lien_66-7"><span id="ancrage_66-7">(7)</span></a> E : Les mots <i>hia-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">下人</span>, « il s’abaisse au-dessous des « hommes, » <i>heou-jin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">後人</span>, « il se met après les hommes, » renferment implicitement l’ide<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup> de <i>pou-tseng</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不爭</span>, « non contendit. » C’est pourquoi tout l’empire aime à le servir et ne s’en lasse pas. On voit par là que, dans tout l’empire, personne ne peut lutter avec lui. </p><br>
<b>CHAPITRE LXVII</b><br><br><p>Dans le monde tous me disent éminent<a href="#ancrage_67-1"><small><sup><span id="lien_67-1"> (1)</span></sup></small></a>, mais je ressemble à un homme borné. C’est uniquement parce que je suis éminent, que jeressemble à un homme borné.</p><p>Quant à (ceux qu’on appelle) éclairés, il y a longtemps que leur médiocrité est connue<a href="#ancrage_67-2"><small><sup><span id="lien_67-2"> (2)</span></sup></small></a> !</p><p>Je possède trois choses précieuses : je les tiens et les conserve comme un trésor.</p><p>La première s’appelle l’<i>affection</i> ; la seconde s’appelle l’<i>économie</i> ; la troisième s’appelle l’<i>humilité</i>, qui m’empêche de vouloir être le premier de l’empire.</p><p>J’ai de l’<i>affection</i><a href="#ancrage_67-3"><small><sup><span id="lien_67-3"> (3)</span></sup></small></a>, c’est pourquoi je puis être courageux.</p><p>J’ai de l’<i>économie</i><a href="#ancrage_67-4"><small><sup><span id="lien_67-4"> (4)</span></sup></small></a>, c’est pourquoi je puis faire de grandes dépenses.</p><p>Je n’ose être le premier<a href="#ancrage_67-5"><small><sup><span id="lien_67-5"> (5)</span></sup></small></a> de l’empire, c’est pourquoi je puis devenir le chef de tous les hommes<a href="#ancrage_67-6"><small><sup><span id="lien_67-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Mais aujourd’hui<a href="#ancrage_67-7"><small><sup><span id="lien_67-7"> (7)</span></sup></small></a> on laisse l’affection pour s’abandonner au courage ; on laisse l’économie pour se livrer à de grandes dépenses ; on laisse le dernier rang pour rechercher le premier :</p><p>Voilà ce qui conduit à la mort<a href="#ancrage_67-8"><small><sup><span id="lien_67-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>Si l’on combat avec un cœur rempli d’affection, on remporte la victoire<a href="#ancrage_67-9"><small><sup><span id="lien_67-9"> (9)</span></sup></small></a> ; si l’on défend (une ville), elle est inexpugnable.</p><p>Quand le ciel veut sauver un homme, il lui donne l’affection pour le protéger<a href="#ancrage_67-10"><small><sup><span id="lien_67-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_67-1"><span id="ancrage_67-1">(1)</span></a> Littéralement : « disent que ma voie est grande. » B : Le Saint applique son cœur et sa volonté à une seule chose (au Tao). Il ne connaît rien, il ne sait rien. Il paraît stupide et ressemble à un homme bègue. Il est tellement simple, qu’on le prendrait pour un homme commun et hébété. Il cache l’éclat de sa sagesse, se dépouillede la prudence et pratique le Tao.</p><p>J’ai suivi A, qui rend les mots <i>pou-siao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不肖</span> par « stupide, privé de discernement, » et qui, plus bas, explique le mot <i>siao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">肖</span> par « intelligent, perspicace, éclairé. »</p><p>Quelques commentateurs, comme E, qui suit <i>Sou-tseu-yeou</i>, expliquentles mots <i>pou-siao</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不肖</span> par « non-semblable, » c’est-à-diredifférent des êtres, des créatures. E : Ils (les hommes) louent sa grandeur et s’affligent de ce qu’il ne ressemble pas (aux créatures).Ils ignorent que si le Saint est grand, c’est parce qu’il ne ressemble pas aux créatures. S’il leur ressemblait, comment serait-il digne d’être appelé grand ?</p><br><p><a href="#lien_67-2"><span id="ancrage_67-2">(2)</span></a> <i>Sic</i> B : Quant à ceux que le siècle appelle éclairés. D : Les mots <i>kieou-i-khi-si</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">久矣其細</span> doivent être construits ainsi : <i>khi-si-i-khieou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">其細久矣</span>.</p><br><p><a href="#lien_67-3"><span id="ancrage_67-3">(3)</span></a> E : C’est comme lorsqu’on dit : l’homme doué d’humanité ne rencontre pas d’ennemis. B : Dans l’empire, personne ne me résiste ; c’est pourquoi je semble doué de courage.</p><br><p><a href="#lien_67-4"><span id="ancrage_67-4">(4)</span></a> E : Celui qui économise a du superflu.</p><br><p><a href="#lien_67-5"><span id="ancrage_67-5">(5)</span></a> E : Il se place après la multitude des hommes.</p><br><p><a href="#lien_67-6"><span id="ancrage_67-6">(6)</span></a> E : Tout l’empire le pousse en avant et le place au premier rang.</p><p>H : Le mot <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">器</span> (<i>vulgo</i> « vase ») est souvent un « nom général pour désigner les hommes et les créatures, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人物之通稱</span>.</p><p>E a divisé en deux parties les trois mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">成器長</span>, « C’est pourquoi il <i>arrive à la perfection</i> (<i>tch’ing-khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">成器</span> a ce sens dans les livres classiques), et devient le chef de l’empire, » <i>weï-thien-hia-tchi-tch’ang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲天下之長</span>.</p><br><p><a href="#lien_67-7"><span id="ancrage_67-7">(7)</span></a> E : Le mot <i>kin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">今</span>, « maintenant, » désigne les hommes contemporains de <i>Lao-tseu</i>.</p><br><p><a href="#lien_67-8"><span id="ancrage_67-8">(8)</span></a> B : Ils deviennent <i>violents et inflexibles</i>. Les hommes <i>violents</i> et <i>inflexibles</i> (dit <i>Lao-tseu</i>, chap. <span class="sc">xlii</span>) ne meurent point de leur mort naturelle.</p><br><p><a href="#lien_67-9"><span id="ancrage_67-9">(9)</span></a> A : Les peuples s’attachent à un prince affectueux et humain, ils s’associent à lui de cœur et d’âme. S’il livre une bataille, personne (B) ne peut lui résister ; s’il défend une ville, personne ne peut l’attaquer avec succès ; elle est inexpugnable. Ce passage montre(E) que celui qui est affectueux et humain est soutenu et protégé par les autres hommes.</p><br><p><a href="#lien_67-10"><span id="ancrage_67-10">(10)</span></a> E : L’affection est la principale (littéral. « la tête ») des trois choses précieuses dont parle <i>Lao-tseu</i>. C’est pourquoi il la cite à plusieurs reprises. Celui qui est doué d’affection ne fait pas de mal aux créatures ; il protége<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup> tendrement le peuple, et le peuple le chérit comme un père et une mère ; sa vertu peut toucher le ciel. Lorsque le ciel veut le délivrer du danger, il le protège par l’<i>affection</i>. Il ne permet pas que les ennemis lui fassent du mal. Les mots « il le protége<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup> par l’affection » montrent que l’homme <i>doué d’affection</i>pour les créatures est protégé par le ciel.</p><p>Suivant <i>Sou-tseu-yeou</i>, les mots « il le protége<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup> par l’affection » montrent que, le Saint étant affectueux et humain pour les créatures, celles-ci lui donnent l’aide et l’appui dont il peut avoir besoin, comme si l’on disait : Le ciel lui donne des sentiments humainset affectueux qui lui procurent l’appui et la protection de tout l’empire. </p><br>
<b>CHAPITRE LXVIII</b><br><br><p>Celui qui excelle à commander<a href="#ancrage_68-1"><small><sup><span id="lien_68-1"> (1)</span></sup></small></a> une armée, n’a pas une ardeur belliqueuse<a href="#ancrage_68-2"><small><sup><span id="lien_68-2"> (22)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui excelle à combattre<a href="#ancrage_68-3"><small><sup><span id="lien_68-3"> (3)</span></sup></small></a> ne se laisse pas aller à la colère.</p><p>Celui qui excelle à vaincre ne lutte pas<a href="#ancrage_68-4"><small><sup><span id="lien_68-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui excelle à employer les hommes se met au-dessous d’eux<a href="#ancrage_68-5"><small><sup><span id="lien_68-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est là ce qu’on appelle posséder la vertu<a href="#ancrage_68-6"><small><sup><span id="lien_68-6"> (6)</span></sup></small></a> qui consiste à ne point lutter.</p><p>C’est ce qu’on appelle savoir se servir des forces des hommes<a href="#ancrage_68-7"><small><sup><span id="lien_68-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est ce qu’on appelle<a href="#ancrage_68-8"><small><sup><span id="lien_68-8"> (8)</span></sup></small></a> s’unir au ciel.</p><p>Telle était la science sublime des anciens. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_68-1"><span id="ancrage_68-1">(1)</span></a> D : Le mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">士</span> (<i>vulgo</i> lettré) signifie ici « un commandant, <i>militum dux</i>. » </p><p><i>Aliter</i> E, d’après <i>Ou-yeou-thsing</i> : Dans l’antiquité, le mot <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">士</span> désignait ceux qui combattaient montés sur des chars.</p><p><i>Tsiao-hong</i> : Les guerriers sont les hommes qui luttent avec le plus d’acharnement. <i>Lao-tseu</i> les cite ici dans un sens figuré, pour montrer que l’homme qui cultive le Tao ne doit point lutter, c’est-à-dire qu’il doit céder humblement aux autres. — Dans les trois premiers membres de phrase, <i>Lao-tseu</i> cite des guerriers qui ne combattentque par nécessité, et qui ont soin de ne pas s’écarter du Tao.</p><br><p><a href="#lien_68-2"><span id="ancrage_68-2">(2)</span></a> C : Celui qui excelle à être <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">士</span> (E d’après l’interprète <i>Ou-yeou-thsing</i> : soldat qui combat sur un char), ou commandant (suivant D), estime la vertu et n’estime pas le courage belliqueux.</p><br><p><a href="#lien_68-3"><span id="ancrage_68-3">(3)</span></a> E : Celui qui excelle à combattre met au premier rang le calme et la tranquillité d’âme ; il ne s’abandonne pas à la colère. <i>Lao-tseu</i> emploie ces deux comparaisons pour servir de transition à ce qui suit.</p><br><p><a href="#lien_68-4"><span id="ancrage_68-4">(4)</span></a> E : (Le roi) qui excelle à vaincre l’ennemi cultive le Tao dans le temple des ancêtres et dans la salle du palais, et alors les ennemis se soumettent d’eux-mêmes. Quant à ceux qui lèvent des troupes, qui mettent le peuple en mouvement, qui déploient, en combattant,toutes les ressources de leur prudence et peuvent à peine les subjuguer, ce sont des guerriers du dernier ordre. </p><br><p><a href="#lien_68-5"><span id="ancrage_68-5">(5)</span></a> E : Celui qui emploie les hommes et ne se met pas au-dessous d’eux, ne peut faire usage de leurs forces. Quant à celui qui sait employerles hommes, dès qu’il s’est mis au-dessous d’eux, tout l’empire est rempli de joie et aime à se mettre à son service.</p><p>B : Il se dépouille des sentiments d’orgueil qui agrandissent l’homme à ses propres yeux , il se montre humble et modeste, et alors tous les hommes aiment à lui obéir et à être employés par lui.</p><br><p><a href="#lien_68-6"><span id="ancrage_68-6">(6)</span></a> E : Ceci répond au passage précédent : « Celui qui excelle à vaincre l’ennemi. »</p><br><p><a href="#lien_68-7"><span id="ancrage_68-7">(7)</span></a> E : Ceci répond au passage précédent : « Celui qui excelle à employer les hommes. »</p><p><i>Ibidem</i> : L’homme dont la vertu consiste à ne point lutter ne fait pas usage d’armes ni de chars de guerre, et l’empire se soumet à lui.</p><p>Celui qui sait employer les forces des hommes ne se fatigue pas à montrer des lumières et de la pénétration, et tout l’empire est bien gouverné.</p><br><p><a href="#lien_68-8"><span id="ancrage_68-8">(8)</span></a> E : Par sa vertu, le Saint s’unit au ciel. C’était là la voie sublime de la haute antiquité. </p><br>
<b>CHAPITRE LXIX</b><br><br><p>Voici<a href="#ancrage_69-1"><small><sup><span id="lien_69-1"> (1)</span></sup></small></a> ce que disait un ancien guerrier :</p><p>Je n’ose<a href="#ancrage_69-2"><small><sup><span id="lien_69-2"> (2)</span></sup></small></a> donner le signal, j’aime mieux le recevoir. </p><p>Je n’ose avancer<a href="#ancrage_69-3"><small><sup><span id="lien_69-3"> (3)</span></sup></small></a> d’un pouce, j’aime mieux reculer d’un pied. </p><p>C’est ce qui s’appelle n’avoir pas<a href="#ancrage_69-4"><small><sup><span id="lien_69-4"> (4)</span></sup></small></a> de rang à suivre, de bras à étendre, d’ennemis à poursuivre, ni d’arme à saisir.</p><p>Il n’y a pas de plus grand malheur que de résister à la légère.</p><p>Résister à la légère, c’est presque perdre notre trésor<a href="#ancrage_69-5"><small><sup><span id="lien_69-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Aussi, lorsque<a href="#ancrage_69-6"><small><sup><span id="lien_69-6"> (6)</span></sup></small></a> deux armées combattent à armes égales, c’est l’homme le plus compatissant qui remporte la victoire.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_69-1"><span id="ancrage_69-1">(1)</span></a> E pense avec plusieurs commentateurs que les mots <i>yeou-p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有兵</span> désignent « un écrivain appartenant à l’école appelée <i>P’ing-kia</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兵家</span>, à l’école militaire », c’est-à-dire la classe des auteurs qui ont écrit sur l’art militaire, et qui ont été, pour la plupart,des guerriers célèbres.</p><br><p><a href="#lien_69-2"><span id="ancrage_69-2">(2)</span></a> Littéralement : « Je n’ose être l’hôte qui reçoit (en anglais : <i>host</i>), mais je suis l’hôte qui est reçu (en anglais :<i>guest</i>) ». Dans la société (chinoise) le premier donne l’exemple de monter, de descendre,de se lever, de s’asseoir, etc. le second se conforme à son exemple et l’imite ponctuellement.</p><p>E : Ici le mot <i>tchou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">主</span> (<i>vulgo</i> « maître de la maison, hôte qui reçoit ») désigne « celui qui commence l’attaque » ; le mot <i>khe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">客</span>(<i>vulgo</i> « l’hôte qui est reçu ») « celui qui répond à l’attaque de son ennemi. »</p><p>Suivant <i>Lin-hi-i</i>, tout ce chapitre a un sens figuré. Il est destiné à montrer quelle doit être la conduite humble et réservée des hommes qui pratiquent le Tao.</p><br><p><a href="#lien_69-3"><span id="ancrage_69-3">(3)</span></a> E : Il s’avance difficilement et se retire aisément, c’est-à-dire avec empressement. Il ne provoque point l’ennemi, seulement il répond à son attaque ; et, quoiqu’il réponde à son attaque, il ne désirepoint en venir aux mains avec lui. Il aime mieux fuir au loin pour éviter l’ennemi que de le chercher pour lutter corps à corps.</p><br><p><a href="#lien_69-4"><span id="ancrage_69-4">(4)</span></a> C’est-à-dire être comme si l’on n’avait pas, etc. E : L’expression <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無行</span> (prononcez : <i>wou-hang</i>) veut dire « ne pas avoir de rang à suivre. Le mot <i>jing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">仍</span> signifie « aller trouver » (<i>adire</i>).</p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> ; Celui qui va en avant, a l’intention de combattre ; celui qui se retire, ne songe pas à combattre. Si un homme songe à ne pas combattre, quoiqu’il marche parmi les soldats, il est comme s’il n’était pas dans les rangs ; quoiqu’il ait des bras, il est comme s’il n’en avait pas à étendre ; quoiqu’il ait une arme, il est comme s’il n’en avait pas à saisir ; quoiqu’il ait des ennemis devant lui, il est comme s’il n’en avait pas à poursuivre.</p><p>E : <i>Lao-tseu</i> veut dire que si un guerrier peut agir ainsi, quoiqu’il combatte, il sera comme s’il ne combattait pas ; mot à mot, en latin : « Si ille qui armis utitur, revera hoc modo (<i>agere</i>) possit, quamvis utatur armis, (<i>erit</i>) quasi non uteretur (<i>armis</i>).</p><br><p><a href="#lien_69-5"><span id="ancrage_69-5">(5)</span></a> E : Le mot <i>ngaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">哀</span> veut dire ici <i>thse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">慈</span> « affection (pour les hommes). » Le Saint, dit <i>Sou-tseu-yeou</i>, regarde l’<i>affection</i> (pour les hommes) comme un trésor. Si l’on combat à la légère, c’est qu’on aime à combattre. Aimer à combattre, c’est se plaire à tuer les hommes. Par là, nous perdons presque les sentiments d’<i>affection</i>, d’<i>humanité</i> que nous devrions conserver comme un trésor.</p><br><p><a href="#lien_69-6"><span id="ancrage_69-6">(6)</span></a> H : L’expression <i>hang-ping</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">抗兵</span> désigne « deux armées d’égale force, dont l’une ne l’emporte pas sur l’autre, de manière que la victoire reste indécise. »</p><p>E : J’éprouve un sentiment de compassion qui m’empêche de tuer les hommes. Dès que ce sentiment de compassion s’est manifesté, le ciel et les hommes me prêtent leur secours ; quand je voudrais ne pas vaincre, je ne pourrais faire autrement. </p><br>
<b>CHAPITRE LXX</b><br><br><p>Mes paroles sont très-faciles à comprendre, très-faciles à pratiquer.</p><p>Dans le monde personne ne peut les comprendre, personne ne peut les pratiquer<a href="#ancrage_70-1"><small><sup><span id="lien_70-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Mes paroles ont une origine, mes actions ont une règle<a href="#ancrage_70-2"><small><sup><span id="lien_70-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Les hommes ne les<a href="#ancrage_70-3"><small><sup><span id="lien_70-3"> (3)</span></sup></small></a> comprennent pas, c’est pour cela qu’ils m’ignorent.</p><p>Ceux qui me comprennent<a href="#ancrage_70-4"><small><sup><span id="lien_70-4"> (4)</span></sup></small></a> sont bien rares. Je n’en suis que plus estimé.</p><p>De là vient que le Saint se revêt d’habits grossiers<a href="#ancrage_70-5"><small><sup><span id="lien_70-5"> (5)</span></sup></small></a> et cache des pierres précieuses dans son sein. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_70-1"><span id="ancrage_70-1">(1)</span></a> E : Toutes les paroles de <i>Lao-tseu</i> sont certainement faciles à comprendre, faciles à pratiquer. Si, dans l’empire (ou dans le monde), personne ne peut les comprendre ni les pratiquer, c’est que personne n’a une idée nette du Tao et de la Vertu.</p><br><p><a href="#lien_70-2"><span id="ancrage_70-2">(2)</span></a> E : Les mots <i>tsong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">宗</span> « origine » (A : littér. <i>aïeul</i>), et <i>kian</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">君</span> « règle » (<i>vulgo</i> « prince »), se rapportent au Tao et à la Vertu. Il n’y a pas une parole de <i>Lao-tseu</i> qui n’ait un fondement solide. En effet, elles ont pour origine et pour base le Tao et la Vertu. Par eux (par le Tao et la Vertu) le Saint dirige toutes les affaires de l’empire, par eux il distingue clairement les succès et les échecs, ce qui est digne d’approbation ou de blâme ; par eux, il met en lumière les présages certains du malheur ou du bonheur, de la victoire ou de la défaite. Ainsi le Tao est l’origine de ses paroles, la Vertu est la règle (littéralement « le prince, c’est-à-dire le régulateur ») de ses actions.</p><br><p><a href="#lien_70-3"><span id="ancrage_70-3">(3)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Ils ne connaissent ni le Tao, qui est l’origine de mes paroles, ni la vertu, qui est la règle de mes actions.</p><p>E : Il est nécessaire que les hommes connaissent le Tao et la Vertu ; ensuite ils connaîtront la source et la nature de mes paroles, et peut-être pourront-ils les pratiquer. Mais, comme ils ne connaissent ni le Tao ni la Vertu, il en résulte que, quoique mes paroles soient très-faciles à comprendre, jusqu’à la fin de leur vie, ils ne peuvent les comprendre.</p><br><p><a href="#lien_70-4"><span id="ancrage_70-4">(4)</span></a> E : Ceux qui comprennent mes paroles sont bien rares. Cela montre que mes paroles sont élevées et subtiles ; par cela même elles sont dignes d’estime. Elles n’en seraient pas dignes si tous les hommes pouvaient les comprendre.</p><p>Plusieurs éditions, par exemple A, B, H, portent <i>tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">者</span> « ceux qui, » après <i>ngo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">我</span> « moi ». De cette manière, l’adverbe <i>tse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">則</span> « alors » devient un verbe actif « imiter, prendre pour modèle » (H : <i>fa</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">法</span>, et les trois mots <i>tse-ngo-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">則我者</span> signifient : « ceux qui me prennent pour modèle (sont estimés). »</p><br><p><a href="#lien_70-5"><span id="ancrage_70-5">(5)</span></a> Littéralement : Il porte des vêtements de laine et renferme du jade ou des pierres précieuses dans son sein. E : <i>Lao-tseu</i> veut montrer,par là, que les hommes (vulgaires) ne peuvent le connaître.</p><p>B : Intérieurement, il possède une beauté sublime ; mais, par sa figureet son extérieur, il paraît commun et stupide. Il est comme l’huître qui cache une perle sous son enveloppe grossière ; comme une pierre informe qui recèle un diamant précieux. De là vient que le vulgairene peut voir sa beauté intérieure ni ses vertus cachées. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXI</b><br><br><p>Savoir et (croire qu’on) ne sait pas, c’est le comble du mérite<a href="#ancrage_71-1"><small><sup><span id="lien_71-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Ne pas savoir et (croire qu’on) sait, c’est<a href="#ancrage_71-2"><small><sup><span id="lien_71-2"> (2)</span></sup></small></a> la maladie (des hommes).</p><p>Si vous vous affligez de cette maladie vous ne l’éprouverez pas<a href="#ancrage_71-3"><small><sup><span id="lien_71-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Le Saint n’éprouve pas cette maladie, parce qu’il s’en afflige<a href="#ancrage_71-4"><small><sup><span id="lien_71-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Voilà pourquoi il ne l’éprouve pas.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_71-1"><span id="ancrage_71-1">(1)</span></a> Le mot <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">病</span> « maladie » est employé huit fois dans ce chapitre (qui ne renferme que vingt-huit mots) soit comme substantif, soit comme verbe neutre. C’est d’après le commentateur <i>Ho </i> <i>chang-kong</i> (A) que j’ai traduit le 2<sup style="font-size:70%">e</sup> et le 6<sup style="font-size:70%">e</sup> <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">病</span> par « s’affliger » (<i>khou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">苦</span>, « trouver amer, pénible, affligeant »), et les 4<sup style="font-size:70%">e</sup>, 5<sup style="font-size:70%">e</sup>, et 8<sup style="font-size:70%">e</sup> par « être malade, éprouver une maladie ; » <i>yeou-p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">有病</span>.</p><p>A : Connaître le Tao et dire qu’on ne le connaît pas, c’est le comble de la vertu : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">乃德之上</span>.</p><p>E : Être ébloui par la connaissance qui naît du contact des choses sensibles, et ne pas posséder le <i>non-savoir</i> qui constitue le <i>vrai savoir</i>, c’est le défaut général des hommes du siècle. C’est pourquoi, si celui qui connaît le Tao peut revenir au <i>non-savoir</i>, c’est la marque d’un mérite éminent : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">斯爲上</span>.</p><p>Dans le chapitre <span class="sc">x</span>, <i>Lao-tseu</i> exprime la même pensée lorsqu’il dit :« Si l’homme peut se délivrer des lumières de l’intelligence, il sera exempt de toute infirmité (morale). »</p><br><p><a href="#lien_71-2"><span id="ancrage_71-2">(2)</span></a> E : Celui qui ne connaît pas le Tao s’attache à de fausses connaissances, et les prend pour des connaissances solides. Dès que les fausses conaissances<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup> résident dans son esprit, elles deviennent, pour lui, une (sorte de) maladie.</p><br><p><a href="#lien_71-3"><span id="ancrage_71-3">(3)</span></a> E : Les fausses connaissances sont la maladie de notre nature. Lorsqu’on sait que les fausses connaissances sont une maladie et qu’on s’en afflige (littéralement : « et qu’on les regarde comme une « maladie »), alors, on n’éprouve pas la maladie des fausses connaissances.</p><br><p><a href="#lien_71-4"><span id="ancrage_71-4">(4)</span></a> E : Connaître le Tao et (croire) qu’on ne le connaît pas, c’est justement le fait (littéralement : « l’affaire ») du Saint. Le Saint est exempt de la maladie des fausses connaissances, parce qu’il s’en afflige.C’est pourquoi la maladie des fausses connaissances s’éloigne de lui. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXII</b><br><br><p>Lorsque le peuple ne craint pas les choses redoutables<a href="#ancrage_72-1"><small><sup><span id="lien_72-1"> (1)</span></sup></small></a> ce qu’il y a de plus redoutable (la mort) vient fondre sur lui.</p><p>Gardez-vous de vous trouver à l’étroit dans votre demeure<a href="#ancrage_72-2"><small><sup><span id="lien_72-2"> (2)</span></sup></small></a>, gardez-vous de vous dégoûter de votre sort<a href="#ancrage_72-3"><small><sup><span id="lien_72-3"> (3)</span></sup></small></a>.</p><p>Je ne me dégoûte<a href="#ancrage_72-4"><small><sup><span id="lien_72-4"> (4)</span></sup></small></a> point du mien , c’est pourquoi il ne m’inspire point de dégoût.</p><p>De là vient que le Saint<a href="#ancrage_72-5"><small><sup><span id="lien_72-5"> (5)</span></sup></small></a> se connaît lui-même et<a href="#ancrage_72-6"><small><sup><span id="lien_72-6"> (6)</span></sup></small></a> ne se met point en lumière ; il se ménage<a href="#ancrage_72-7"><small><sup><span id="lien_72-7"> (7)</span></sup></small></a> et ne se prise point<a href="#ancrage_72-8"><small><sup><span id="lien_72-8"> (8)</span></sup></small></a>.</p><p>C’est pourquoi il laisse ceci et adopte cela<a href="#ancrage_72-9"><small><sup><span id="lien_72-9"> (9)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_72-1"><span id="ancrage_72-1">(1)</span></a> Anciennement, dit <i>Tsiao-kong</i> (G), le mot <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">威</span> (<i>vulgo</i> « majesté ») et le mot <i>weï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">畏</span> « craindre » s’employaient l’un pour l’autre (cf. Dictionn. de <i>Khang-hi</i>) : littéralement : « Lorsque les hommes ne craignent pas ce qu’ils doivent craindre, alors arrive ce qui est grandement à craindre », <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人不畏其所當畏。則大可畏者至矣</span>.</p><p>E : Les mots « choses à craindre » désignent « les maladies, les fléaux, les calamités. » Les mots « chose grandement à craindre » désignent la mort.</p><p>Dans le cours de la vie, le peuple ne sait pas <i>craindre</i> ce qui est à craindre ; il s’abandonne à ses penchants et se laisse aller au gré des passions, s’imaginant que c’est une chose sans conséquence (littéralement : « que cela ne nuit pas »). Bientôt ses vices s’accumulent tellement qu’il ne peut plus les cacher, ses crimes s’aggravent tellementqu’il ne peut plus s’en affranchir, et alors arrive <i>la chose grandement à craindre</i>, c’est-à-dire la mort.</p><br><p><a href="#lien_72-2"><span id="ancrage_72-2">(2)</span></a> E : Votre demeure est tantôt basse, tantôt élevée ; on peut se plaire aussi bien dans l’une que dans l’autre. Gardez-vous de trouver votre maison trop étroite et trop petite, comme si elle ne pouvait vous contenir.</p><br><p><a href="#lien_72-3"><span id="ancrage_72-3">(3)</span></a> E : Vos moyens d’existence seront tantôt abondants, tantôt exigus. Dans l’un et l’autre cas, ils peuvent suffire à vos besoins. Gardez-vousde vous en dégoûter comme s’ils étaient indignes de vous.</p><p><i>Ibid</i>. <i>Lao-tseu</i> s’exprime ainsi pour réveiller le peuple, l’engager à se plaire dans la pauvreté, à supporter son destin et à se trouver heureuxsur la terre. À plus forte raison les rois, les princes, les ministres,les magistrats qui ont de grands revenus et qui habitent des maisons magnifiques, doivent-ils (se contenter de leur sort et) se préserver de ces désirs insatiables qui s’augmentent comme les eaux d’un torrent.</p><br><p><a href="#lien_72-4"><span id="ancrage_72-4">(4)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">既不厭生。而後知生之無可厭也</span> Littéralement : « Dès que je ne me dégoûte point de la vie, je reconnais que la vie n’a rien qui puisse inspirer du dégoût. »</p><p>E : Les hommes vulgaires sont mécontents de leur sort et veulent s’enrichir sans interruption. Alors ils cherchent le profit et reçoivent du dommage ; ils cherchent la paix et trouvent le danger. Précédemmentleur situation n’était pas fâcheuse, mais aujourd’hui elle est devenue détestable. Celui qui ne se dégoûte point de son sort, qui sait se suffire et ne désire rien, reste, jusqu’à la fin de sa vie, à l’abridu danger et du malheur. C’est pourquoi son sort n’a rien qui puisse lui inspirer du dégoût.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Si je ne trouve pas ma demeure trop étroite, c’est que je me suis dégagé de mon corps ; si je ne me dégoûte pas de mon sort (littéralement : « de ma vie »), c’est que je me suis dégagé de la vie matérielle pour ne plus vivre que de la vie intérieure. C’est pourquoi le peuple imite mon exemple et ne se dégoûte point de son sort :<span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">是以民亦不厭也</span>. On voit que ce commentateur rapporteau peuple les mots <i>pou-ye</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不厭</span> et les rend par « ne pas se dégoûter de », tandis que <i>Sou-tseu-yeou</i> les explique par « n’a voir rien qui inspire du dégoût. »</p><p>Si l’on adoptait l’interprétation de <i>Liu-kie-fou</i>, il faudrait traduire : « Je ne me dégoûte pas de mon sort, c’est pourquoi (le peuple) ne se dégoûte pas (du sien). »</p><br><p><a href="#lien_72-5"><span id="ancrage_72-5">(5)</span></a> E : Dès l’origine, la nature de notre condition est fixée (par le ciel). Les hommes vulgaires ne comprennent pas leur destinée, c’est pourquoi ils se dégoûtent de leur sort. Il n’y a que le Saint qui connaisselui-même sa condition et qui accepte avec docilité la destinée que lui envoie le ciel ; il ne se vante point, il n’a nul désir des choses extérieures et se trouve dans l’abondance. Les hommes vulgaires ne se plaisent pas dans leur maison et la trouvent étroite. Mais le Saint « aime sa demeure » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自愛其居</span> et se plaît en tous lieux. Il ne s’agrandit pas à ses propres yeux ; il ne songe point à quitter sa retraite pour remplir des charges. </p><br><p><a href="#lien_72-6"><span id="ancrage_72-6">(6)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Il ne met pas en lumière ce qu’il sait pour le montrer aux autres hommes.</p><br><p><a href="#lien_72-7"><span id="ancrage_72-7">(7)</span></a> E a rapporté les mots <i>tseu-ngaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自愛</span> (littéralement « <i>se amat</i> ») à l’attachement que le sage a pour son humble demeure ; d’autres interprètes, par exemple A et <i>Tong-sse-tsing</i>, que j’ai suivis, pensent que les mots <i>tseu-ngaï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自愛</span> signifient <i>tseu-ngaï-se-khi-chin</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">自愛嗇其身</span>, littéralement « il est avare de son corps » c’est-à-dire « il ménage ses esprits vitaux, et, pour ne point les user, il renonce aux passions. »</p><br><p><a href="#lien_72-8"><span id="ancrage_72-8">(8)</span></a> <i>Youen-tse</i> : S’il s’estimait lui-même, il mépriserait les créatures.</p><br><p><a href="#lien_72-9"><span id="ancrage_72-9">(9)</span></a> A : Il renonce à faire briller la beauté de sa vertu et à s’élever pour obtenir, dans le monde, des honneurs ou de la gloire.</p><p>E : Il fuit l’exemple des hommes qui se trouvent à l’étroit et se dégoûtentde leur sort, et il adopte l’art de se borner et de se suffire à soi-même. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXIII</b><br><br><p>Celui qui met son courage à oser, trouve la mort<a href="#ancrage_73-1"><small><sup><span id="lien_73-1"> (1)</span></sup></small></a>.</p><p>Celui qui met son courage à ne pas oser, trouve la vie.</p><p>De ces deux choses<a href="#ancrage_73-2"><small><sup><span id="lien_73-2"> (2)</span></sup></small></a>, l’une est utile, l’autre est nuisible.</p><p>Lorsque le ciel déteste quelqu’un, qui est-ce qui pourrait sonder ses motifs ?</p><p>C’est pourquoi le Saint se décide difficilement à agir.</p><p>Telle est la voie (la conduite) du ciel.</p><p>Il ne lutte point<a href="#ancrage_73-3"><small><sup><span id="lien_73-3"> (3)</span></sup></small></a>, et il sait remporter la victoire.</p><p>Il ne parle point, et (les êtres) savent lui obéir.</p><p>Il ne les appelle pas, et ils accourent d’eux-mêmes. </p><p>Il paraît lent<a href="#ancrage_73-4"><small><sup><span id="lien_73-4"> (4)</span></sup></small></a>, et il sait former des plans habiles.</p><p>Le filet du ciel est immense ; ses mailles sont écartées et cependant personne n’échappe.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_73-1"><span id="ancrage_73-1">(1)</span></a> E : Le mot <i>cha</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">殺</span>, <i>vulgo</i> « tuer, » signifie ici « mourir » (il devient passif par position).</p><br><p><a href="#lien_73-2"><span id="ancrage_73-2">(2)</span></a> E : Ces deux choses sont l’action d’oser et l’action de ne pas oser. Le mot <i>li</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">利</span>, « est utile, » répond au mot <i>houo</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">活</span>, « vivre ; » le mot <i>haï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">害</span>, « causer du dommage, » répond au mot <i>cha</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">殺</span>, « mourir. »</p><p>Le ciel aime les bons et déteste les méchants. Celui qui met son courage à oser (B : qui ose lutter pour obtenir le premier rang ; A : qui ose agir) encourt la haine du ciel. C’est pourquoi cette conduite est funeste et ne procure aucun profit. Mais le peuple est aveugle ; il ne connaît jamais les motifs du ciel. Il n’y a que le Saint qui puisse sonder les vues du ciel. C’est pourquoi, dans les affaires, il trouve tout difficile et n’ose rien entreprendre.</p><br><p><a href="#lien_73-3"><span id="ancrage_73-3">(3)</span></a> E : Le ciel ne lutte point avec les hommes, et il n’y a personne dont il ne triomphe ; il ne parle pas, et ils lui répondent aussi rapidement que l’écho répond à la voix ; il ne les appelle pas, et ils viennent d’eux-mêmes pour rectifier leur cœur.</p><br><p><a href="#lien_73-4"><span id="ancrage_73-4">(4)</span></a> E : Le ciel paraît lent ; mais il excelle à former des desseins. Quoique le filet des défenses du siècle ait des mailles serrées (c’est-à-dire quelle que soit la sévérité des lois pénales), il y a beaucoup d’hommes (de coupables) qui réussissent à échapper au châtiment. Le filet du ciel est grand et vaste ; il semble avoir des mailles écartées ; mais il n’y a pas un méchant qui puisse l’éviter.</p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> : Il agit avec lenteur ; on dirait qu’il ne médite rien, et cependant ses plans et ses desseins sont si élevés, que personne ne peut y atteindre. Quand les hommes du siècle regardent le ciel avec leurs yeux, ils n’en voient qu’un coin étroit ; ils ne peuvent le découvrirdans son immensité. Quelquefois un homme fait le bien et tombe dans le malheur ; quelquefois il fait le mal et obtient le bonheur. Le peuple ne doute point que le filet du ciel n’ait des mailles trop larges et que beaucoup de coupables n’échappent à leur châtiment. Mais, si l’on sait attendre la fin, on ne tarde pas à reconnaîtreque si le filet du ciel est vaste, si les mailles paraissent écartées, cependant il ne laisse échapper aucun coupable. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXIV</b><br><br><p>Lorsque le peuple ne craint pas la mort, comment l’effrayer par la menace de la mort<a href="#ancrage_74-1"><small><sup><span id="lien_74-1"> (1)</span></sup></small></a> ?</p><p>Si le peuple craint constamment la mort, et que quelqu’un fasse le mal, je puis le saisir et le tuer, et alors qui osera (l’imiter) ?</p><p>Il y a constamment un magistrat suprême qui inflige la mort<a href="#ancrage_74-2"><small><sup><span id="lien_74-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Si l’on veut remplacer ce magistrat suprême, et infliger soi-même la mort, on ressemble à un homme (inhabile) qui voudrait tailler le bois à la place d’un charpentier.</p><p>Lorsqu’on veut tailler le bois à la place d’un charpentier, il est rare qu’on ne se blesse pas les mains. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_74-1"><span id="ancrage_74-1">(1)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> : Lorsque le gouvernement est tyrannique, qu’il inflige des châtiments cruels et que le peuple ne sait plus que devenir,il ne craint point la mort. Quand on voudrait l’effrayer par la menace de la mort, ce serait chose inutile.</p><p>Mais, lorsque le peuple est heureux sous la tutelle du gouvernement,il aime à vivre et craint constamment la mort. Si quelqu’un excite alors la multitude au désordre, le ciel l’abandonne et je puis lui donner la mort. On dira que c’est le ciel qui l’a tué et non pas moi. Mais (B) c’est une chose grave que de décider de la vie deshommes ! Comment pourrait on les tuer à la légère ?</p><p><i>Li-si-tckaï</i> : Ce chapitre a pour but de montrer que les lois pénales du siècle sont inefficaces pour bien gouverner. Si le peuple craint réellement la mort et que quelqu’un fasse le mal, il me suffira de tuer ce seul homme pour effrayer ceux qui seraient tentés de l’imiter. Mais si les crimes du peuple augmentent en proportion des châtiments et des exécutions capitales, il est évident (E : que le peuple ne craint pas la mort et) qu’il ne faut pas compter sur les châtiments pour faire régner l’ordre et la paix. Les princes de la dynastie des Thsin eurent recours aux supplices les plus rigoureux, leurs lois étaient d’une sévérité excessive, et le nombre des révoltés et des brigands s’augmentait à l’infini. Les Han, au contraire, établirentdes lois douces et indulgentes, et tout l’empire vint se soumettreà eux.</p><br><p><a href="#lien_74-2"><span id="ancrage_74-2">(2)</span></a> Littér. « Semper existit præses τοῦ occidere, qui occidit. »</p><p>C’est le ciel, dit <i>Ou-yeou-thsing</i>, qui préside à la peine capitale. C’est le ciel seul qui peut tuer les hommes, de même que le charpentierest le seul qui puisse tailler le bois. Si quelqu’un veut remplacerle ciel pour tuer les hommes, c’est comme s’il remplaçait le charpentier pour tailler le bois. Celui qui prétend tailler le bois à la place du charpentier ne peut manquer de se blesser les mains. Cette comparaison a pour but de montrer que celui qui usurpe le droit de tuer les hommes, éprouve nécessairement une foule demalheurs. <i>Lao-tseu</i> s’exprime ainsi, dit <i>Lin-hi-i</i>, parce que les princes de son temps aimaient à tuer les hommes.</p><p><i>Li-si-tchaï</i> : Laissez faire le ciel : il envoie le bonheur aux hommesvertueux et le malheur aux méchants. Quoiqu’il agisse en secret, aucun coupable ne peut lui échapper ; mais (B) si vous voulez remplacerle ciel qui préside à la mort, la peine capitale que vous aurez infligée retombera sur vous, et votre cœur sera déchiré de remords.</p><p><i>Sie-hoeï</i> : L’empereur <i>Thaï-tsou-hoang-ti</i> (fondateur de la dynastie des Ming, qui monta sur le trône en 1368) s’exprime ainsi dans sa préface sur le <i>Tao-te-king</i> : Depuis le commencement de mon règne, je n’avais pas encore appris à connaître la voie (la règle de conduite) des sages rois de l’antiquité. J’interrogeai là-dessus les hommes, et tous prétendirent me la montrer. Un jour que j’essayais de parcourir une multitude de livres, je rencontrai le <i>Tao-te-king</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">道德經</span>. J’en trouvai le style simple et les pensées profondes. Au bout de quelque temps je tombai sur ce passage du texte : « Lorsque le peuple ne craint pas la mort, comment l’effrayer par la menace de la mort ? »</p><p>À cette époque-là l’empire ne faisait que commencer à se pacifier ; le peuple était obstiné (dans le mal) et les magistrats étaient corrompus.Quoique chaque matin dix hommes fussent exécutés sur la place publique, le soir il y en avait cent autres qui commettaient les mêmes crimes. Cela ne justifiait-il pas la pensée de <i>Lao-tseu</i> ? Dès ce moment je cessai d’infliger la peine capitale ; je me contentai d’emprisonner les coupables et de leur imposer des corvées. En moins d’un an mon cœur fut soulagé. Je reconnus alors que ce livre est la racine parfaite de toutes choses, le maître sublime des rois et le trésor inestimable des peuples ! </p><br>
<b>CHAPITRE LXXV</b><br><br><p>Le peuple a faim<a href="#ancrage_75-1"><small><sup><span id="lien_75-1"> (1)</span></sup></small></a> parce que le prince dévore une quantité d’impôts.</p><p>Voilà pourquoi il a faim.</p><p>Le peuple est difficile à gouverner parce que le prince<a href="#ancrage_75-2"><small><sup><span id="lien_75-2"> (2)</span></sup></small></a> aime à agir.</p><p>Voilà pourquoi il est difficile à gouverner.</p><p>Le peuple méprise la mort<a href="#ancrage_75-3"><small><sup><span id="lien_75-3"> (3)</span></sup></small></a> parce qu’il cherche avec trop d’ardeur les moyens de vivre.</p><p>Voilà pourquoi il méprise la mort.</p><p>Mais celui qui ne s’occupe pas de vivre<a href="#ancrage_75-4"><small><sup><span id="lien_75-4"> (4)</span></sup></small></a> est plus sage que celui qui estime la vie. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_75-1"><span id="ancrage_75-1">(1)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Le travail d’un seul laboureur suffit pour nourrir plusieurs personnes. Comment se fait-il que le peuple éprouve la disette et la faim ? N’est-ce pas parce que le prince ( A ) lève de trop lourds impôts ?</p><br><p><a href="#lien_75-2"><span id="ancrage_75-2">(2)</span></a> C : Lorsque le gouvernement est tyrannique, lorsque les lois sont d’une rigueur excessive et que le prince déploie toutes les ressources de la prudence pour mieux opprimer ses sujets, ceux-ci ont recours à la ruse et à la fraude pour éluder les rigueurs de l’administration, et alors ils sont difficiles à gouverner.</p><br><p><a href="#lien_75-3"><span id="ancrage_75-3">(3)</span></a> J’ai suivi le commentateur A : <i>I-khi-khieou-sing-houo-tchi-tao-thaï-heou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">以其求生活之道太厚</span>. E : Celui qui cherche avec trop d’ardeur les moyens de vivre est l’esclave de mille projets ; il fatigue sa vie et détruit la paix de son âme. Il fait de folles dépenses, et, en songeant au lucre, il oublie le malheur et les échecs. Voilà pourquoi il méprise la mort.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Si le peuple est content de sa nourriture, de ses vêtements,de son habitation, il ne méprise point la mort. Quand il méprise la mort, c’est qu’il y est poussé par le besoin de conserver sa vie. C’est pourquoi le Saint n’établit point des règlements importunset le peuple s’enrichit. Il n’a point de désirs, et le peuple, qui l’imite, revient à sa pureté primitive. Alors le prince ne consume pas une quantité d’impôts et personne ne souffre la faim.</p><br><p><a href="#lien_75-4"><span id="ancrage_75-4">(4)</span></a> A : Les mots <i>wou-i-sing-weï-tche</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無以生爲者</span> signifient, « celui qui ne fait pas de la vie son occupation, qui ne s’occupe pas de vivre, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無以生爲務者</span>.</p><p>E : Celui qui ne s’occupe pas de vivre est celui dont <i>Lao-tseu</i> a dit (chapitre <span class="sc">vii</span>) : « il se dégage de son corps (littéralement « il met son corps en dehors de lui) et son corps se conserve. » Un tel homme est infiniment plus <i>sage</i> que (sic A ; E : <i>l’emporte sur</i>) celui qui estime la vie.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Le Saint ne se met pas en lumière parce qu’il s’est dépouillé de son corps ; il ne se prise point lui-même parce qu’il a renoncé à la vie. On voit par là qu’il ne prend aucun souci de la vie.</p><p>A : Le Saint ne s’occupe point de la vie ; les hauts emplois, les riches émoluments n’entrent point dans sa pensée ; les richesses et le lucre n’effleurent point son âme ; l’empereur ne pourrait l’assujettir, tous les vassaux ne pourraient le soumettre à leur puissance. On voit par là qu’il est plus sage que ceux qui estiment la vie. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXVI</b><br><br><p>Quand l’homme vient au monde<a href="#ancrage_76-1"><small><sup><span id="lien_76-1"> (1)</span></sup></small></a>, il est souple et faible ; quand il meurt, il est roide et fort.</p><p>Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres ; quand ils meurent, ils sont secs et arides.</p><p>La roideur et la force sont les compagnes de la mort<a href="#ancrage_76-2"><small><sup><span id="lien_76-2"> (2)</span></sup></small></a> ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie.</p><p>C’est pourquoi, lorsqu’une armée est forte<a href="#ancrage_76-3"><small><sup><span id="lien_76-3"> (3)</span></sup></small></a>, elle ne remporte pas la victoire.</p><p>Lorsqu’un arbre est devenu fort, on l’abat<a href="#ancrage_76-4"><small><sup><span id="lien_76-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Ce qui est fort et grand occupe le rang inférieur ; ce qui est souple et faible occupe le rang supérieur<a href="#ancrage_76-5"><small><sup><span id="lien_76-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_76-1"><span id="ancrage_76-1">(1)</span></a> B : Quand l’homme vient au monde, le sang circule dans tout son corps, l’harmonie des esprits vitaux est dans sa plénitude. C’est pourquoi ses nerfs sont souples et sa chair est molle. Quand il meurt, son sang se tarit (littéralement « se dessèche »), ses veines s’oblitèrent, et l’harmonie des esprits vitaux abandonne son corps. C’est pourquoi ses membres sont roides et forts.</p><p>Quand un arbre naît, sa vitalité est complète, sa séve est abondante.C’est pourquoi il est souple et tendre. Mais quand il dépérit,sa vitalité se dissipe et sa séve se tarit.</p><br><p><a href="#lien_76-2"><span id="ancrage_76-2">(2)</span></a> Plusieurs commentaires m’autorisent à rendre le mot <i>tou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">徒</span> (<i>vulgo</i> « piéton, disciple »), par « compagne. » E l’explique par <i>louï</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">類</span>, « sorte, espèce. » Selon lui, on traduirait : « sont une sorte de mort........ sont une sorte de vie. » (Cf. <i>supra</i>, chap. <span class="sc">L</span>, note 2, où <i>Yen-kiun-ping</i> l’explique par « cause, » sens qu’on pourrait aussi admettre dans ce passage.)</p><p><i>Li-si-tchaï</i> : Tout ce chapitre a un sens figuré. <i>Lao-tseu</i> veut dire que celui qui se rapproche du Tao par sa souplesse et sa faiblesse est assuré de vivre, et que celui qui s’éloigne du Tao, en recherchant la force et la puissance, en luttant contre les obstacles au lieu de leur céder, périra infailliblement.</p><br><p><a href="#lien_76-3"><span id="ancrage_76-3">(3)</span></a> A : Une armée forte tente le combat à la légère ; elle aime à tuer les hommes, à répandre des désastres qui lui attirent de nombreuxennemis. Alors tous ceux qui étaient faibles s’associent ensemblecontre elle, et deviennent puissants par leur union. C’est pourquoi celui qui est fort ne remporte pas la victoire.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> explique les mots <i>p’ingkhiang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兵強</span> par « celui qui est puissant <i>par les armes</i>. » Les mots suivants, <i>mou-khiang</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">木強</span>, « l’arbre est fort, » sont exactement parallèles et montrent que le mot <i>p’ing</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兵</span>, « armes, armée, » doit être traduit au nominatif (quando <i>exercitus</i> fortis est), et non au cas instrumental (quando quis <i>exercitu</i> fortis est).</p><br><p><a href="#lien_77-4"><span id="ancrage_77-4">(4)</span></a> Le mot <i>kong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">共</span> (<i>vulgo</i> « simul ») a beaucoup embarrassé les commentateurs. G conseille de le prendre pour <i>ho-kong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">拱合</span>dans le sens de « entourer. » <i>Tsiao-hong</i> : On <i>entoure</i> l’arbre pour l’abattre,on l’abat. C’est aussi le sens de B, de C et de <i>Liu-kie-fou</i>.</p><br><p><a href="#lien_77-5"><span id="ancrage_77-5">(5)</span></a> B : Les êtres vivants qui sont durs et forts perdent leur harmonie vitale et meurent. Il est juste qu’ils occupent le rang inférieur. Ceux qui sont souples et faibles possèdent toute la plénitude de l’harmonie et ils vivent. C’est pourquoi ils occupent le premier rang. On voit par là que la roideur et la force sont l’origine, la cause de notre mort ; et que la souplesse et la faiblesse sont ce qu’il y a de plus important pour entretenir notre vie.</p><p>Le commentateur D donne un autre sens : par ce qui est <i>dur et fort</i>, il entend ici la partie inférieure du tronc de l’arbre ; par ce qui est <i>souple et faible</i>, il entend les branches minces qui s’élèvent à son sommet. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXVII</b><br><br><p>La voie du ciel (c’est-à-dire le ciel) est comme l’ouvrier en arcs<a href="#ancrage_77-1"><small><sup><span id="lien_77-1"> (1)</span></sup></small></a> qui abaisse ce qui est élevé, et élève ce qui est bas ; qui ôte le superflu, et supplée à ce qui manque.</p><p>Le ciel ôte à ceux qui ont du superflu pour aider ceux qui n’ont pas assez<a href="#ancrage_77-2"><small><sup><span id="lien_77-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Il n’en est pas ainsi de l’homme : il ôte à ceux qui n’ont pas assez pour donner à ceux qui ont du superflu. Quel est celui qui est capable de donner son superflu aux hommes de l’empire ? Celui-là seul qui possède le <i>Tao</i>.</p><p>C’est pourquoi le Saint<a href="#ancrage_77-3"><small><sup><span id="lien_77-3"> (3)</span></sup></small></a> fait (le bien) et ne s’en prévaut point.</p><p>Il accomplit de grandes choses et ne s’y attache point<a href="#ancrage_77-4"><small><sup><span id="lien_77-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Il ne veut pas laisser voir sa sagesse<a href="#ancrage_77-5"><small><sup><span id="lien_77-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_77-1"><span id="ancrage_77-1">(1)</span></a> Ce passage difficile a reçu plusieurs interprétations. E pense que les quatre phrases « il abaisse ce qui est élevé, etc. » se rapportentau fabricant d’arcs, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">言弓人爲弓</span>, qui, en faisant un arc, en ajuste la monture de manière que ses différentes parties cadrent entre elles. On voit que cet interprète a pris les mots <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">張弓</span> (<i>vulgo</i> « tendre un arc ») dans le sens de <i>weï-kong</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">爲弓</span>, « fabriquer un arc. »</p><p>G rapporte à celui qui tend un arc, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">張弓</span>, les deux verbes « abaisser, élever, » et à la voie du ciel, les verbes « ôter, suppléer. »Pour entendre son explication, il faut se figurer l’état d’un arc chinoistendu et détendu. Lorsque le ciel ôte quelque chose à ceux qui ont du superflu, c’est comme lorsqu’on abaisse le milieu de l’arc et qu’on le force à se diriger en bas. Lorsqu’il ajoute quelquechose à ceux qui n’ont pas assez, c’est comme lorsqu’on relève les extrémités de l’arc et qu’on les force à se diriger en haut.</p><p><i>Aliter Hi-ching</i> : Le propre du principe <i>Yang</i> est de monter, le propre du principe <i>In</i> est de descendre. Lorsque le principe <i>Yang</i> est monté au sommet du ciel (c’est-à-dire lorsque le soleil est au plus haut de sa course), il descend. Lorsque le principe <i>In</i> (c’est-à-dire la lune) est descendu aux dernières limites de la terre, il monte. Leurs mouvements opposés sont l’image de l’arc que l’on tend. La voie du ciel ôte au soleil ce qu’il a de superflu pour suppléerce qui manque à la lune. </p><p>C a cru que les quatre verbes « il abaisse, il élève, il diminue, il supplée, » se rapportaient aux diverses phases de la lune.</p><br><p><a href="#lien_77-2"><span id="ancrage_77-2">(2)</span></a> E : Le ciel se borne à égaliser toutes choses. C’est pourquoi il diminue le superflu des uns et supplée à l’insuffisance des autres. L’homme est en opposition avec le ciel et il n’observe pas l’égalité. Il n’y a que celui qui possède le Tao qui comprenne la voie du ciel. Il peut retrancher ce qu’il a de trop et l’offrir aux hommes de l’empire.Les sages de l’antiquité, qui surpassaient les autres hommes par leurs talents, songeaient à les employer pour le bien des créatures ;ils ne s’en prévalaient pas pour se grandir (aux yeux du peuple). C’est pourquoi ils faisaient usage de leur sagesse et de leur prudence pour nourrir les hommes. Mais les hommes sages et prudents qui leur ont succédé, calculent ce qu’ils possèdent pour se procurer le repos et les jouissances de la vie. C’est pourquoi ils se mettent au service des hommes bornés et vicieux pour se nourrir eux-mêmes.</p><br><p><a href="#lien_77-3"><span id="ancrage_77-3">(3)</span></a> E : Le Saint fait de grandes choses (A : fait du bien aux hommes) et ne s’en prévaut pas. On dirait qu’il est frappé d’incapacité.</p><br><p><a href="#lien_77-4"><span id="ancrage_77-4">(4)</span></a> E : Quand ses mérites sont accomplis, il ne s’y attache pas. On dirait qu’il est dénué de tout mérite.</p><br><p><a href="#lien_77-5"><span id="ancrage_77-5">(5)</span></a> <i>Sic</i> A : <i>Pou-yo-sse-jin-tchi-ki-tchi-hien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不欲使人知已之賢</span>, littéralement : « non vult facere <i>ut</i> homines cognoscant sui ipsius sapientiam. » </p><br>
<b>CHAPITRE LXXVIII</b><br><br><p>Parmi toutes les choses du monde<a href="#ancrage_78-1"><small><sup><span id="lien_78-1"> (1)</span></sup></small></a>, il n’en est point de plus molle et de plus faible que l’eau, et cependant, pour briser ce qui est dur et fort, rien ne peut l’emporter sur elle.</p><p>Pour cela rien ne peut remplacer l’eau<a href="#ancrage_78-2"><small><sup><span id="lien_78-2"> (2)</span></sup></small></a>.</p><p>Ce qui est faible<a href="#ancrage_78-3"><small><sup><span id="lien_78-3"> (3)</span></sup></small></a> triomphe de ce qui est fort ; ce qui est mou triomphe de ce qui est dur.</p><p>Dans le monde<a href="#ancrage_78-4"><small><sup><span id="lien_78-4"> (4)</span></sup></small></a> il n’y a personne qui ne connaisse (cette verité<sup><span class="colore" style="color: #008000;">[<i>sic</i>]</span></sup>), mais personne ne peut la mettre en pratique. </p><p>C’est pourquoi le Saint dit : Celui qui supporte les opprobres du royaume<a href="#ancrage_78-5"><small><sup><span id="lien_78-5"> (5)</span></sup></small></a> devient chef du royaume.</p><p>Celui qui supporte<a href="#ancrage_78-6"><small><sup><span id="lien_78-6"> (6)</span></sup></small></a> les calamités du royaume devient le roi de l’empire.</p><p>Les paroles droites paraissent contraires (à la raison)<a href="#ancrage_78-7"><small><sup><span id="lien_78-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_78-1"><span id="ancrage_78-1">(1)</span></a> Tout ce chapitre doit se prendre au figuré. Il a pour but de montrer la supériorité des hommes qui pratiquent le Tao (qui imitent sa faiblesse, son humilité, sa souplesse apparentes) sur ceux qui le négligent et recherchent avec ardeur la puissance, la gloire et l’élévation.</p><p>E : Parmi toutes les choses du monde, il n’en est pas de plus molle ni de plus faible que l’eau ; cependant, si elle attaque les corps les plus durs et les plus forts, ils céderont à sa puissance et ne pourront jamais la vaincre. Ainsi donc, parmi toutes les choses du monde qui peuvent attaquer (et abattre) les corps durs et forts,il n’en est pas une seule qui puisse remplacer l’eau.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Parmi toutes les choses du monde, il n’en est pas qui puisse, aussi bien que l’eau, prendre toutes les formes et toutes les directions. Tantôt elle se recourbe, tantôt elle s’élève ; elle se prête aussi bien à remplir un vase carré qu’un vase circulaire. Si vous lui opposez un obstacle, elle s’arrête ; si vous lui ouvrez un passage, elle se dirige où vous voulez. Cependant elle porte des vaisseaux, elle roule des rochers, elle creuse des vallées, elle perce des montagnes, et soutient le ciel et la terre.</p><p>B : L’eau est extrêmement molle, et cependant, en s’infiltrant goutte à goutte , elle peut creuser les durs rochers de ses rivages. Les montagnes et les collines sont extrêmement solides, et cependant elle peut les renverser par son impétuosité invincible.</p><br><p><a href="#lien_78-2"><span id="ancrage_78-2">(2)</span></a> Nous avons vu, dans la note précédente, que les mots <i>wou-i-i-tchi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無以易之</span> signifient, suivant E, « aucune chose ne peut remplacer l’eau, être substituée à l’eau, » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無物可以易之</span>.</p><p><i>Liu-kie-fou</i> : Quoique l’eau puisse se courber, se plier et prendre toutes les formes, jamais elle ne perd ce qui constitue sa nature. Pour abattre ce qui est dur et solide, rien <i>ne passe avant</i> elle <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">無以先之</span>.</p><p><i>Aliter</i> B : Ce que j’avance a été et est encore un raisonnement <i>invariable</i>, <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">不易之論</span>.</p><p>Cette différence d’interprétation vient de ce que le mot <i>i</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">易</span> signifie « se changer, être changé (mutari) et échanger (permutare). »</p><br><p><a href="#lien_78-3"><span id="ancrage_78-3">(3)</span></a> Voyez la note 1.</p><br><p><a href="#lien_78-4"><span id="ancrage_78-4">(4)</span></a> E : Dans le monde, tous les hommes connaissent les avantages que procurent la souplesse (l’opposé de roideur) et la faiblesse ; mais à la fin il n’est personne qui sache être mou et faible. Ils regardent la fermeté et la force comme un titre de gloire, la souplesse et la faiblesse comme un sujet de honte.</p><br><p><a href="#lien_78-5"><span id="ancrage_78-5">(5)</span></a> E : Le mot <i>heou</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">垢</span> (<i>vulgo</i> « sordes ») veut dire ici la honte.La honte et les calamités sont des choses que la multitude ne sait point endurer. Il n’y a que l’homme mou et faible (suivant le Tao) qui puisse les endurer avec joie et sans se plaindre (littéralement « sans contestation »). À l’aide de sa mollesse (l’opposé de dureté, d’inflexibilité de caractère) et de sa faiblesse, il subjugue les hommes les plus fermes et les plus forts du monde. C’est pourquoi il peut conserver le droit d’offrir des sacrifices aux génies de la terre et des grains, et devenir le maître de l’empire.</p><p>Le même commentateur cite plusieurs traits historiques pour appuyer la pensée de <i>Lao-tseu</i>. <i>Keou-tsien</i>, roi de <i>Youeï</i>, entra au service du roi de <i>Ou</i>, et bientôt après il devint le chef des vassaux. Le prince <i>Liu-heou</i> ne vengea pas l’affront d’une lettre insolente, et le prince des <i>Hiong-nou</i> vint solliciter son alliance et sa parenté. </p><br><p><a href="#lien_78-6"><span id="ancrage_78-6">(6)</span></a> B : Celui qui ne se dérobe pas lâchement au danger, qui s’accuse lui-même de la disette du royaume et des crimes d’un homme du peuple, celui-là peut devenir le chef de tout l’empire. </p><br><p><a href="#lien_78-7"><span id="ancrage_78-7">(7)</span></a> E : Les hommes du siècle disent qu’il faut être d’un caractère bas pour supporter les affronts ; mais le Saint s’exprime autrement (c’est-à-dire recommande, au contraire, de les endurer sans se plaindre). On voit que si ses paroles droites paraissent absurdes et contraires à la raison, ce n’est point qu’elles le soient en effet ; cela vient uniquement de ce que quelques personnes les examinent du point de vue de la foule. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXIX</b><br><br><p>Si vous voulez apaiser les grandes inimitiés des hommes<a href="#ancrage_79-1"><small><sup><span id="lien_79-1"> (1)</span></sup></small></a>, ils conserveront nécessairement un reste d’inimitié.</p><p>Comment pourraient-ils devenir vertueux ?</p><p>De là vient que le Saint<a href="#ancrage_79-2"><small><sup><span id="lien_79-2"> (2)</span></sup></small></a> garde la partie gauche du contrat<a href="#ancrage_79-3"><small><sup><span id="lien_79-3"> (3)</span></sup></small></a> et ne réclame rien aux autres.</p><p>C’est pourquoi celui qui a de la vertu songe à donner<a href="#ancrage_79-4"><small><sup><span id="lien_79-4"> (4)</span></sup></small></a>, celui qui est sans vertu songe à demander<a href="#ancrage_79-5"><small><sup><span id="lien_79-5"> (5)</span></sup></small></a>.</p><p>Le ciel n’affectionne personne en particulier. Il donne constamment aux hommes vertueux<a href="#ancrage_79-6"><small><sup><span id="lien_79-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_79-1"><span id="ancrage_79-1">(1)</span></a> <i>Liu-kie-fou</i> : Ceux qui ne sont pas vertueux, je les traite comme des gens vertueux, et, par là , ils deviennent vertueux. (Voy. ch. <span class="sc">xlix</span>, note 2.) Si vous cherchez à apaiser les grandes inimitiés des hommes, ils ne manqueront pas de garder un reste d’inimitié ; comment pourraient-ils devenir vertueux ? Il vaut mieux, dit <i>Li-tsi-tchaï</i>, rester indifférent a l’égard des créatures, et (C) oublier également le bien que nous avons répandu sur elles et le mal qu’elles nous ont fait. Imitons celui qui tient la partie gauche du contrat et ne demande rien aux autres.</p><p><i>Sou-tseu-yeou</i> : Les inimitiés naissent de l’illusion, l’illusion émane de notre nature. Celui qui connaît sa nature (et qui la conserve dans sa pureté) n’a pas de vues illusoires ; comment serait-il sujet à l’inimitié ? Maintenant les hommes ne savent pas arracher la racine (des inimitiés) et ils cherchent à en apaiser la superficie (littéralement : « les branches ») ; aussi, quoiqu’elles soient calmées extérieurement, on ne les oublie jamais au fond du cœur.</p><br><p><a href="#lien_79-2"><span id="ancrage_79-2">(2)</span></a> B : Cette comparaison est destinée à montrer que l’homme parfaitement sincère n’a point de contestations avec les autres. Il les laisse suivre leur nature et n’excite point leur inimitié ; il donne à chacun ce qu’il désire et n’exige rien de personne.</p><br><p><a href="#lien_79-3"><span id="ancrage_79-3">(3)</span></a> <i>Ou-yeou-thsing</i>, H, etc. Le mot <i>kie</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">契</span> désigne « une tablette de bois qui pouvait se diviser en deux parties. On écrivait dessus toutes sortes de conventions, soit pour acheter, soit pour donner ou emprunter. » Celui des contractants qui devait donner la chose qui était l’objet du contrat, gardait la partie gauche de cette tablette, et celui qui devait la venir réclamer prenait la partie droite. (C’est ce qu’exprime E en disant : <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">左契所以與。右契所以取</span> « La partie gauche du contrat sert à donner, la partie droite sert à prendre, c’est-à-dire à réclamer. ») Quand ce dernier se présentait en tenant dans sa main la partie droite du contrat, celui qui avait la partie gauche les rapprochait l’une de l’autre, et, après avoir reconnu la correspondance exacte des lignes d’écriture et la coïncidence des dentelures des deux portions de la tablette (elles devaient s’adapter l’une à l’autre comme les tailles des boulangers, et les lettres qui y étaient gravées devaient se correspondre comme celles d’un billet de banque qu’on rapproche de la souche, il donnait l’objet réclamé sans faire aucune difficulté, et sans témoigner le plus léger doute sur les droits et la sincérité du demandeur.</p><p>Lorsqu’on dit que le Saint garde la <i>partie gauche du contrat</i>, on entend qu’il ne réclame rien à personne, et qu’il attend que les autres viennent demander eux-mêmes ce qu’ils désirent de lui.</p><br><p><a href="#lien_79-4"><span id="ancrage_79-4">(4)</span></a> Je crois, avec <i>Ou-yeou-thsing</i>, qu’il faut sous-entendre <i>tso</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">左</span> « gauche » (<i>lævus</i>) après <i>sse</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">司</span> (<i>vulgo</i> « présider à ») ; mot à mot « qui habet virtutem præsidet (<i>lævæ</i> parti) tabulæ <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">契</span> », c’est-à-dire : « celui qui a de la vertu tient la partie gauche du contrat. »</p><p>E : <i>Lao-tseu</i> veut dire que le Saint se borne à donner aux hommes et ne réclame point la récompense de ses bienfaits. Quand il leur fait du bien, il l’oublie ; alors les hommes oublient aussi l’inimitié qu’ils peuvent avoir contre lui.</p><p>Les mots : « il tient la partie gauche du contrat » , sont l’équivalent de ceux-ci : « il est disposé à donner, il songe à donner. » (Voyez plus haut, lig. 5.)</p><br><p><a href="#lien_79-5"><span id="ancrage_79-5">(5)</span></a> Littéralement : « il préside à l’impôt <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span>, » c’est-à-dire : « il ressemble à celui qui lève l’impôt <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span>. » Le mot <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span> désignait un genre d’impôt, appelé plus souvent <i>tch’e-fa</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤法</span> (E), qui avait été établi sous la dynastie des <i>Tcheou</i>. (Voyez mon édition de <i>Meng-tseu</i>, livre <span class="sc">i</span>, page 177, note 61.)</p><p>E : L’empereur donnait au peuple des terres appelées <i>kong-tien</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">公田</span> (que huit familles cultivaient en commun et dont elles partageaient également les produits), et il exigeait un impôt qui équivalait à la dixième partie de leur revenu. Il différait beaucoup de celui qui garde <i>la partie gauche du contrat</i> (et qui est disposé à donner.) Celui qui a de la vertu <i>tient la partie gauche du contrat</i> (sic <i>Ou-yeou-thsing</i>) ; c’est-à-dire qu’il se borne à donner aux hommes et ne leur réclame rien. </p><p>Celui qui est dénué de vertu préside à l’impôt <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span>, c’est-à-dire : ressemble à celui qui lève l’impôt <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span>. Quoiqu’il donne aux hommes (l’empereur donnait au peuple des terres), il ne manque jamais de leur prendre beaucoup (l’empereur exigeait la dixième partie du revenu de ces terres).</p><p>Les détails qui précèdent montrent au lecteur pourquoi j’ai rendu les mots « il tient la partie gauche du contrat » par : <i>il songe à donner</i>, et les mots « il préside à l’impôt <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span> » par : <i>il songe à demander</i>. La version littérale des expressions <i>sse-khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">司契</span> « présider au contrat » et <i>sse-tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">司撤</span> « présider à l’impôt <i>tch’e</i> eût été inintelligible. J’ai dû, dans ma traduction, en donner l’équivalent, comme les commentateurs l’ont fait dans leur paraphrase, en me réservant d’expliquer, ainsi qu’on l’a vu plus haut, la signification propre des mots <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">契</span> « contrat » et <i>tch’e</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">撤</span> « sorte d’impôt » qui sont pris ici dans un sens figuré.</p><br><p><a href="#lien_79-6"><span id="ancrage_79-6">(6)</span></a> E : L’homme vertueux se contente de donner aux hommes et ne leur réclame ou demande rien. Quoiqu’il ne prenne rien aux hommes, le ciel lui donne constamment, c’est-à-dire le comble constamment de ses dons. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXX</b><br><br><p>(Si je gouvernais) un petit royaume<a href="#ancrage_80-1"><small><sup><span id="lien_80-1"> (1)</span></sup></small></a> et un peuple peu nombreux, n’eût-il des armes que pour dix ou cent<a href="#ancrage_80-2"><small><sup><span id="lien_80-2"> (2)</span></sup></small></a>hommes, je l’empêcherais de s’en servir.</p><p>J’apprendrais au peuple à craindre la mort<a href="#ancrage_80-3"><small><sup><span id="lien_80-3"> (3)</span></sup></small></a> et à ne pas émigrer au loin<a href="#ancrage_80-4"><small><sup><span id="lien_80-4"> (4)</span></sup></small></a>.</p><p>Quand il aurait des bateaux et des chars, il n’y monterait pas<a href="#ancrage_80-5"><small><sup><span id="lien_80-5"> (5)</span></sup></small></a>. </p><p>Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas<a href="#ancrage_80-6"><small><sup><span id="lien_80-6"> (6)</span></sup></small></a>.</p><p>Je le ferais revenir à l’usage des cordelettes nouées<a href="#ancrage_80-7"><small><sup><span id="lien_80-7"> (7)</span></sup></small></a>.</p><p>Il savourerait sa nourriture<a href="#ancrage_80-8"><small><sup><span id="lien_80-8"> (8)</span></sup></small></a>, il trouverait de l’élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages.</p><p>Si un autre royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s’entendissent de l’un à l’autre<a href="#ancrage_80-9"><small><sup><span id="lien_80-9"> (9)</span></sup></small></a>, mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin<a href="#ancrage_80-10"><small><sup><span id="lien_80-10"> (10)</span></sup></small></a>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div> <br><p><a href="#lien_80-1"><span id="ancrage_80-1">(1)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> : <i>Lao-tseu</i> vivait à l’époque de la décadence des Tcheou <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">周</span>. Les démonstrations extérieures (les dehors d’une politesse étudiée) dominaient, c’est à-dire avaient remplacé la sincérité du cœur, et les mœurs se corrompaient de plus en plus. <i>Lao-tseu</i> aurait voulu sauver les hommes par le <i>non-agir</i> ; c’est pourquoi, à la fin de son ouvrage, il dit quel aurait été l’objet de ses vœux. Il aurait désiré d’avoir à gouverner un petit royaume pour y faire l’application de ses doctrines, mais il ne put y réussir.</p><br><p><a href="#lien_80-2"><span id="ancrage_80-2">(2)</span></a> <i>Sou-tseu-yeou</i> : Le mot <i>chi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">什</span> veut dire « dix hommes » <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">十人</span> (ainsi que l’indique sa composition). Le mot <i>pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">伯</span> veut dire « cent hommes ». H : Même sens.</p><p>Mais, comme aucun dictionnaire ne donne ce sens au mot <i>pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">伯</span> (<i>vulgo</i> « frère aîné du père »), j’ai préféré la leçon <i>pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">佰</span> de l’édit. C, qui porte avec elle sa définition. En effet, le mot <i>pe</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">佰</span> signifie « une troupe de cent hommes », parce qu’il se compose des signes <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">人</span> « homme » et <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">百</span> « cent ». </p><p>B : Le mot <i>khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">器</span> veut dire « armes de guerre » <i>ping-khi</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">兵器</span>.</p><p><i>Ibid</i>. Il s’agit ici d’un petit royaume de cent <i>lis</i> (dix lieues).</p><br><p><a href="#lien_80-3"><span id="ancrage_80-3">(3)</span></a> B : Le peuple ne serait pas accablé d’impôts ni de corvées, (E) il aimerait son existence, il serait attaché à la vie et redouterait la mort.</p><br><p><a href="#lien_80-4"><span id="ancrage_80-4">(4)</span></a> A : Mon administration n’étant point importune aux hommes du peuple, ils exerceraient tranquillement leur profession, ils n’émigreraient pas au loin et n’abandonneraient pas leur pays natal pour aller chercher leur bonheur ailleurs.</p><br><p><a href="#lien_80-5"><span id="ancrage_80-5">(5)</span></a> A : Il resterait dans un état de pureté et de quiétude absolue ; il ne mettrait pas son bonheur à voyager au loin.</p><br><p><a href="#lien_80-6"><span id="ancrage_80-6">(6)</span></a> H : Le mot <i>tch’in</i> <span class="lang-zh" style="font-size: 150%;">陳</span> signifie proprement « ranger, disposer en ordre. »</p><p>B : Je n’aurais aucun sujet d’attaquer les autres ni de leur faire la guerre ; je (A) ne m’attirerais pas la haine et le ressentiment des royaumes voisins, et je n’aurais pas besoin de me défendre contre leurs attaques.</p><br><p><a href="#lien_80-7"><span id="ancrage_80-7">(7)</span></a> Dans la haute antiquité, lorsque l’écriture n’était pas encore inventée, les hommes se servaient de cordelettes nouées pour communiquer leurs pensées. (Voy. le <i>Thong-kien-kang-mou</i>, partie I, livre I, fol. 2.) À cette époque les mœurs étaient pures et simples, et, suivant les idées de <i>Lao-tseu</i>, elles n’avaient pas encore été altérées par les progrès des lumières.</p><p>Dans la pensée de l’auteur, les mots « je ramènerais le peuple à l’ « usage des cordelettes nouées » signifient : « je ramènerais le peuple à sa simplicité primitive ».</p><br><p><a href="#lien_80-8"><span id="ancrage_80-8">(8)</span></a> H : Le peuple serait content de son sort ; il ne désirerait rien en dehors de lui. Il ne s’occuperait ni de sa bouche, ni de son corps ; il aimerait ses rudes vêtements, et ses mets grossiers lui sembleraient délicieux.</p><br><p><a href="#lien_80-9"><span id="ancrage_80-9">(9)</span></a> E : Dans ce cas, les deux pays seraient extrêmement rapprochés.</p><br><p><a href="#lien_80-10"><span id="ancrage_80-10">(10)</span></a> Il arriverait au terme de la vieillesse sans avoir songé à visiter le peuple voisin, parce qu’il (A) serait exempt de désirs, et (E} ne chercherait rien au delà de ce qu’il possède.</p><p>H : <i>Lao-tseu</i> s’est exprimé ainsi, dans ce chapitre, parce qu’il détestait les princes de son temps, qu’il voyait <i>se livrer à l’action</i> (le contraire du <i>non-agir</i>) et faire usage de la prudence et de la force, qui aimaient à se faire la guerre pour assouvir leur cupidité , qui s’appropriaient les richesses de leurs sujets pour satisfaire leurs passions,et ne prenaient nul souci du peuple. Aussi leur royaume était en proie au désordre, le peuple s’appauvrissait rapidement, et devenait de jour en jour plus difficile à gouverner. </p><br>
<b>CHAPITRE LXXXI</b><br><br><p>Les paroles sincères<a href="#ancrage_81-1"><small><sup><span id="lien_81-1"> (1)</span></sup></small></a> ne sont pas élégantes ; les paroles élégantes ne sont pas sincères.</p><p>L’homme vertueux n’est pas disert<a href="#ancrage_81-2"><small><sup><span id="lien_81-2"> (2)</span></sup></small></a> ; celui qui est disert n’est pas vertueux.</p><p>Celui qui connaît (le Tao) n’est pas savant<a href="#ancrage_81-3"><small><sup><span id="lien_81-3"> (3)</span></sup></small></a> ; celui qui est savant ne le connaît pas.</p><p>Le Saint n’accumule pas (les richesses.).</p><p>Plus il emploie (sa vertu) dans l’intérêt des hommes<a href="#ancrage_81-4"><small><sup><span id="lien_81-4"> (4)</span></sup></small></a>, et plus elle augmente.</p><p>Plus il donne aux hommes et plus il s’enrichit. </p><p>Telle est la voie du ciel, qu’il est utile aux êtres <a href="#ancrage_81-5"><small><sup><span id="lien_81-5"> (5)</span></sup></small></a> et ne leur nuit point.</p><p>Telle est la voie du Saint, qu’il agit et ne dispute point <a href="#ancrage_81-6"><small><sup><span id="lien_81-6"> (6)</span></sup></small></a></p><br><div style="text-align:center;clear:both;">NOTES.</div><br><p><a href="#lien_81-1"><span id="ancrage_81-1">(1)</span></a> E : les paroles vraies n’ont pas besoin d’ornements empruntés.</p><br><p><a href="#lien_81-2"><span id="ancrage_81-2">(2)</span></a> E : Celui qui agit bien (A : qui pratique le Tao), ne s’étudie pas à parler avec habileté.</p><br><p><a href="#lien_81-3"><span id="ancrage_81-3">(3)</span></a> E : Celui qui possède l’essentiel (littéral. « le résumé ») de ce qu’il faut savoir n’a pas besoin d’acquérir beaucoup de connaissances.</p><br><p><a href="#lien_81-4"><span id="ancrage_81-4">(4)</span></a> E : Le Saint emploie son Tao dans l’intérêt des hommes, il donne aux hommes toutes ses richesses (littéralement : « son profit »le mot <i>richesses</i> se prend ici au figuré). Quoiqu’il les répande (son Tao et ses richesses) sur tous les hommes de l’empire et les lègue aux générations futures, son Tao s’augmente de plus en plus et reste inépuisable ; ses richesses s’<span class="coquille" title="accroisssent">accroissent</span> de plus en plus et n’éprouvent nulle diminution.</p><p>A pense qu’il s’agit ici de richesses proprement dites. « Quand il a répandu l’influence de sa vertu dans l’intérêt des hommes, sa vertu « n’en devient que plus abondante. Quand il a répandu ses richesses en aumônes, ses richesses n’en deviennent que plus florissantes. »</p><br><p><a href="#lien_81-5"><span id="ancrage_81-5">(5)</span></a> E : Le ciel nourrit tous les êtres ; il leur est utile et ne leur fait point de tort (ou de mal).</p><br><p><a href="#lien_81-6"><span id="ancrage_81-6">(6)</span></a> E : Le Saint aide l’empire par le Tao ; quand ses mérites sont accomplis, il ne s’y attache point (et se retire à l’écart).</p><p>A : Il ne dispute point le mérite ou la gloire. Cf. chap. <span class="sc">ii</span>, <span class="sc">ix</span>.</p><br><div style="text-align:center;clear:both;">FIN.</div> </div>